Le PDG de la Compagnie algérienne d’assurance et de garantie des exportations (CAGEX), Djilali Tarikat, a livré, ce lundi 12 avril 2021, sa lecture sur le projet d’amendement de la réglementation des changes que prépare le Gouvernement.
Pour rappel, le Conseil de la Monnaie et du Crédit de la Banque d’Algérie a adopté, le 28 mars 2021, lors de sa réunion, un projet de règlement modifiant et complétant le règlement n°07-01 du 23 février 2007 relatif aux règles applicables aux transactions courantes avec l’étranger et aux comptes devises, indique la banque centrale.
Intervenant dans l’émission « L’Invité de la rédaction » de la Chaîne 3, le PDG de CAGEX a estimé que le projet d’amendement de la réglementation des changes n’apporte aucun changement en faveur des exportateurs. « En fait, par rapport à ce qui existait auparavant, personnellement, je ne vois de grandes différences. Le dispositif est pratiquement maintenu dans sa globalité », a-t-il dit.
« Bien au contraire, nos clients les exportateurs se plaignent d’un dispositif légal répressif à leur encontre et qui sanctionne le non rapatriement des créances détenues à l’étranger par des peines privatives de liberté et d’autres sanctions sur le commerce extérieur », a-t-il dit.
Expliquant que « cette mouture confond les créances nées sur l’étranger et les capitaux investis à l’étranger », Djilali Tarikat a appelé le législateur à aller dans le détail et à faire la distinction entre le capital et l’argent. « Il devrait y avoir une grande différence dans les fondements juridiques qui régissent les capitaux investis à l’étranger et les créances nées sur l’étranger » », a-t-il précisé.
« Lorsqu’une entreprise algérienne investit à l’étranger, elle est tenue de rapatrier les dividendes soit les bénéfices réalisés à l’étranger. Donc, s’il y a non-rapatriement des dividendes, oui c’est l’entreprise qui a fauté et qui mérite d’être sanctionnée. Mais dans le cas des créances nées sur l’étranger, l’exportateur algérien prépare la commande et l’exporte. Le commerce extérieur comporte toujours le risque de ne pas être payé par son acheteur à l’étranger. L’actuelle loi sanctionne l’exportateur en cas de non paiement et c’est un tord », a-t-il expliqué.
« Au lieu que le dispositif légal s’attèle à récupérer les créances détenues à l’étranger et donc, à viser le fautif qui est l’acheteur étranger, il s’oriente vers l’exportateur algérien », s’est étonné le PDG de CAGEX, pour qui : « L’exportateur est doublement sanctionné. D’abord il perd son argent et en plus, il risque la prison. »
« Pour encourager le commerce et l’industrie, il faut considérer que les investisseurs et les exportateurs sont de bonne foi. C’est comme ça qu’on peut créer la confiance entre les pouvoirs publics, la réglementation et les opérateurs économiques », a-t-il dit, en ajoutant : « À mon sens, toutes les lois économiques et commerciales doivent être des lois de facilitation, non pas des lois répressives. » « Le principe de bonne foi est universel et doit être pris en considération », a-t-il ajouté.
« Il me semble effectivement, qu’il est très important entre les capitaux investis à l’étranger, il s’agit de gros sous, et les ventes à l’étranger qui font naître des créances. Bien entendu, la CAGEX étant un organisme de l’Etat, créé par les pouvoirs publics pour protéger les exportations donc les créances nées sur l’étranger, par la prévention, l’indemnisation, par le recouvrement », a-t-il encore expliqué.
Soulignant qu’il y a quelques actions qui sont dévolues à la compagnie pour, en quelques sortes, fiabiliser les opérations d’exportations et réaliser des opérations saines, loyales et marchandes, le PDG de la CAGEX a indiqué « le dispositif qui est prévu doit absolument tenir compte de l’assurance crédit à l’exportation, qui garantit l’exportateur contre le non-paiement ou le non-rapatriement des créances de l’étranger, et en même temps il y a une assurance crédit sur les investissements à l’étranger. » « Si on arrive à faire la différence entre les deux, peut-être que les choses vont apparaître plus claires », a-t-il estimé.
Pour espérer concrétiser la volonté d’augmenter les exportations hors-hydrocarbures, le PDG de CAGEX a estimé que le dispositif légal doit être plus souple. « La réglementation en général sur le plan économique et commercial doit être une réglementation de facilitation. On a besoin de créer une ambiance de travail tout à fait loyale, qui permette aux gens de prendre le dessus sur la peur et d’aller investir à l’étranger en même temps que de vendre à l’étranger », a indiqué le le PDG de CAGEX.
Selon Djillali Tarikat, c’est l’avis de la plupart des clients de la compagnie et qui se sentent un peut découragés qui se disent : « Pourquoi voulez-vous que j’exporte, in fine, si je perds l’opération et si je n’arrive pas à encaisser mon argent, je vais être menacé par une peine de privation de liberté et d’autres peines prévues dans le dispositif ». « ça me parti tout à fait paradoxal. Il faut laisser un peu faire les entreprises exportatrices de façon à créer cette richesse importante pour l’économie nationale », a-t-il plaidé.
« Notre pays a besoin de multiplier par dix le volume des exportations. Malheureusement, ce n’est pas avec ce type de dispositif légal que demain il y aura de plus en plus d’exportateurs », a-t-il indiqué, en soulignant qu’une batterie de mesures est en train de naître, notamment en faveur des start-ups pour les exportations de services.
Pour Djilali Tarikat, il faut que le législateur s’inspire des textes qui sont en cours d’élaboration pour encourager l’émergence de la start-up et réduire la facture d’importation des services. « L’exportation de tout produit, service ou autre, doit être favorisée », insiste l’invité de la rédaction de la Chaîne 3.
« Les opérations de commerce extérieur comportent toujours des risques et c’est pourquoi la CAGEX a été créée. Or, le dispositif légal en préparation ne tient pas du tout compte de l’assurance exportation qui garantie le non rapatriement », a regretté encore Djilali Tarikat qui appelle le législateur à plus de cohérence.
« Si l’ordonnance 96-06 sur l’assurance crédit date de janvier 1996, l’ordonnance 96-22 date de juin 1996. Il aurait été logique que la seconde prenne en compte, dans les visas, la protection contre le non rapatriement apportée par l’ordonnance 96-06 », a-t-il pointé.