Un nouvel arrêté du ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Ville, daté du 21 mai 2025 et publié dans le Journal officiel n° 38, met en œuvre un règlement visant à renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération des armes de destruction massive, spécifiquement à l’égard des agents immobiliers.
Selon l’article 1er de l’arrêté, ce texte s’inscrit dans l’application du décret exécutif n° 23-430 du 29 novembre 2023, et a pour objectif de mettre en place un règlement « de prévention et de lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération des armes de destruction massive à l’égard des agents immobiliers ».
Le règlement annexé à l’arrêté définit clairement plusieurs notions. Le ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Ville est qualifié d’« autorité de supervision et de contrôle ». La cellule de traitement du renseignement financier est désignée comme l’« organe spécialisé », et les « assujettis » sont les agents immobiliers. Le client est « toute personne physique ou morale ayant une relation d’affaires avec les assujettis »; Le client occasionnel est « toute personne physique ou morale qui n’est pas liée aux assujettis par une relation d’affaires continue », et la relation d’affaires est une « relation qui s’établit entre le client et l’assujetti, en raison de transactions immobilières. »
Le texte précise le bénéficiaire effectif est toute personne physique qui, en dernier ressort, directement ou indirectement : 1. détient, au moins, 20% du capital ou des droits de vote de la personne morale, ou exerce un contrôle effectif sur ses organes de direction, de surveillance ou son assemblée générale ; 2. détient ou contrôle le client, qu’il soit une personne morale, un mandataire ou une personne physique pour le compte de laquelle les opérations sont effectuées ; 3. exerce un contrôle effectif à travers une participation majoritaire ou une position dominante sur la personne morale concernée.
Les personnes politiquement exposées sont « tout algérien ou étranger élu, ou nommé qui exerce ou a exercé, en Algérie ou à l’étranger, de hautes fonctions législatives, exécutives, administratives ou judiciaires ainsi que les hauts responsables des partis politiques, et les personnes qui exercent ou qui ont exercé d’importantes fonctions au sein ou pour le compte d’une organisation internationale. »
Obligation d’une évaluation des risques
L’article 3 impose aux assujettis de procéder à une évaluation des risques liés au blanchiment d’argent, au financement du terrorisme et à la prolifération des armes de destruction massive. Cette évaluation doit être adaptée à la nature, la taille et les activités de l’agent immobilier. « Cette évaluation doit permettre d’identifier, d’évaluer et de comprendre ces risques en fonction de la nature, de la taille de l’assujetti et du volume de ses activités », dispose le texte.
Lors de l’identification et de l’évaluation de ces risques, les assujettis doivent prendre en compte, notamment : « les facteurs de risques liés aux clients, aux produits, aux services, aux opérations et aux canaux de prestation de ces services, en plus des risques liés aux pays et/ou aux zones géographiques ; « les informations ou les résultats obtenus à partir de toute évaluation menée par l’Etat et les rapports nationaux en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération des armes de destruction massive ; « les facteurs de risques pertinents avant de déterminer le niveau global de risques et le type de mesures qui seront mises en œuvre pour atténuer ces risques. »
En cas de changement significatif dans l’environnement d’affaires, les assujettis doivent actualiser cette évaluation, comme indiqué à l’article 4. « Dès qu’un évènement affecte significativement les activités des assujettis ou leurs clientèles, ou lorsque des informations émanant des autorités compétentes de nature à modifier l’évaluation des risques, les assujettis sont tenus d’analyser et d’évaluer les risques auxquels ils sont exposés », stipule le même article, et d’ajouter : « Les évaluations de risques susvisées, sont documentées, tenues à jour et mises à la disposition de l’autorité de supervision et de contrôle et des autorités compétentes, une fois achevées ou à leur demande, par le biais de mécanismes appropriés. »
Mise en œuvre de programmes de vigilance
L’article 5 exige la mise en place d’un « programme écrit de prévention, de détection et de lutte » intégrant politiques, procédures et contrôle interne. Ce programme doit être révisé annuellement. « Les assujettis doivent s’acquitter de leur devoir de vigilance, en mettant en place et en tenant à jour un programme écrit de prévention, de détection et de lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération des armes de destruction massive, qui prend en compte la dimension de l’activité commerciale et les risques liés au blanchiment d’argent, au financement du terrorisme et au financement de la prolifération des armes de destruction massive, et inclut, notamment : les politiques ; les procédures ; le contrôle interne », détaille cet article.
