La constitutionnaliste Fatiha Benabbou s’est exprimé sur les résultats du référendum sur la révision de la Constitution qui s’est déroulé dimanche 1er novembre 2020 dont le « Oui » est sorti vainqueur avec 66,8% des voix exprimées des 23,7% du taux de participation nationale.
Dans un entretien accordé au journal El Watan de ce jeudi 5 novembre, Mme Benabbou a estimé qu’il faut abandonner cette nouvelle Constitution repoussée par le peuple.
Le président de la République appelé à faire une lecture politique des résultats du référendum
« Il faut noter qu’il y a une différence entre la légitimité et la légalité. C’est important. Sur le plan de la légalité, il n’y a aucun texte qui précise le seuil de la participation qui doit être atteint pour valider ce projet. C’est pourquoi, il faut passer à une seconde grille d’analyse, qui est d’ordre politique », a expliqué la constitutionnaliste en ajoutant : « Une Constitution, qu’on le veuille ou non, n’est pas l’acte du Président. Ce dernier n’est que l’initiateur. Elle est l’acte du peuple, selon l’article 7 de la Constitution. »
Mme Benabbou a rappelé : « Le pouvoir constituant appartient au peuple qui en dispose en tranchant en faveur ou contre le projet. A partir du moment où le taux de participation est trop bas et celui de l’abstention est très fort, il va falloir que le président de la République fasse une lecture politique en tant que garant de l’unité de la nation ».
« Quand la Constitution n’a pas l’accord du peuple, elle est illégitime »
Et d’ajouter : « Quand la Constitution n’a pas l’accord du peuple expressément par le biais du «non» ou implicitement à travers l’abstention, elle est illégitime. Car elle doit avoir le consentement du peuple, c’est-à-dire le corps électoral », a-t-elle dit en rappelant qu’à partir du 22 février 2019, « le peuple a pris conscience du fait qu’il est le pilier du pouvoir. C’est pourquoi, en tant que constitutionnaliste – je ne peux pas passer sous silence ce fait – je demande au président de la République de faire une lecture politique des résultats du référendum. »
« Donc, le président de la République doit faire une lecture politique, parce qu’il est garant de la Constitution. Il doit prendre en considération la question de la légitimité », a-t-elle expliqué.
Se demandant « Quel est l’intérêt d’imposer à la majorité absolue du peuple un texte qu’elle rejette ? », Mme Benabbou a souligné que « la Constitution doit unifier le peuple et ne pas le diviser. » « Or, ce projet de révision a énormément divisé », a-t-elle dit en rappelant l’article 209 de la Constitution. « Lorsque la Constitution est repoussée par le peuple, elle devient caduque », a-t-elle précisé, en ajoutant que « quelque part, il n’y a pas eu consensus. »
« Il vaut mieux écarter la loi que de la laisser en vigueur »
« Dans ce cas, il vaut mieux écarter la loi que de la laisser en vigueur. Il vaut mieux ne pas avoir de loi que d’en avoir une qui divise. Comme ce projet de révision de la Loi fondamentale divise, le Président doit faire une lecture politique et l’article 208 de l’actuelle Constitution le lui permet. Il faut rappeler aussi, dans ce sens, que nous ne sommes pas en manque d’un texte de loi », a encore expliqué la constitutionnaliste.
Et de poursuivre : « Il n’y a pas de vide juridique. La Constitution de 1996, qui a été amendée par Bouteflika en 2016, est toujours là. Il n’y a donc aucun risque de nous retrouver sans Constitution. Et si le Président abandonne ce texte, cela veut dire qu’il est à l’écoute du peuple et que nous sommes en train de changer les méthodes. »