Le Hirak a commémoré vaillamment sa deuxième année et signifié à l’occasion, son retour aux manifestations populaires massives et permanentes. Comme nous avons eu â le constater durant la semaine qui a marqué son retour, le Hirak n’a pas pris une seule ride. Sa capacité de mobilisation à travers l’ensemble du territoire national est restée intacte et ses slogans toujours bien inspirés par le vécu et les aspirations politiques et sociales des algériens.
Il a également prouvé sa capacité d’émettre des feuilles de route claires qu’il parvient à appliquer. Pour preuve, son programme de commémoration-reprise du Hirak annoncé le 10 février dernier, a consisté à reprendre le flambeau de la révolution pacifique en commençant par Kherrata le 16 février, puis Khanchela le 19 du même mois, Paris et Montréal le 21 février, l’Algérie et notamment la capitale le lundi 22 février et pour terminer le mardi 23 pour les étudiants et professeurs d’universités. Ces engagements ont été, comme nous avons pu le constater appliqués à la lettre avec, de surcroît, une mobilisation exceptionnelle en dépit d’un imposant dispositif de répression.
Du côté du pouvoir, car c’est à lui qu’étaient destinées toutes ces manifestations et les revendications mises en évidence par les slogans, nous n’avons rien constaté de nouveau, hormis quelques gestes d’apaisement décidés quelques jours auparavant par le président de la république, malheureusement très mal appliqués sur le terrain.
En effet, comme s’il y avait deux pouvoirs parallèles en Algérie, pendant que l’un s’attelait à relâcher des détenus d’opinion, l’autre faisait exactement le contraire en emprisonnant ou en agressant brutalement les manifestants pacifiques du Hirak, comme ce fut le cas pour Rachid Nekkaz à Mostaganem et de nombreux autres concitoyens partout où il y eut des manifestations.
La poursuite de la répression contre les activistes et sympathisants du Hirak, donne la détestable impression qu’au plus haut sommet de l’Etat, deux conceptions inconciliables de gestion du Hirak, l’une exclusivement sécuritaire basée sur la « trique » et la manipulation, prônée par une branche des services de sécurité, communément appelée police politique, et l’autre, beaucoup plus politique, qui se bat pour imposer un mode de gestion plus civilisé, basé sur le dialogue avec les contestataires. Cette dernière conception éprouve malheureusement de grosses difficultés à faire consensus au sein de ceux qui tiennent les rênes du pays. Entre temps l’Algérie s’enfonce dans une crise politique sans précédent, que compliquent encore davantage les crises économiques et sanitaires que subissent les algériens.
Le Hirak ayant signifié, on ne peut plus clairement, son retour en force et son emprise durable sur la contestation populaire, il y a de réelles craintes, que le front social s’enflamme sous l’effet de la poursuite de ce « tout sécuritaire » qui n’a jusqu’â présent rien apporté de bon à l’Algérie, hormis une illusoire préservation des institutions par des moyens contestables (élections opaques et répression).
On se pose évidemment la question de savoir si ce mode de gestion autoritaire, source de tous les dangers pour la cohésion nationale, va continuer, même si ceux qui en sont les instigateurs, savent pertinemment qu’il n’a aucune chance de mettre fin à la détermination populaire de plus en plus fortement affirmée, notamment par les jeunes.
Une aile plus intelligente, est capable de tenir au Hirak un discours civilisé en mesure d’apaiser les esprits et ouvrir la voie à des décisions politiques mutuellement négociées? Difficile d’y répondre dans la confusion actuelle mais on pense que tout se jouera, nous semble t-il, sur ce bras de fer qui oppose la branche du pouvoir formatée aux seules pratiques répressives et celle, plus politique qui souhaite au contraire, nouer un dialogue civilisé avec le Hirak. Le sort de l’Algérie dépend de l’issue de ce rapport de force qui pour l’instant est du côté de ceux qui prônent, aujourd’hui encore, le tout sécuritaire. Les prochains jours seront déterminants.