Et de souligner : « Les assujettis doivent, également, procéder à l’évaluation et l’examen périodique, au moins, chaque année (1), afin de s’assurer que le programme susvisé est adapté à leur niveau de risques de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme et de financement de la prolifération des armes de destruction massive et qu’il est suffisant pour répondre aux exigences de lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération des armes de destruction massive. »
Les articles suivants précisent les exigences liées à la gestion des risques (article 6), à l’usage de nouvelles technologies (article 7), ou encore à l’identification des clients et bénéficiaires effectifs. En effet, les assujettis doivent : « élaborer des politiques, des procédures et des contrôles appropriés, afin de gérer les risques identifiés et prendre les mesures nécessaires de prévention et d’atténuation de ces risques ; s’assurer en permanence du respect de ces procédures et de leur mise à jour régulièrement ; surveiller la mise en œuvre de ces contrôles et les renforcer, si nécessaire ; mettre en place des mesures proportionnées au niveau des risques évalués ; mettre en œuvre des mesures de vigilance renforcée prévues par l’article 18 du présent règlement, lorsque la relation d’affaires présente des risques élevés de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme et de financement de la prolifération des armes de destruction massive ; appliquer des mesures de vigilance simplifiée prévues à l’article 19 du présent règlement, lorsque des risques faibles ont été identifiés. »
Les agents immobiliers doivent prendre les mesures appropriées pour : « identifier et évaluer les risques de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme et de financement de la prolifération des armes de destruction massive, liés au développement de nouveaux services ou produits et de nouvelles pratiques professionnelles, y compris de nouvelles méthodes de prestation des services et ceux découlant de l’utilisation de technologies nouvelles ou en cours de développement, en relation avec chacun des nouveaux produits ou déjà existants ; effectuer une évaluation des risques avant le lancement ou l’utilisation des produits, des pratiques ou des technologies ; prendre les mesures appropriées pour gérer et atténuer ces risques, ainsi que les risques spécifiques liés aux relations d’affaires et aux transactions qui n’impliquent pas la présence physique des parties. »
Obligation de vigilance à l’égard de la clientèle
« Il est interdit aux assujettis de tenir des comptes anonymes ou des comptes portant des noms clairement fictifs », selon le règlement, qui précise que « les assujettis doivent, dans le but d’éviter de s’exposer à des risques liés à leur clientèle, garantir la mise en place de mesures efficaces en matière de « connaissance de la clientèle » et les conformer en permanence, en tenant compte des risques définis à l’article 3 du présent règlement. »
Les assujettis doivent développer et appliquer des politiques et des procédures relatives à la « connaissance de la clientèle » qui prennent en compte les éléments essentiels de la gestion des risques et des procédures de contrôle, notamment : « une politique d’acceptation de nouveaux clients ; les modalités d’identification et de vérification de l’identité des clients et, le cas échéant, de leur bénéficiaire effectif ; les mesures de vigilance constantes en fonction du profil de risques de la relation d’affaires ; les modalités d’information et de déclaration à l’organe spécialisé. Les politiques et les procédures visées ci-dessus, doivent être approuvées par l’autorité supérieure. »
Les assujettis doivent identifier et vérifier l’identité du client, avant l’établissement de la relation d’affaires ou de l’exécution d’une opération (article 11). La procédure d’identification et de vérification doit permettre d’établir l’identité et l’adresse du client et, le cas échéant, du/des bénéficiaire(s) effectif(s), ainsi que l’objet et la nature de la relation d’affaires, et, si nécessaire, obtenir des informations relatives à cet objet. Outre l’identité du client, les éléments suivants doivent, également, être déterminés : « mandataires agissant pour le compte d’autrui ; toute autre personne prétendant agir pour le compte du client. »
