La Cour d’appel militaire de Blida a prononcé samedi l’acquittement pour Mohamed Mediène, Athmane Tartag, Bouteflika Said et Louisa Hanoune, suite au pourvoi en cassation par la Cour suprême pour les chefs d’inculpation de « complot ayant pour but de porter atteinte à l’autorité du commandant d’une formation militaire » et « complot dans le but de changer le régime ».
Devant le juge, le général de corps d’armée à la retraite Mohamed Mediène, dit Toufik, a affirmé qu’ils n’avaient jamais parlé d’état d’urgence ni du limogeage du chef d’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah, rapporte le journal El Watan dans son compte-rendu du procès.
Appelé à la barre, Mohamed Mediène a déclaré « Comment pourrais-je être accusé de complot contre l’autorité de l’Etat, alors que la rencontre a eu lieu avec le frère et conseiller du Président encore en exercice ? Avec les événements que traversait le pays, Saïd Bouteflika a voulu nous voir pour nous demander notre avis sur la situation. Je me suis dit que c’est une occasion pour dire ce que je pense ».
A la question du juge de savoir si la situation exigeait vraiment de tenir la réunion du 27 mars 2019. Mediène a répondu en disant : « Bien sûr, vous pouvez me dire de quoi vous mêlez-vous ? Mais à cette époque, tout le monde était appelé à intervenir pour trouver une solution à la crise… », ajourant que ladite réunion « n’était pas secrète » et qu' »elle devait se dérouler dans un endroit officiel. La villa appartient à la Présidence… », a précisé l’accusé en réponse à une question du magistrat qui l’interrogeait sur le caractère secret de la rencontre.
« Saïd Bouteflika incarnait le pouvoir »
Le juge l’a également questionné sur le but de la réunion, et à l’accusé de répondre : « Échanger les avis. Saïd Bouteflika incarnait le pouvoir. Il était le frère et le conseiller du Président encore en poste. » Le juge : « pourquoi avec lui ? » Mohamed Mediène : « pourquoi pas avec lui ? Il a voulu prendre l’avis d’autres personnes afin d’agir. C’est naturel. Dans de telles situations, on discute avec beaucoup de gens pour trouver la solution. »
Interrogé par le magistrat sur le résultat de cette rencontre, Mediène a indiqué qu’ils avaient parlé de beaucoup de choses. « J’ai dit que le gouvernement doit changer et qu’il fallait trouver un nouveau premier ministre doté de larges prérogatives, qu’il soit crédible et accepté par le peuple… », a-t-il relaté.
A la question du juge sur « qui a fait appel à Liamine Zeroual, l’ancien Président ? » L’accusé a indiqué que c’était son idée. « On a aussi parlé d’autres personnalités, mais c’est le nom de Liamine Zeroual qui a fait consensus. » Le juge : « Mais lui a refusé. » Mediène : « C’est secondaire. Ce n’est pas l’endroit pour dire s’il a refusé ou accepté. Pour moi, il n’avait pas refusé, mais il a fini par le faire… ». Le magistrat : «pourquoi ?». L’accusé : «Je ne sais pas. Je ne l’ai pas revu. L’essentiel, c’est qu’il était la personnalité principale qui a été proposée. »
A une autre question du juge portant sur l’invitation de la secrétaire générale du parti des Travailleurs (PT), Louisa Hanoune, à cette réunion, Mohamed Mediène a expliqué que « c’est une femme politique connue. » « Elle a été invitée par Saïd Bouteflika. Quelle différence entre moi et Louisa ? Moi j’étais responsable d’un service de sécurité, et elle était à la tête d’un parti politique très connu. »
Le magistrat : « Dans quel intérêt ? Est-ce celui du pays ? ». L’accusé : « Bien sûr. Ce qui est certain, c’est que cela n’a pas été fait dans le cadre d’un complot. On dit complot contre l’Etat et l’autorité militaire. Contre l’Etat ? Saïd Bouteflika, le frère conseiller du Président était présent. Contre l’armée ? Nous étions à Dar El Afia, une résidence qui appartient à l’armée. Moi-même j’ai dit à Saïd Bouteflika qu’il faut parler avec le chef d’état-major, Gaïd Salah. Pour moi, tout cela était normal », a-t-il raconté.
Le magistrat a enchaîné avec une question sur qui a mandaté Said Bouteflika pour organiser cette réunion. Mohamed Mediène a répondu : « pour moi, rien n’est anormal. » « Ce n’était pas la première fois qu’il agissait dans le cadre de l’Etat », a-t-il ajouté. Le juge a interrogé Mediène sur le communiqué de la Présidence signé par Mohamed Boughazi, un des conseillers, annonçant le limogeage de Gaïd Salah, et il répond : « Je ne suis pas au courant. »
A la question du magistrat de savoir s’il était question lors de cette rencontre « d’écarter Gaïd Salah et d’instaurer l’état d’urgence ? » L’accusé a répondu : « Nous n’avons jamais parlé de l’état d’urgence ni du limogeage du chef d’état-major de l’Anp. Ce qui m’a amené ici, ce sont des choses dont je ne pourrais parler aujourd’hui, un jour peut-être, mais pas ici. »