Les relations entre l’Algérie et la France se sont fortement dégradées depuis près de deux mois, pour plusieurs raisons, parmi lesquelles, les déclarations du président français, Emmanuel Macron, qui avait accusé « le système politico-militaire » algérien d’entretenir une « rente mémorielle » en servant à son peuple une « histoire officielle » qui « ne s’appuie pas sur des vérités ».
Le président français, dont les propos avaient été rapportés début octobre dernier par le journal Le Monde, s’était également interrogé sur l’existence de la « nation algérienne » avant la colonisation française, ce qui déclenché la colère d’Alger, qui rappelé son ambassadeur à Paris et interdit le survol de son territoire aux avions militaires français ralliant le Sahel.
Début novembre, dans une interview accordée à l’hebdomadaire allemand « Der Spiegel », le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a déclaré qu’il ne fera pas « le premier pas » pour tenter d’apaiser les tensions provoquées par des propos critiques d’Emmanuel Macron sur la « nation » algérienne.
« Je ne serai pas celui qui fera le premier pas »
« Je n’ai pas de regrets. Macron a rouvert un vieux conflit de manière totalement inutile », a indiqué le président Tebboune. « Si Zemmour (polémiste de l’extrême droite française, ndlr) dit quelque chose comme ça, qu’importe, personne ne fait attention. Mais quand un chef d’État déclare que l’Algérie n’était pas une nation distincte, c’est très grave », a-t-il dit.
« Je ne serai pas celui qui fera le premier pas », a déclaré le chef de l’Etat. « Sinon je vais perdre tous les Algériens, il ne s’agit pas de moi, mais d’un problème national ». « Aucun Algérien n’accepterait que je contacte ceux qui nous ont insultés », a-t-il expliqué.
« On ne touche pas à l’histoire d’un peuple, et on n’insulte pas les Algériens », a ajouté le président Tebboune. « Pourquoi (Emmanuel Macron) a-t-il dit ça ? Je pense que c’était pour des raisons électorales stratégiques », a-t-il estimé. « C’est le même discours que le journaliste d’extrême droite Éric Zemmour utilise depuis longtemps : l’Algérie n’était pas une nation, c’est la France qui en a fait une nation », a-t-il dit. Selon M. Tebboune, « avec cette déclaration, Macron s’est placé du côté de ceux qui justifient la colonisation ».
Existe-t-il une perspective de dénouement avec la France? l’interroge le Spiegel. « Non, si les Français veulent aller au Mali ou au Niger maintenant, ils devront juste faire neuf heures de vol au lieu de quatre », rétorque M. Tebboune, assurant toutefois qu’une « exception » serait faite pour « le sauvetage de personnes blessées ». « Mais pour tout le reste, nous ne sommes plus obligés de coopérer les uns avec les autres, c’est peut-être terminé maintenant », prévient-il, accusant M. Macron d’avoir « porté atteinte à la dignité des Algériens ».
Macron « regrette » les « malentendus » avec l’Algérie
Quelques jours plus tard, le président français avait « regretté » « les polémiques et les malentendus » avec l’Algérie, et assuré avoir « le plus grand respect pour la nation algérienne » et « son histoire ». « Le président de la République regrette les polémiques et les malentendus engendrés par les propos rapportés » et « il est fortement attaché au développement de la relation » entre la France et l’Algérie, a précisé un conseiller Afrique et Moyen-Orient du président français, au cours d’un brief de presse consacré à la conférence sur la Libye organisée le 12 à Paris.
Selon le même conseiller, Emmanuel avait également invité le président Tebboune pour prendre part à cette conférence. Si les les déclarations du président français ont été saluées par Alger, le président Tebboune ne s’était pas rendu à Paris, pour participer à la conférence sur la Libye. S’était le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’Etranger, Ramtane Lamamra, qui l’a représenté à cet évènement.
Ramtane Lamamra avait indiqué que « les conditions ne sont pas réunies pour y participer personnellement à cette conférence, en dépit de son attachement (Président) au rôle actif de l’Algérie aux côtés des frères libyens ainsi qu’au règlement pacifique et démocratique souhaité de la question libyenne ».
Paris propose un « partenariat ambitieux »
Le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, s’est à nouveau exprimé, ce vendredi 19 novembre, sur la crise entre l’Algérie et la France. Dans un entretien publié dans le journal Le Monde, Jean-Yves Le Drian a été interrogé sur l’existence de la nation algérienne avant la colonisation française. Le MAE français, qui n’a pas répondu directement, a rappelé que le président Macron « a pris des initiatives fortes, notamment dans le domaine sensible de la mémoire » et que l’Algérie et la France ont « des liens ancrés dans l’histoire. »
« Nous avons des liens ancrés dans l’histoire. Nous voulons que le partenariat franco-algérien soit ambitieux », a-t-il déclaré. « C’est logique, quand on connaît notre histoire, qu’il y ait parfois des résurgences de blessures, mais il faut aller au-delà pour retrouver une relation de confiance », a-t-il dit.
« C’est ce que nous souhaitons, ce que souhaite le président de la République », a-t-il indiqué, en ajoutant qu' »il y a parfois des malentendus, mais cela n’enlève rien à l’importance que nous attachons aux relations entre nos deux pays ». « Il faut conserver ce lien fait de respect des souverainetés et d’une volonté commune de dépasser les contentieux pour retrouver une relation apaisée », a soutenu Le Drian.
Mardi, à l’Assemblée nationale française, Le Drian a fait savoir que « des efforts » ont été « engagés » afin de « rétablir les conditions d’une relation apaisée avec l’Algérie ».