Les assujettis doivent prendre des mesures de vigilance à l’égard de leur clientèle (article 12, lorsque : « ils établissent une relation d’affaires ; ils réalisent une opération occasionnelle dont le montant est supérieur à deux (2) millions de dinars algériens, y compris dans le cas où la transaction est réalisée dans le cadre d’une ou plusieurs transaction(s) qui semble(nt) être liée(s) ; il existe un soupçon de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme ou de financement de la prolifération des armes de destruction massive, quel que soit le seuil minimum prévu par voie réglementaire ; il existe des doutes concernant la véracité ou la pertinence des données d’identification du client, précédemment obtenues. »
L’article 13 stipule : « Nonobstant les dispositions des articles 11 et 12 ci-dessus, lorsque les risques de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme ou de financement de la prolifération des armes de destruction massive paraissent faibles, la vérification de l’identité du client et, le cas échéant, du/des bénéficiaire(s) effectif(s) peut être achevée par les assujettis après l’établissement de la relation d’affaires, à condition que : cela s’effectue dans les plus brefs délais ; cela soit essentiel pour ne pas interrompre le déroulement normal des affaires ; les risques de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme et de financement de la prolifération des armes de destruction massive soient efficacement gérés. Les assujettis doivent adopter des procédures appropriées pour la gestion des risques en ce qui concerne les conditions dans lesquelles un client pourra bénéficier de la relation d’affaires avant la vérification de son identité. »
Les articles 18 à 21 détaillent les mesures de vigilance selon les profils de risques : mesures renforcées en cas de risques élevés, simplifiées pour les cas à faible risque. L’article 18 dispose que « dans les situations où l’assujetti identifie un risque plus élevé, des mesures de vigilance renforcée doivent être mises en œuvre et peuvent comprendre les mesures suivantes : obtenir des informations supplémentaires sur le client et, le cas échéant, le(s) bénéficiaire(s) effectif(s) ; obtenir des informations supplémentaires sur l’origine des fonds ; mettre en œuvre une surveillance renforcée de la relation d’affaires en augmentant le nombre et la fréquence des contrôles effectués. »
« Les assujettis doivent s’abstenir d’établir des relations d’affaires ou de réaliser l’opération prescrite, s’ils ne parviennent pas à identifier et à vérifier l’identité de leur client ainsi que celle du bénéficiaire effectif, conformément aux dispositions et aux modalités énoncées par le présent règlement », selon l’article 20, qui précise : « Si après l’établissement de la relation d’affaires, dans le cadre de la surveillance continue, l’assujetti est dans l’impossibilité de procéder à la vérification et/ou à la mise à jour des éléments d’informations nécessaires à la connaissance du client visés ci-dessus, il doit, dans ce cas, mettre un terme à la relation d’affaires et à l’opération prescrite. En outre, il doit envisager d’effectuer une déclaration de soupçon à l’organe spécialisé. »
Coopération avec les autorités et protection juridique
Selon l’article 23 du Règlement : « Les assujettis sont soumis à l’obligation de déclaration de soupçon dans la forme arrêtée par la réglementation en vigueur, et en requièrent un accusé de réception. » Ils doivent « surseoir à l’exécution de toute opération, lorsqu’ils suspectent que cette opération porte sur des fonds qui sont le produit d’une infraction d’origine, ou sont associés au blanchiment d’argent ou au financement du terrorisme ou au financement de la prolifération des armes de destruction massive. » Les assujettis doivent « déclarer, immédiatement, à l’organe spécialisé, toute opération suspecte, même s’il leur a été impossible de surseoir à leur exécution ou postérieurement à leur réalisation » et « l’organisme spécialisé doit être informé, immédiatement, de tout élément susceptible de modifier l’évaluation faite par les assujettis lors de la déclaration de soupçon ainsi que de toute information permettant de confirmer ou d’infirmer le soupçon. » « Les assujettis sont tenus au strict respect des mesures conservatoires édictées par l’article 18 de la loi n° 05-01 du 27 Dhou El Hidja 1425 correspondant au 6 février 2005 susvisée, et doivent, également, veiller à leur application. »
