En prévision de l’Aïd El Adha prévu début juin prochain, l’Algérie prévoit d’importer jusqu’à un million de moutons. La décision a été prise lors du Conseil des ministres présidé le 9 mars par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, qui a instruit le ministre de l’Agriculture de « d’élaborer un cahier des charges afin de lancer, dans les plus brefs délais, une consultation internationale avec des pays capables de fournir jusqu’à un million de têtes de bétail en prévision de l’Aïd El-Adha ».
Parmi les pays qui vont fournir l’Algérie en moutons figure l’Espagne. C’est ce qu’a annoncé le président Tebboune, samedi 22 mars, lors d’une entrevue avec les médias nationaux. « L’Algérie importera de ce pays une partie de ses besoins en ovins en prévision de l’Aïd El-Adha », a-t-il indiqué, sans donner plus de détails. Le président Tebboune s’est également dit satisfait quant au retour à la normale des relations entre l’Algérie et l’Espagne, notamment sur le plan commercial, « après avoir connu un coup de froid ».
Le président Tebboune a également abordé l’élevage. A ce sujet, il a souligné la nécessité d’adopter « une stratégie globale ». On s’est entendu avec l’Union nationale des paysans algériens (UNPA) pour « trouver une solution définitive aux problèmes enregistrés » dans cette filière.
Parmi les solutions appliquées, l’autorisation d’importation de bétail de pays africains comme le Mali et le Niger dans le cadre du troc, a précisé le président Tebboune, soulignant que les pouvoirs publics mettront en place des « lois strictes » pour réprimer toutes les pratiques visant à porter atteinte à la richesse animale et à la sécurité alimentaire, notamment le phénomène de l’abattage d’agnelles.
L’éleveur doit faire prévaloir l’intérêt du pays, a-t-il insisté, soutenant qu’« on ne peut pas vendre un mouton à 17 millions de centimes » alors que l’Algérie recèle une grande richesse animale, notamment les moutons.
L’Algérie est également intéressée par l’importation de moutons de Roumanie. Citant l’Autorité nationale de santé vétérinaire pour la sécurité alimentaire de Roumanie (ANSVSA), l’agence de presse roumaine ACTMedia a rapporté le 11 mars que l’Algérie « est intéressée d’importer jusqu’à 300.000 moutons » de Roumanie. Selon la même source, une rencontre a eu lieu entre le directeur de l’ANSVSA, Alexandru Bociu, et l’ambassadeur d’Algérie en Roumanie, Abdelmadjid Naamoune, pour discuter de cette question. L’Algérie avait déjà importé 30.000 moutons de Roumanie en 2024.
Le Dr Lotfi Gharnaout, enseignant-chercheur en économie agricole à l’université de Toulouse (France), a abordé le sujet, Dans l’édition du journal El Moudjahid du 17 mars. Selon lui, cette opération devrait reposer sur plusieurs fournisseurs potentiels, car « aucun pays ne peut fournir seul un million de têtes, surtout avec une demande mondiale accrue autour de l’Aïd et un cahier des charges algérien strict : moutons sains, vaccinés, âgés d’au moins 6 mois et pesant 40 à 45 kg/carcasse ».
L’opération « pourrait atteindre 230 à 260 millions de dollars«
Selon l’universitaire, les principaux pays fournisseurs sont la Roumanie et l’Espagne, qui offrent « une logistique rapide et des normes sanitaires fiables ». L’Irlande et le Royaume-Uni sont également en lice, bien que « ce dernier soit compliqué par le post-Brexit ». L’Argentine et le Brésil se démarquent par leurs prix attractifs, mais « ils sont désavantagés par leur distance, qui alourdit les frais de transport ». L’Australie est reconnue pour la qualité de son bétail, mais son éloignement est un frein. Enfin, le Soudan dispose d’un important cheptel, mais son instabilité rend l’approvisionnement incertain.
Cette diversité des sources nécessite « une organisation rigoureuse et une gestion précise pour optimiser les coûts et répondre aux exigences nationales », explique-t-il. L’importation est motivée par « une nécessité pressante, traduit une intention louable d’anticiper une crise et pose les bases d’une approche plus réfléchie », dit-il. Une stratégie plus large est nécessaire, combinant protection des consommateurs et développement durable de la production locale.
Le cheptel local ne peut répondre entièrement à la demande, estimée à plus de 4 millions de moutons, indique le Dr Lotfi Gharnaout. Selon ce dernier : L’importation vise donc à « pallier un déficit manifeste et contenir une flambée des prix », même si un million de têtes « ne représente qu’un quart de la demande minimale ».
Sur le marché international, détaille l’enseignant-chercheur, « le prix d’un mouton vivant oscille entre 4 et 8 dollars/kg selon les pays ». Avec un poids moyen de 40 à 45 kg/carcasse et un prix moyen de 5 dollars/kg, « le coût par mouton s’élèverait à environ 200 à 225 dollars ». Au total, l’opération « pourrait atteindre 230 à 260 millions de dollars », en incluant les frais de transport et les taxes. Pour le Dr Gharnaout, cette mesure doit être « un tremplin vers une réforme ambitieuse, et non une solution isolée ».
Pour éviter une dépendance aux importations, l’universitaire indique qu’il est nécessaire de « mettre en place une stratégie ambitieuse mais réalisable, centrée sur la régénération du cheptel et la modernisation de la filière ovine ». Cela passe par l’importation d’agnelles pour le renouvellement du cheptel, avec des règles strictes pour éviter leur abattage.
Par ailleurs, ajoute-t-il, « des centres de reproduction modernes, exclusivement gérés et contrôlés par l’État, garantiront une amélioration génétique », tandis que des centres d’engraissement privés sous contrôle réglementaire assureront une production optimisée.
La restauration de la steppe, dégradée sur « plus de 70 % de ses 22 millions d’hectares », est un enjeu clé pour l’élevage ovin, souligne le Dr Gharnaout. D’autres aspects comme « la santé animale, soutenue par une production locale de vaccins atteignant 50 % d’ici 2030, sont également cruciaux, dit-il.
Les prévisions indiquent qu’avec une meilleure gestion et une augmentation du taux de natalité, « le cheptel pourrait atteindre 30 millions en 2027, puis 38 millions à l’horizon 2030-2032, pouvant répondre en grande partie à la demande nationale ». Pour le Dr Gharnaout, cette approche « pourrait servir à transformer une dépendance passagère en une souveraineté alimentaire durable ».