L’Algérie a mis fin au contrat du gazoduc Maghreb Europe (GME), traversant le territoire marocain, pour transporter le gaz algérien vers l’Espagne. Le contrat a expiré dimanche 31 octobre à minuit. Depuis lundi 1er novembre, l’Algérie approvisionne les marchés espagnol et portugais par le moyen du gazoduc Medgaz, reliant Beni-Saf (Ain Témouchent, ouest du pays) à Almeria (sud de l’Espagne).
Le Gazoduc Maghreb-Europe (GME) avait une capacité d’environ 13 milliards de mètres cubes (m3) par an. Mais depuis quelques années, il était exploité avec un volume annuel qui ne dépassait pas les 4 à 6 milliards m3/an, tandis que Medgaz acheminait 8,5 milliards m3 par an. Ces volumes de gaz, en dehors des fournitures au Maroc d’environ 600 à 800 millions m3 par an, étaient acheminés aux marchés espagnol et portugais.
Les capacités du Medgaz devront passer de 8 à 10.5 milliards de mètres cubes de gaz d’ici quelques semaines. Et s’il y a une demande supplémentaire de l’Espagne, notamment avec l’arrivée de l’hiver, elle sera acheminée vers la péninsule ibérique, par le moyen des méthaniers, navire de transport de gaz naturel liquéfié (GNL).
« Sonatrach et le partenaire espagnol Naturgy ont convenu d’un investissement pour la réalisation d’une station de compression afin de porter le gazoduc Medgaz de 8 à 10,5 milliards de m3 par an », a indiqué, ce mercredi, l’expert énergétique, Mourad Preure, expliquant que « l’appoint viendra de nos capacités de liquéfaction. Autour de 30 milliards de m3 par an répartis sur les trois usines de liquéfaction à Arzew et l’usine de Skikda qui est montée en production », a précisé l’expert, qui juge ces capacités « suffisantes ».
Mourad Preure a également rassuré sur les capacités de transport de GNL de l’Algérie. « L’Algérie a 8 méthaniers : 3 méthaniers de 75 mille m3, le Abbane Ramdane avec 125 mille m3, le Berge d’Arzew avec 138 mille m3, le Lalla Fatma N’Soumer avec 145 mille m3 et le Ougarta et le Tessala avec 172 mille m3, donc, nous avons des capacités d’enlèvement du GNL largement suffisantes, pas seulement pour les besoins de l’Espagne », a précisé l’expert sur les ondes de la radio chaîne III.
Les capacités additionnées de ces 8 méthaniers font ressortir une capacité totale de transport de GNL de 977.000 de mètres cubes, soit près d’un million de M3.
Commentant le non renouvellement du contrat du Gazoduc Maghreb-Europe (GME), Mourad Preure a indiqué qu’il « est non seulement une décision souveraine mais aussi, un acte responsable pour un pays producteur et exportateur de gaz comme l’Algérie, dans la mesure où ce pays (le Maroc) a manifesté une hostilité croissante vis-à-vis de notre pays jusqu’à menacer l’intégrité nationale ». Selon lui « nous sommes dans une situation de crise avec un pays de transit, comme l’Ukraine est un pays de transit pour la Russie pour le gazoduc qui va vers l’Europe ».
« C’est un acte responsable pour un pays producteur et exportateur de gaz dans la mesure où les intérêts de nos clients nous imposent de considérer à long terme la sécurité de leurs approvisionnements », analyse Mourad Preure, ajoutant : « Le président de la République a ordonné une action logique pour un pays producteur. Si on avait renouveler le contrat et que la crise s’était aggravée, que serait-il advenu des approvisionnements gaziers de nos clients espagnoles ? »
Selon l’expert : « l’Algérie avait déjà anticipé cette situation en construisant le Medgaz. Un gazoduc en ligne directe depuis Beni saf jusqu’à Almeria en Espagne qui est entré en service en 2011 ». Il a également souligné que « l’Algérie dispose également, sur la ligne du GME qui va de Hassi R’mel jusqu’à Maroc, d’un branchement, au niveau de Laâricha, dans la wilaya de Tlemcen. Il s’agit d’un gasoduc de 197 km qui va jusqu’à Beni Saf, de façon à pouvoir diriger ce flux vers le Medgaz ».
Mourad Preure a insisté sur la fiabilité de l’Algérie dans la fourniture du gaz à ses clients, en rappelant que « durant les années 1990, même avec le terrorisme, il n’y a jamais eu de rupture d’approvisionnement pour nos clients européens, alors que nous avions 14 mille km de pipeline que l’Algérie a réussi à sécuriser ».
Citant l’exemple du cas de la Russie qui a connu une rupture d’approvisionnement de 13 jours vis-à-vis de l’Europe. Il a rappelé que « du 7 au 20 janvier 2006 avec la crise Ukrainienne, l’Europe s’est retrouvée sans gaz pendant 13 jours », en ajoutant que « l’Algérie, malgré le terrorisme, n’a jamais rompu ses approvisionnements vers l’Europe, donc ce n’est pas aujourd’hui que l’Algérie va faillir à ses engagements ».
Selon Mourad Preure, l’Algérie a inclus dans les contrats à long terme de fourniture et de livraison de gaz une clause dite de « destination ». Cette clause interdit aux clients de remettre le gaz algérien sur le marché et de le céder à d’autres clients. D’après la presse espagnole, notamment le journal El Pais, le Maroc négocierait avec les autorités espagnoles sur le moyen d’inverser le gazoduc Maghreb Europe pour importer le gaz algérien depuis l’Espagne.