La dernière sortie médiatique du président de la république Abdelmadjid Tebboune a mis en évidence la persistance d’un dialogue de sourds entre le pouvoir qu’il est sensé représenter et la frange ultra majoritaire du peuple algérien qui s’est remise à exprimer par des manifestations massives, sa volonté de changer le système politique en place.
Un système auquel il reproche d’avoir failli dans sa gestion et mené le pays vers une impasse dictatoriale qui ne présage rien de bon pour l’avenir des algériens.
Le président a fait montre d’un véritable autisme à l’égard de ce qui se passe pourtant sous ses yeux, comme si en feignant d’ignorer la grogne populaire, il pouvait exorciser tous périls susceptibles de venir de ces « franges de populations insurgées ».
Cette manière d’opérer ne mène évidemment pas loin. Elle donne à celui qui détient le pouvoir exécutif, l’illusion d’avancer en appliquant sa feuille de route sans se soucier du climat délétère que cette démarche autoritaire, instaure au sein de la société algérienne.
Un climat délétère qui détruit la confiance, suscite l’inquiétude et obstrue les perspectives d’avenir d’une société qui, parce qu’elle ne peut plus avancer, recule chaque jour un peu plus.
Autant de problèmes qu’Abdelmadjid Tebboune refuse de voir en se convainquant qu’il est sur la bonne voie et qu’il suffit seulement de continuer à avancer sans état d’âme, autrement dit, en n’écoutant pas les voix discordantes, même si ces dernières proviennent de l’écrasante majorité du peuple algérien.
Un peuple contestataire qu’il ne voit pas comme tel, mais seulement, comme des foules manipulées, qui n’ont aucune chance de l’écarter de sa feuille de route, qu’il n’aura, pense t-il, aucune difficulté à appliquer.
Il demeure convaincu que le retour à la stabilité politique et institutionnelle, viendra des élections législatives et communales, qu’il tient à organiser et à entériner avant le début de l’été prochain, quel que soit le nombre d’électeurs qui y participeront.
Comme pour l’élection présidentiel du 12 décembre 2019 et celle de novembre 2020, sur la nouvelle constitution, Abdelmadjid Tebboune, pense que le peuple finira par s’y soumettre et s’y adapter.
Cette démarche autoritaire est déjà actée puisque le président de la commission électorale, Mohamed Cherfi, a déjà fait appel à l’Union Européenne pour l’aider dans cette démarche, autrement dit à la cautionner.
On ignore si l’UE, qui a beaucoup de choses à reprocher au régime algérien, le suivra dans cette démarche, mais cette manière d’opérer indique bien que le pouvoir en place, a bel et bien fait le choix du passage en force.
La légitimité n’est pas du tout son problème, l’important étant de continuer à détenir le pouvoir en s’appuyant sur des institutions et des élus qui lui seront dévouées.
Abdelmadjid Tebboune l’a d’ailleurs dit clairement à l’occasion de cette interview, en affirmant que le nombre de participants qui sera certainement très faible, « n’aura aucun influence sur les résultats de ces élections » qui seront entérinées parce qu’elles sont conformes à la loi électorale qui ne fixe pas de limites minimales au nombre de suffrages exprimés.
N’ayant pas rencontré de résistance notable, ni de la part du Hirak qui a dû suspendre ses manifestations pour des raisons de santé publique, ni de la communauté internationale qui s’est dépêchée de reconnaître les résultats des élections, le pouvoir pense qu’il n’y aucune raison de ne pas continuer dans cette voie qui semble parfaitement lui convenir.
A moins d’un retournement des rapports de forces au sein du régime algérien, tout porte à croire que les élections législatives auront bien lieu à la date que fixera le gouvernement et que des urnes, ne sortiront que des élus préalablement cooptés.
S’il est tout à fait clair, que le régime incarné par le président Tebboune ne dérogera pas à cette feuille de route établie par l’ex chef d’état major Gaid Salah, il reste toutefois une inconnue qui pourrait basculer la donne.
Il s’agit, on l’a compris du Hirak, revenu en force ces dernières semaines et qui prendra très certainement de l’ampleur du fait des maladresses du pouvoir et sa politique du tout répressif qui ne semble pas s’estomper en dépit de la libération de quelques détenus très vite remplacés par de nouvelles incarcérations.
L’amoncellement de problèmes sociaux ( chômage, vie chère, pénuries, injustices diverses) risque de doper un peu le Hirak en lui fournissant de nombreux activistes porteurs de revendications mobilisatrices.
L’instabilité que ces manifestations vont nécessairement générer au point de compromettre gravement l’action gouvernementale, pourrait alors pousser les véritables décideurs à abandonner la politique du tout sécuritaire, au profit d’une solution beaucoup plus politique.
Mais pour ce faire, il faudrait que le rapport de forces entre les partisans de la « trique », malheureusement encore trop nombreux, et ceux favorables au dialogue qui ont pour l’instant du mal à émerger, bascule en faveur de ces derniers.
Aucun constat objectif ne permet pour l’instant de prévoir cette éventualité. Les prochaines semaines au cours des qu’elles les relations entre le pouvoir et le Hirak vont certainement s’exacerber, à moins que l’interpellation du Haut Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU adressée aux dirigeants algériens accusés de réprimer les manifestants pacifiques du Hirak ne change totalement la donne.
Le régime algérien ne peut en effet se permettre de rester sourd à des interpellations fondées venues d’aussi haut. Il ne devra nécessairement revoir sa manière de gérer cette révolution populaire pacifique, en commençant par abandonner sa politique du tout sécuritaire qui a été au bout du compte, totalement improductive et néfaste pour l’image de marque du régime.
Eu égard à cette énergique interpellation de l’ONU, la voie du dialogue et de la concertation reste, de notre point de vue, la seule alternative possible, pour sortir de la crise. La balle est donc dans le camp du pouvoir réel qui seul, peut prendre pareille décision.
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