La rentrée sociale sera éprouvante à bien des égards pour les algériens. Encore sous le choc d’un été macabre, durant le quel, la Covid 19 et les incendies de forêts se sont ligués, pour causer plusieurs centaines de morts au sein de populations abandonnées par les pouvoirs publics, les algériens et, notamment les plus démunis d’entre eux, s’apprêtent â subir une rentrée sociale qui n’inspire rien de bon.
A cette sinistrose ambiante va en effet, s’ajouter un emballement des prix comme l’Algérie n’en avait jamais connu auparavant, qui soumettra â rude épreuve, toutes les toutes les couches de la société algérienne, mais plus gravement, les classes moyennes et ouvrières qui vivent uniquement de leurs salaires. Cette surchauffe des prix a déjà annoncé ses couleurs par des augmentations aussi subites que fortes, affectant une très large gamme de produits de consommation, de matières premières et de services.
Pour se dédouaner, les pouvoirs publics tentent d’attribuer ce phénomène à des facteurs sur lesquels ils n’ont aucune emprise, aux premiers rangs desquels ils citent, l’inflation mondiale qui n’épargne aucun produit, la dérive du dinar et ses effets arithmétiques sur la valeur des produits importés, les insuffisances chroniques de notre agriculture et de notre industrie manufacturière, auxquelles il faut ajouter une hausse sans précédent de la démographie algérienne (plus d’un million de naissances par an). On ne peut évidemment imaginer un scénario plus réjouissant pour un pays qui produit peu de valeurs et importe pratiquement tous ses moyens de subsistance, au moyen de la seule rente pétrolière.
Pour les algériens qui ne vivent que de leurs salaires (ou de maigres revenus), qui stagnent depuis plus dix années (les derniers réajustements de salaires, pour freiner la déferlante du printemps arabe, remontent à 2012), les prochains mois seront tout simplement dramatiques et ils commencent déjà à l’être, au regard des prix inabordables d’une panoplie de produits de premières nécessité.
Et ce n’est certainement pas avec un salaire moyen de 35.000 et un SMIG de 20.000 DA qu’ils pourront y faire face. En 2018 déjà l’UGTA avait publié une étude prouvant qu’il fallait à une famille composée de cinq membres, pas moins de 57.000 DA par mois pour vivre du stricte minimum. Il en faut certainement beaucoup plus aujourd’hui.
Ce relevé des prix effectué, ce matin du mardi 6 septembre 2021, dans des supérettes et auprès de marchands de fruits et légumes d’un quartier de capitale (Bir Mourad Rais) donne déjà la mesure de l’ampleur des dégâts présents et à venir, car l’envolée des prix est appelée à se poursuivre et s’amplifier.
Le constat est amer et à bien des égards, fort inquiétant à la vielle d’une rentrée sociale bourrée d’angoisse et d’incertitudes.
On a pu constater que le pain précédemment vendu à 10 DA la baguette se vend désormais à 15 DA en dépit de sa fixation officielle à 7,5 DA.
Par ailleurs, le lait subventionné de 25 DA le litre étant introuvable, l’algérien est contraint de se rabattre sur le lait conditionné de 90 DA.
Le poulet vidé cédé il y a quelques mois à 300 DA a pris des ailes, pour coûter ce matin pas moins de 450 DA le kilo. Les œufs étaient à 13 DA l’unité.
Les haricots blanc secs, les pois chiches, les lentilles et le riz, étaient respectivement à 285 DA, 300 DA, 210 DA et 155 DA le kilo.
Les pâtes alimentaires sont subitement passées de 40 à 80 DA le paquet ordinaire. L’huile de table est à 350 DA le litre.
En moins de six mois les prix des denrées alimentaires importées ont subi des hausses allant de 30 à 50%, ce qui ne correspond à aucune logique, sinon celles des surfacturations des produits importés et de la spéculation qui semble revenir au galop du fait de la crise politique et du relâchement du contrôle des prix.
Pour ce qui est des fruits et légumes, on note une envolée encore plus spectaculaire : Le poivron de saison est à 200 DA le kilo, la pomme de terre 80 DA, la tomate à 150 DA, les carottes â 130 DA, les courgettes à 150 DA et les haricots verts â 250 DA. Le kilo de melon était à 90 DA et celui de la pastèque à 65 DA. Les prix des autres fruits pourtant de saison, comme les figues (500 DA) et les raisins (250 DA pour le raisin rouge et 300 DA pour le Musca) sont tout simplement hors de portée des petites et moyennes bourses.
La rentrée des classes étant fixée au 21 septembre, nous avions cherché à connaître les prix des fournitures scolaires, mais elles n’ont pas encore fait leur apparition sur les étales des supérettes que nous avions visitées. Un responsable des ventes nous a tout de même affirmé, sans nous en donner les raisons, que les prix des cahiers, des cartables et des tabliers scolaires, vont connaître de fortes hausses à la rentrée scolaire prochaine.
Rencontré sur place, un entrepreneur privé de bâtiment, nous a appris que les constructeurs sont également nombreux à se plaindre de ces hausses de prix démesurées qui affectent notamment, les fers à béton, les produits en céramique et pratiquent tous les matériaux d’étanchéité. L’activité du BTP en sera certainement très affectée avait-il tenu à nous informer.
Cette flambée générale des prix qui risque évidemment d’embraser le front social, ne semble guère préoccuper le gouvernement qui n’a, à notre connaissance, programmé aucune action susceptible d’atténuer ces hausses de prix, notamment quand elles touchent aux produits de premières nécessité comme le pain, le lait, les pâtes alimentaires, le poulet, les œufs et autres. Aucune action n’est également prévue, ne serait-ce que pour calmer l’angoisse légitime des algériens. Les gouvernements précédents avaient pourtant pour habitude d’organiser des réunions tripartites (Gouvernement, Patronat, UGTA) pour redonner espoir au monde du travail, par l’annonce d’augmentations du SMIG et, plus généralement, des salaires, par le biais des conventions collectives d’entreprises.
Le silence du gouvernement face aux dérapages insolents des prix des produits de première nécessité, est en train d’alimenter une angoisse collective qui pourrait du jour au lendemain, prendre une tournure dangereuse.