Faut-il s’inquiéter, aujourd’hui plus qu’hier, de notre sécurité alimentaire ?
L’alerte est lancée par les scientifiques et les économistes pour qui le risque d’insécurité alimentaire est bien là.
La pandémie Covid-19, jusque-là, plus ou moins bien gérée sur les marchés en termes de logistiques, ne serait qu’un épiphénomène face au risque désormais palpable de déstructuration du système alimentaire algérien confronté à des risques systémiques. Explications…
Si la pandémie a fait craindre le pire dès l’arrivée du virus en Algérie en février-mars 2020, le système alimentaire a globalement bien réagi.
Les campagnes agricoles avaient été lancées et les stocks de marchandises étaient suffisants pour combler le marché.
La valse des rumeurs engageant le pire qui avait un temps fait le bonheur des marchands et autres supérettes, a finalement fait pschitt au bout de quelques semaines de confinement.
La chaîne alimentaire a été, somme toute, résiliente et l’on n’enregistrera pas de sévères pénuries de produits ni de drastique variabilité des prix. Reconnaissons au gouvernement d’avoir réagi à temps avec une relative souplesse sur la levée des contraintes existantes.
Toutefois, si l’année 2020 et le premier semestre de 2021 n’ont pas connu de difficulté majeure (en dépit des épisodes « semoule » en 2020 et « Huile » du Ramadan 2021), certains observateurs s’attendent désormais à des perturbations prononcées sur le Marché alimentaire.
Les raisons :
- L’affaiblissement des investissements agricoles. Dès l’apparition du virus, le frein a été, aussitôt, tiré et les rares investisseurs ont préféré attendre de voir plus clair pour s’engager « après la pandémie » dont les conséquences, malheureusement, ne sont pas près de s’éclipser (à en croire les derniers rebondissements des chiffres communiqués par le ministère de la Santé).
- Le renchérissement des facteurs de production, des intrants, des machines et des équipements agricoles, en raison notamment de la forte dévaluation du dinar et de la chute des prix du baril de pétrole.
- Et enfin, les perturbations sur le marché mondial qui ont affecté certaines filières, telles que l’huile, le sucre et les céréales….
Mise en garde des scientifiques et des économistes
Si le système alimentaire algérien a su amortir le choc de la pandémie « covid-19 », il accuse aujourd’hui des faiblesses qui appellent à une réaction de tous les acteurs.
Les pouvoirs publics sont d’évidence, interpellés au premier plan.
Selon le Dr Ali Daoudi, Maître de conférences à l’ENSA (Ecole nationale supérieure d’Agronomie), « il y a urgence à réorganiser le système alimentaire et à réfléchir sur notre façon de gérer les crises qui deviendront récurrentes. Un dispositif d’intervention qui associera l’ensemble des acteurs par filières et dans les chaînes de valeurs alimentaires, est à établir. L’Etat seul, dit-il, ne peut pas régler tous les problèmes. Il faut créer avec des plateformes de discussions et de débats pour trouver ensemble des solutions plus efficaces ».
« On n’est pas sorti de l’Auberge ! »
Pour Mohamed Bouchakour, enseignant et chercheur à EHEC (Ecole des hautes études commerciales de Kolea) « Nous allons au-devant de difficultés alimentaires très sérieuses si les tendances se poursuivent ».
Il identifie plusieurs écueils : La croissance démographique rapide avec un taux de 2%. Une véritable « trappe malthusienne » avec sa cohorte de besoins alimentaires incompressibles. « Nous importons actuellement pour 8 milliards de dollars de produits alimentaires dont 2/3 sont pour des produits de base. C’est 11 milliards qu’il faudra prévoir dans quelques années. Les projections pétrolières étant ce qu’elles sont, « il faut aller chercher ailleurs les ressources financières. On est dans une situation de vulnérabilité extrême qui peut toucher à la souveraineté nationale ».
Quelles solutions, dès lors ? « Tout faire pour moins importer en produisant localement. Pour cela mettre en place un espace dédié à la stratégie. Une véritable Agence, sous le patronage direct des plus hautes autorités et adopter une Loi-Cadre. L’Agence permettra la cohésion des actions, leur suivi et leur contrôle. Une politique pour laquelle, des comptes ne sont pas rendus est, selon moi, nulle et non avenue ».
Autant dire qu’ « on n’est pas sorti de l’Auberge, insiste Ali Daoudi, la vigilance est de mise et tous les efforts doivent se porter sur les produits stratégiques : Céréales, lait et viandes. Moins de pressions dans la filière « fruits et légumes » qui est rentable aujourd’hui. A l’Etat de trouver le dispositif de financement adéquat pour permettre le développement des petites exploitations. Afin que celles-ci ne restent pas en marge du progrès économique parallèlement aux gros investissements privés ».
Ce développement associé et stratifié devrait conduire, à suivre ces experts unanimes, au développement durable tant souhaité, et, désormais, inévitable si l’on ne veut pas demain, faire face à de graves crises alimentaires.