Le commerce entre l’Algérie et l’Espagne retrouve son niveau d’avant-crise. Après plus de deux ans de gel causé par la tension diplomatique liée au Sahara occidental, les exportations espagnoles repartent à la hausse. Selon les données officielles, entre janvier et mai 2025, elles ont progressé de 162 % par rapport à la même période en 2024, atteignant environ 900 millions d’euros, des montants proches de ceux de 2022, rapporte ce lundi 4 août le média espagnol El Independiente.
Rien qu’en mai dernier, l’Espagne a exporté 217 millions d’euros vers l’Algérie, ce qui représente une augmentation de 298 % par rapport à mai 2024, où les exportations s’élevaient à 54,5 millions d’euros, selon la même source.
La reprise est particulièrement visible dans l’industrie céramique. « L’Algérie a repris son activité commerciale avec force, avec des chiffres très proches de ceux d’avant 2022 », explique Manuel Breva, secrétaire général de l’ANFFECC, l’association des producteurs espagnols de frittes, émaux et pigments pour céramique. L’Algérie redevient ainsi le deuxième marché d’exportation pour ce secteur, derrière l’Italie, alors qu’il avait été presque fermé pendant le blocage.
Installées surtout à Castellón, les entreprises espagnoles ont regagné le terrain perdu face à l’Italie et à la Turquie. Rien qu’en janvier et février 2025, elles ont vendu en Algérie pour 17,8 millions d’euros de produits céramiques, un chiffre proche des 19 millions facturés à l’Italie. En deux mois, ces ventes ont doublé le volume exporté par la Turquie vers l’Algérie pour toute l’année 2024.
La reprise concerne aussi d’autres secteurs. « Nous sommes déjà à des niveaux d’avant la crise », indique Djamal Eddine Bouabdallah, président du Cercle de commerce et d’industrie algéro-espagnol, cité par El Independiente. Selon lui, malgré un certain protectionnisme algérien, il existe « beaucoup de force et d’opportunités » dans l’agroalimentaire, les composants industriels et les chaînes de valeur. Les exportations espagnoles concernent surtout les voitures, la viande, la chimie, la machinerie et les équipements électriques.
« Nous sommes déjà à des niveaux d’avant la crise »
Pour M. Bouabdallah, la proximité géographique est un atout : « Nous sommes à seulement huit heures de bateau. Nous pouvons construire une intégration industrielle ». Il estime que la coopération économique peut se développer même sans nouveaux accords politiques.
Entre juin 2022 et novembre 2024, l’Algérie avait imposé un blocage quasi total aux échanges avec l’Espagne, en réaction au soutien espagnol au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental. Durant 882 jours, les exportations espagnoles sont passées de 2,9 milliards d’euros en 2019 à 332 millions en 2023, et 8 934 entreprises ont cessé leurs ventes vers l’Algérie. Le déblocage est intervenu le 6 novembre 2024, quand la Banque d’Algérie a levé les restrictions bancaires.
Le gaz n’a, lui, jamais été interrompu. « C’est l’une des leçons de cette crise : même au moment le plus grave, l’Algérie a respecté ses engagements », souligne l’ancien ministre et ex-ambassadeur à Madrid Abdelaziz Rahabi, cité par le même média. En juin 2025, l’Algérie reste le deuxième fournisseur de gaz de l’Espagne via le gazoduc Medgaz, avec environ 26 à 30 % du volume mensuel, derrière les États-Unis et devant la Russie.
Selon le journal espagnol, les relations politiques, elles, avancent plus lentement. Les autorités algériennes restent méfiantes envers le gouvernement de Pedro Sánchez et son ministre des Affaires étrangères José Manuel Albares. Mais pour les entreprises, le marché offre des perspectives.
Certaines sociétés espagnoles installées en Algérie depuis une décennie ont vu leur investissement initial « multiplié par dix », selon Bouabdallah, preuve qu’avec une vision à long terme, le marché algérien répond. Les ports espagnols profitent également de cette reprise : en 2024, les liaisons maritimes avec Oran et Ghazaouet ont transporté 68 258 tonnes de marchandises et 91 000 passagers, en hausse de 137 % par rapport à 2023.
Pour Bouabdallah, la clé est de connaître le marché et d’avancer progressivement : « Nous ne sommes pas dans le même cadre que les relations entre le Maroc et l’Espagne. Il y a beaucoup de potentiel. Avec l’Algérie, il existe une ancienne culture d’échanges. Nous pouvons bien progresser avec l’Espagne et nous n’avons pas besoin d’attendre les autorités. Nous pouvons développer les échanges entre les entreprises des deux côtés ».