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Filière lait en Algérie : le constat de la Cour des comptes

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Le rapport annuel 2024 de la Cour des comptes (CC), disponible sur son site internet, consacre une partie importante aux administrations de l’État et se penche sur les problèmes du secteur agricole, notamment dans la filière lait. Cette dernière, sujette à des crises récurrentes en 2007 et 2023, présente de nombreux dysfonctionnements selon la CC.

Ces problèmes concernent l’ensemble de la chaîne de production, depuis l’importation des matières premières et la collecte du lait cru jusqu’à sa transformation et sa commercialisation. « La politique publique laitière mise en œuvre, notamment depuis 2007, s’est distinguée par des contre-performances induites par des stratégies mal orientées, des actions insuffisamment maturées et coûteuses et des dispositifs de contrôle interne inefficaces. Les actions adoptées s’apparentaient plus à des politiques alimentaires visant à ‘‘nourrir la population’’ qu’à des politiques de développement d’un secteur porteur, induisant une totale déconnexion entre la production et la consommation », relève la CC.

Une enquête menée avec les services agricoles locaux a évalué la production de plus de 1000 élevages, représentant 20 000 vaches laitières parmi 16 000 élevages ayant livré plus de 70 % du lait collecté en 2023. Les conclusions soulignent l’absence d’outils de pilotage et de mécanismes de contrôle interne accompagnant les actions en faveur de la filière lait.

La CC estime que le marché national du lait « n’est pas contrôlé dans une large proportion ». « Il manque d’une veille au niveau de l’administration centrale au sujet des prix du lait aussi bien à la production qu’à la consommation », indique le rapport. De plus, la collecte du lait cru local est dominée à 60 % par des circuits informels.

Concernant le lait transformé à partir de poudre importée et distribué sous forme de lait pasteurisé, « les opérations sont menées en l’absence d’un contrôle interne efficace ». Cette situation conduit à une demande croissante de poudre de lait, accompagnée de gaspillage et de détournement, ce qui augmente les dépenses publiques pour une filière toujours en quête de structuration.

Entre 2009 et 2023, la filière lait a coûté plus de 20 milliards de dollars pour l’importation de poudre et de lait infantile, ainsi que près de 800 milliards de dinars en subventions. Cependant, « les résultats réalisés restent mitigés ».

Selon la CC, le marché laitier dépend du marché international à hauteur de 60 % et ce taux grimpe à 85 % en incluant les autres intrants importés. Les contre-performances sont aussi liées à la faible compétitivité du secteur, malgré les importations de génisses, et à la prédominance du secteur informel. Par ailleurs, les éleveurs préfèrent souvent se tourner vers le marché de la viande, plus rentable.

Les subventions actuelles illustrent ces déséquilibres : en 2023, le soutien à la consommation de lait importé était de 45 dinars par litre contre 19 à 25 dinars pour la production locale. Depuis 2001, le prix administré du lait pasteurisé en sachet stagne à 25 dinars par litre, ce qui limite les revenus des producteurs locaux.

Pour remédier à ces problèmes, la CC recommande de renforcer les missions de pilotage et de veille de l’administration, de revoir le système des prix pour garantir des revenus justes aux éleveurs tout en préservant le pouvoir d’achat des consommateurs, et d’assurer une action publique soutenable.

Concernant les primes à la collecte, leur augmentation en 2009 avait stimulé la production, multipliée par quatre entre 2009 et 2013. Mais entre 2014 et 2023, les montants payés et les volumes collectés ont stagné. « Ces chiffres traduisent un essoufflement de la dynamique du système incitatif mis en place pour le développement de la production laitière et qui dure depuis 10 ans », selon la CC. Celle-ci précise : « Il apparaît évident que le moteur de la croissance de la production laitière est principalement le prix de rémunération du litre à la production et non pas le fourrage en vert. »

En 2023, le marché laitier algérien a atteint un volume de 6,5 milliards de litres, dont 63 % provenaient de poudre de lait importée. « Ces importations accaparent une place prépondérante dans la structure des importations algériennes avec une proportion qui peut atteindre 20 % de la facture alimentaire, ce qui les met juste derrière les céréales », conclut le rapport.

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