« La déclaration de soupçon est à destination exclusive de l’organe spécialisé. La déclaration de soupçon, les suites qui lui sont réservées, ou l’information s’y rapportant communiquée à l’organe spécialisé, entrent dans le cadre du secret professionnel et ne peuvent être portées à la connaissance du client ou du bénéficiaire des opérations », stipule l’article 24, alors que l’article 25 indique : « Dans le cas où les assujettis suspectent qu’une opération se rapporte au blanchiment d’argent ou au financement du terrorisme ou au financement de la prolifération des armes de destruction massive, et peuvent raisonnablement penser qu’en s’acquittant de leur devoir de vigilance, ils alerteraient le client, ils doivent s’abstenir d’exécuter cette procédure et faire une déclaration de soupçon à l’organe spécialisé. »
« Aucune responsabilité pénale ou civile pour violation de toute règle encadrant la divulgation d’informations imposée par contrats ou par toutes dispositions législatives, réglementaires ou administratives, ne peut être engagée contre les assujettis, leurs dirigeants et préposés assujettis à la déclaration de soupçon, lorsqu’ils ont transmis, de bonne foi, les informations ou effectué les déclarations prévues par le présent règlement à l’organe spécialisé, même s’ils ne savaient pas précisément quelle était l’activité criminelle d’origine ou si l’activité criminelle ayant fait l’objet de soupçon, ne s’est pas effectivement produite », dispose l’article 26.
L’article 27 stipule : « Les assujettis, leurs dirigeants et préposés assujettis ont l’interdiction de divulguer le fait qu’une déclaration de soupçon ou une information s’y rapportant est communiquée à l’organe spécialisé. Ces dispositions ne visent pas à empêcher la mise a ̀ disposition d’informations relatives aux clients, aux comptes et aux opérations, lorsqu’elles sont nécessaires aux fins de lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération des armes de destruction massive et aux opérations de conformité et d’audit », et que « les assujettis, leurs dirigeants et préposés assujettis à la déclaration de soupçon ayant procédé de bonne foi, sont exemptés de toute responsabilité administrative, civile ou pénale. »
Un chapitre entier est dédié au contrôle interne. L’article 29 stipule que les assujettis doivent désigner un responsable de la conformité. Celui-ci doit agir de manière indépendante et confidentielle. Des programmes de formation sont également requis pour garantir la compétence des employés face aux obligations de lutte contre les flux financiers illicites.
Le chapitre 8 du règlement impose aux agents immobiliers de vérifier si leurs clients figurent sur les listes nationales ou internationales liées au terrorisme, et ce, « immédiatement et sans délai ». En cas de correspondance, l’opération doit être bloquée et signalée.
« Les assujettis doivent mettre en place un dispositif automatique permettant de vérifier, au moment de l’entrée en relation d’affaires, ou lors de la réalisation d’une transaction ou d’une opération occasionnelle, que le client ou le bénéficiaire effectif n’est pas inscrit sur les listes unifiées des personnes, des entités et des groupes liés au terrorisme et à son financement, ou au financement de la prolifération des armes de destruction massive, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies et à leurs résolutions subséquentes, ainsi que sur la liste nationale. Les assujettis doivent, sans délai, effectuer cette vérification, à chaque mise à jour des listes unifiées susvisées. Lorsque la vérification de ces listes révèle un examen positif, il est procédé, immédiatement et sans préavis, au blocage de l’opération occasionnelle, et faire une déclaration à l’organe spécialisé ainsi qu’aux autorités compétentes », lit-on dans l’article 35 du Règlement.
L’article 36 mentionne que le non-respect du règlement entraîne des sanctions selon la législation en vigueur. Enfin, l’article 37 permet à l’autorité de supervision d’émettre des instructions complémentaires pour l’application du règlement.