En 2008, les banques étaient en première ligne face à la grande crise économique. En 2020, face à une pandémie qui cloue les avions au sol, ce sont les compagnies aériennes du monde entier qui crient à l’aide et qui, pour certaines, ne survivront pas au choc.
Un sentiment de peur mêlé aux interdictions de voyager ont conduit à une baisse de la demande et à l’annulation de plus de 185.000 vols.
La situation mondiale est « sans précédent » et « personne ne sait combien de temps cela durera et quel en sera l’impact », estime Brendan Sobie, un analyste indépendant du secteur, basé à Singapour. « D’ici fin mai 2020, la plupart des compagnies aériennes dans le monde feront faillite », a mis en garde lundi la société d’analyse des marchés CAPA. Face à ces sombres perspectives, les compagnies se tournent vers les autorités, espérant être renflouées, comme nombre de banques lors de la crise financière de 2008.
Le transport aérien américain a demandé des aides d’urgences pouvant aller jusqu’à 50 milliards de dollars au gouvernement fédéral.
Les compagnies britanniques auraient demandé au gouvernement plus de 9 milliards de dollars d’aides.
L’IATA, qui représente le secteur au niveau international, a également appelé les autorités à débloquer toutes les aides possibles pour permettre aux compagnies de faire face « à une crise croissante de liquidités ». « Plus de 75% des compagnies disposent de moins de trois mois de liquidités pour couvrir leurs coûts fixes », a expliqué mardi son directeur financier Brian Pierce. « Si la crise se poursuivait avec cette intensité nous verrons certainement une consolidation » du secteur, a commenté Alexandre de Juniac, directeur général de l’association qui regroupe 290 compagnies aériennes.
De son côté, le gouvernement italien est prêt à nationaliser la compagnie aérienne Alitalia. Selon des médias, Rome a prévu une enveloppe globale de 600 millions d’euros pour l’ensemble du secteur aérien national, dans lequel Alitalia représente la part du lion. De telles aides financières n’iront pas sans susciter la controverse notamment chez ceux qui, en 2008, avaient déjà critiqué les vastes plans de sauvetage des banques. Elles ne feront pas non plus l’unanimité auprès des défenseurs de l’environnement qui accusent le transport aérien, très polluant, de contribuer au changement climatique.
Par ailleurs, un grand nombre de pays étant menacés de récession, les gouvernements vont être contraints de trancher sur les secteurs à aider en priorité. « Les compagnies aériennes figurent peut-être en tête de liste mais presque toute l’industrie mondiale est confrontée à des pressions », a souligné Stephen Innes, un responsable de la stratégie des marchés chez AxiCorp.
Reste que le transport aérien est un acteur économique de poids et même vital pour des secteurs comme le tourisme, ou pour les ventes des géants de l’industrie comme Boeing, Airbus ou Rolls-Royce, qui pèsent très lourd dans les échanges commerciaux mondiaux.
L’avionneur Boeing a demandé de l’aide à la Maison Blanche et au Congrès pour faire face à la pandémie de Covid-19 tandis que son concurrent européen Airbus a suspendu 4 jours sa production en France et en Espagne.
L’aide au transport aérien « n’est pas une vision égoïste » de la situation, a estimé M. de Juniac ajoutant que « la connectivité est cruciale pour assurer un redémarrage » de l’économie.
En attendant, les compagnies aériennes font la course à la réduction des coûts: suppression d’emplois, arrêts de certaines liaisons, renégociations des contrats des fournisseurs et utilisation d’avions plus petits et moins chers font partie des mesures prises.
Les aéroports européens devraient enregistrer 2 milliards de pertes de chiffre d’affaires au cours du premier trimestre, selon leur organisation ACI Europe qui demande des mesures de soutien à l’Union européenne.
Cette crise pourrait entraîner, sur le long terme, « une hausse des tarifs car les compagnies vont tenter de rattraper leurs pertes », prévient Shukor Yusof, analyste de la société malaisienne de conseil aéronautique Endau Analytics.
Afp