L’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Abderrahmane Hadj Nacer, a estimé que la finance islamique n’existe pas car il n’existe pas de monnaie islamique.
« D’abord, pour qu’il y ait une banque islamique, il faut une monnaie islamique. Parce que s’il n’y a pas de monnaie islamique, on ne peut pas construire un système de financement islamique. Aujourd’hui, toutes les monnaies se réfèrent au dollar dont le prix est fixé par son taux d’intérêt et celui-ci n’obéit pas à des critères compatibles avec le Coran », a indiqué l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie dans un entretien accordé au journal La Nation.
Pour M. Hadj Nacer « c’est un financement participatif. » « Dans le financement islamique, il n’y a que du risque, il n’y a pas de garantie. L’intérêt de l’économie islamique, c’est qu’elle est l’économie la plus moderne qui puisse exister. C’est une économie basée sur l’interdiction de la rente ou de spéculation. C’est le risque partagé : Je te prête de l’argent, je suis prêt à gagner beaucoup, mais je suis aussi prêt à perdre beaucoup avec toi. Ça, c’est le principe de base », a-t-il expliqué.
Rappelant que « l’Algérie a été le premier pays à reconnaître la banque islamique », il a précisé : « Nous n’avions ni institutions de financement islamiques ni de banques privées islamiques et encore moins de système de supervision national ou international. »
« Il y avait beaucoup d’institutions dites de financement islamique comme la Qatar islamique bank, mais aucune n’a été reconnue. Elles fonctionnaient toutes dans l’informel, sans aucune banque centrale dans le monde qui les supervise. C’est vous dire l’opacité et donc le danger qu’elles représentaient. Deuxièmement, elles fonctionnaient sur la base de produits qui étaient tous garantis soit contraires aux prescriptions coraniques », a-t-il souligné.
« En Algérie, dès le début des années 1980 s’est développé une espèce de pratique religieuse très primaire, très simpliste issue de la « mésinterprétation » salafo-wahhabite où les gens considéraient que le taux d’intérêt était l’usure (Riba), donc tout intérêt était haram au point où nous avions des endroits en Algérie, notamment les Hauts Plateaux (les régions de Tiaret, Saida…etc.) où les grands détenteurs de troupeaux mettent leur argent à la caisse d’épargne et, chaque année, ils demandent aux banquiers de leur calculer le montant que représente l’intérêt puis ils sortent et le laissent sur le comptoir. Pour eux, il s’agit d’un argent illicite. Evidemment, il y avait des employés honnêtes qui mettaient cet argent dans une caisse spéciale mais, par contre, le contraire existait aussi. Et donc, pour nous, c’était un problème qu’il fallait résoudre », a-t-il encore rappelé.
Selon lui : « C’est beaucoup d’argent, des fortunes colossales. Et cette idéologie s’est propagée dans le pays. Des gens refusaient même de travailler avec la banque classique. »
« Dans un passé plus lointain, dans les années 1940,1950, le problème s’était posé et les juristes « foukaha » de cette époque ont trouvé la solution, c’était une période où l’association des Ulémas agissait avec beaucoup d’intelligence et de bon sens. Ils avaient fait une interprétation simple qui consiste à dire : il y a une différence entre l’intérêt et le Riba (l’intérêt et l’usure). L’intérêt, c’est le prix de la transaction qui permet à ton argent de ne pas perdre de la valeur. Si j’achète aujourd’hui un appareil à 100 000 DA et demain j’achète le même à 120 000 DA, les 20 000 DA représentent l’intérêt. Ce qui me permet de sauvegarder mon bien. Quand le prix allait bien au-delà, on était dans la spéculation et donc dans le »haram », a conclu Hadj Nacer.