C’est dans un contexte de restrictions financières comme l’Algérie n’en avait jamais connu, que le gouvernement qui sera issu de l’élection législative du 12 juin sera contraint d’évoluer. Il n’aura d’autres ressources que le peu qui reste des réserves de change, les maigres recettes d’hydrocarbures qui ne dépasseront guère 22 milliards de dollars cette année et les engagements du trésor public financés à découvert. Pas de quoi boucler un budget qui atteindra un déficit colossal, sans pour autant, prendre en charge l’ensemble des dépenses incompressibles.
A titre d’exemple aucun budget n’est alloué à l’assainissement des 900 entreprises publiques économiques déficitaires, qui de ce fait, ne pourront pas poursuivre leurs activités, ni même payer leurs employés, qui pour certains en sont à leur 4e mois sans salaire. Les travailleurs seront épisodiquement payés sur injonction du gouvernement adressée aux banques publiques, ce qui aura pour conséquence de casser le peu de stabilité qui leur reste.
Le prochain gouvernement va par ailleurs hériter d’un contexte politique peu propice au redressement économique. Le déficit de légitimité qui colle à la peau des hauts dirigeants algériens, le refus de ces derniers de chercher une solution à la crise politique avec le peuple algérien qui exprime sa volonté de changement depuis plus de deux années, le durcissement de la répression envers les citoyens, le climat délétère provoqué par la politique du tout sécuritaire, n’incitent ni à investir, ni même, à faire prospérer des activités existantes.
Pour investir il faut en effet, d’abord et avant tout, être confiant en l’avenir de l’Algérie, mais aussi et surtout, avoir confiance aux diverses institutions de la république. Ce n’est malheureusement pas le cas et le contexte insurrectionnel qui prévaut en Algérie depuis le 4e mandat de l’ex président Bouteflika, n’est vraiment pas propice au renforcement de ces institutions qui prennent eaux de toutes parts.
Un tel contexte n’est également pas favorable aux emprunts extérieurs, ni même aux investissements directs étrangers, qu’il sera impossible d’attirer dans pareilles conditions, surtout que ce ne sont pas les opportunités qui leur manquent dans d’autres pays, plus stables et mieux organisés.
La diaspora algérienne ne s’aventurera pas, elle aussi, à risquer son argent dans un tel environnement peu propice aux affaires.,
Eu égard à toutes ces difficultés, il ne restera au prochain gouvernement que le recours au trésor public qui, lui-même, sera contraint de solliciter la Banque Centrale et sa planche à billets. Cette confortable fuite en avant vers l’endettement n’augure évidemment de rien de bon, puisqu’elle va nécessairement entraîner des effets pervers sur l’économie et la société algérienne.
Le plus grave des effets est évidemment, l’inflation qui va atteindre la plupart des produits qui seront importés au moyen de la dette publique dont on ne prévoit même pas le remboursement au moyen de la croissance économique qui ne sera certainement pas au rendez-vous en dépit de la projection optimiste de la loi de finances complémentaire pour l’année en cours.
L’autre danger est la dévaluation du dinar par rapport aux devises fortes, qui sera nécessairement utilisée comme variable d’ajustement du budget de l’Etat. Le gouvernement sera tenté de réduire le déficit en dévaluant encore plus le dinar, notamment par rapport au dollar qui est la monnaie de compte des recettes d’hydrocarbures. Plus le dinar sera faible et plus le budget exprimé en dinars, sera consistant, mais en monnaie de singe réservée uniquement au paiement des salaires des fonctionnaires.
Comme on le voit, le prochain gouvernement n’aura vraiment pas les coudées franches pour entreprendre des réformes économiques, lancer des chantiers structurants et, encore moins, trouver une voie de développement autre qu’au moyen de la rente d’hydrocarbures, qui a de tout temps prévalu en Algérie.
La solution à la crise économique est en réalité largement tributaire du traitement de la crise politique qui s’éternise, faute de volonté de satisfaire les revendications, sommes toutes, légales et conforme à la constitution, formulées par les manifestants du Hirak.
Le pouvoir étant déterminé à persévérer cette voie dont lui seul semble saisir les enjeux, il est peu probable que les choses s’arrangent de sitôt, aussi pour l’économie qui poursuivra sa descente aux enfers, que pour la société algérienne, contrainte de subir une crise multidimensionnelle sans précédent.