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Les produits de première nécessité ne seront plus soutenus: Un système d’aide direct à la place des subventions

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L’Algérie consacre chaque année entre 12 et 14 milliards de dollars aux prestations sociales (plus de 10% du PIB). C’est un héritage empoisonné de l’Algérie socialiste qui voulait, grâce à ce moyen découlant d’un principe de fraternité et de solidarité, établir une certaine justice sociale entre les diverses classes sociales et régions du pays. Ces transferts sociaux, selon le jargon des économistes, visaient notamment à soutenir les prix des produits et services de premières nécessité, de manière â ce qu’ils soient accessibles à tous, quels que soient les niveaux de revenus. Cette politique de soutien des prix est mise à contribution dans divers domaines, parmi lesquels, on peut citer les produits de consommation de première nécessité, les loyers des logements sociaux, les aides à l’emploi des jeunes, les aides multiformes au profit des enfants de familles pauvres, la péréquation des prix du transport de marchandises et de voyageurs à destination des wilayas du sud etc.

Depuis que l’Algérie a opté pour l’économie de marché à la fin des années 80, ce mécanisme n’a pas cessé de poser problème, notamment lorsque les ressources financières de l’Etat se font plus rares. C’est ainsi qu’on avait tenté de remettre en cause ce système de répartition en 1990, à l’aune de la grave crise économique qui avait secoué le pays et, comme aujourd’hui, on avait envisagé de le remplacer par des aides ciblées, destinées à « solvabiliser » les personnes à bas revenus. Il s’agissait de leur accorder une allocation complémentaire à leurs revenus de manière à se qu’ils puissent acheter les produits de première nécessité au prix réel du marché. Sous l’instigation du FMI, on avait même commencé à établir au niveau des communes, les listes des personnes susceptibles d’en bénéficier. Mais dès que les prix du pétrole avaient commencé à se redresser, le gouvernement abandonna aussitôt cette initiative, pour revenir de plus belle au système des transferts sociaux, qu’il avait même élargi â d’autres domaines.

Au début des années 2000, la même réflexion avait été engagée par l’équipe de libéraux qu’avait engagée l’ex président Bouteflika. Il s’agissait, là aussi, de « solvabiliser » au moyen d’allocations financières directes les plus faibles revenus afin qu’ils puissent s’approvisionner, comme tous les algériens, à prix coutants Mais là aussi, la remontée spectaculaire des cours du pétrole, incita Bouteflika qui briguait un second mandat présidentiel, â maintenir ces transferts et à les élargir généreusement à d’autres domaines (logements sociaux, péréquation des prix du transport dans les wilayas du sud).

On mit définitivement fin au débat sur l’éventuelle suppression des transferts sociaux en 2012, lorsqu’ils servirent de moyen pour calmer les foules en colère. On décida alors de poursuive cette politique de soutien des prix et même d’accorder de substantielles augmentations aux salariés et retraités. Ces mesures populistes ont effectivement permis  de  rétablir le calme une dizaine d’années durant.

Mais le problème se posera à nouveau en 2021 â l’aune d’une nouvelle crise économique et financière qui affecte un pays déjà confronté à de graves difficultés politiques et sanitaires. Les manifestations populaires exigeants la démocratisation du pays et la pandémie de coronavirus qui paralyse de nombreux secteurs de l’économie, ont en effet compliqué la donne, au point où la lourdeur des transferts sociaux ( 1800 milliards de dinars en 2020), est devenue un gros problème qu’il fallait régler de toute urgence, au risque de mette l’Etat en situation de cessation de paiements. C’est ce que vient de faire le dernier Conseil des Ministre, en décidant d’instaurer à la place dès transferts sociaux des aides frontales sous forme d’allocations financières permettant de relever de manière substantielle les plus bas revenus. Mais comme l’Algérie se trouve aujourd’hui dans une situation de crise financière à peu près semblable, sinon pire, que celle des années 90, le gouvernement ne pouvait effectivement pas réagir autrement que ce que les autorités de l’époque, avaient tentés de faire sous la pression du FMI. Il est de ce fait cette fois aussi, question de supprimer progressivement les transferts sociaux, dont profitent aujourd’hui tous les algériens sans exception, qu’ils soient riches ou pauvres, en les remplaçant par des aides frontales, destinées à augmenter sensiblement leurs pouvoirs d’achat.

Si l’idée est en soit bonne, sa mise en œuvre ne manquera malheureusement pas, de poser problèmes.

Le premier d’entre eux consiste à déterminer quel niveau d’allocation financière accorder aux plus faibles revenus pour qu’ils soient solvables ? Les indices des salaires et des prix étant mal connus il sera bien difficile de déterminer à partir de quel minimum de revenu un algérien pourrait être solvable sur un marché fonctionnant selon la règle de la vérité des prix ? Tout un travail de calcul qui n’est pas encore fait à ce jour, attend autorités chargées de mettre en place ce nouveau dispositif. Un minimum d’une année sera nécessaire pour déterminer le montant de ces allocations à moins de les fixer de manière approximative, ce qui n’est évidemment pas recommandé vu l’extrême sensibilité du problème.

Le second gros problème consiste à déterminer à quelle institution confier la confection des listes de personnes ou ménages à bas revenus, en veillant à ce que ces institutions soient bien organisées et aptes à mettre le plus rapidement possible ces allocations aux mains de leurs destinataires. La machine bureaucratique demandant beaucoup de temps, il est effectivement à craindre que la remise de ces subventions, aillent beaucoup moins vite que les prix qui augmentent, comme c’est actuellement le cas, à une vitesse vertigineuse. On pense évidemment à ces institutions proches des citoyens que constituent les communes (APC), mais ces dernières sont pour la plupart gérées de façon archaïque. Elles manquent de surcroît de compétences et ont souvent tendance à verser dans la corruption et le clientélisme, qui risquent de fausser la véracité des listes des postulants et de détourner leurs allocations financières. Toutes les actions de cette nature (couffins du ramadan, primes de scolarisation, emplois etc.) ont en effet souvent tourné au fiasco, en raison des malversations de tous ordres commises par les agents communaux concernés. Leur confier une mission aussi importante que celle de délivrer des cartes d’indigence ouvrant droit à des aides frontales, serait assurément trop risqué, surtout quand on sait que les wilayas et Daïras chargées du contrôle ne sont pas suffisamment outillées pour ce faire. On risque par conséquent de se retrouver avec des listes qui excluent les pauvres, souvent difficiles à identifier, et incluent, à contrario, des personne financièrement à l’aise.

Le troisième problème et non des moindres,  consiste â déterminer avec suffisamment d’inexactitude et d’honnêteté, la situation financière des algériens qui travaillent dans les secteurs informels, qui ne déclarent ni salaires, ni autres revenus. Ces secteurs emploient, faut-il le rappeler, plus de 6 millions d’algériens. De plus, la situation économique dans l’informel évolue si rapidement, qu’il serait mal venu de figer les revenus relevés à une période donnée, pour en faire des critères d’éligibilité aux aides l’Etat. Un opérateur informel déclaré pauvre à un moment donné, peut effectivement gagner une fortune quelque temps après. La vigilance est donc requise.

L’autre problème et, sans doute le plus important, est de savoir si ce ciblage va vraiment régler le problème de justice sociale que le gouvernement prétend garantir à travers cette nouvelle politique de subventions qui ne devrait profiter qu’aux plus pauvres. La question qui se pose en effet, est que l’essentiel des revenus salariaux des algériens est consacré à l’alimentation, dont il ne reste aujourd’hui qu’une dizaine de produits subventionnés, le reste étant seulement plafonnés ou carrément soumis aux lois du marché, mais bien souvent aussi, à la spéculation. On se demande alors à quoi serviront ces aides frontales, si les personnes concernées seront obligées d’acheter plus de 80% de leurs besoins alimentaires aux prix du marché, déjà exagérément élevés. Toutes les couches sociales y compris celles que l’Etat souhaite aider avec des subventions directement octroyées, pâtiront de cette flambée des prix qui ne s’arrêtera que lorsque la production intérieure sera à la hauteur de la demande nationale et la parité du dinar, au minimum, stabilisée. Les projections à court et moyen termes indiquent malheureusement tout le contraire : une production industrielle en constante détérioration et un dinar à la dérive.

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