L’expert dans les questions énergétiques, ancien P-dg de Sonatrach, Abdelmadjid Attar, a estimé, ce lundi dans un entretien accordé à l’agence officielle, que les conséquences de la chute des prix du pétrole « sont déjà définitivement négatives » pour l’Algérie.
« Au vu de la situation actuelle, on peut dire que dans le meilleur des cas, ce n’est plus seulement la pandémie même avec une éventuelle stabilisation et peut être un recul à compter du mois de mai (saison chaude et meilleur contrôle de sa propagation), qui va peser sur le marché », a expliqué Abdelmadjid Attar.
Selon lui « la guerre des prix déclenchée par l’Arabie Saoudite va faire chuter le baril à un niveau proche de 30 dollars sur plusieurs semaines ou plus. »
« Mais à mon avis, cette situation ne durera pas longtemps car l’offre supplémentaire de pétrole de l’Arabie Saoudite ou de tout autre pays exportateur finira par ne plus trouver de preneur même à très bas prix au vue du niveau très bas de la demande avec des stocks mondiaux au plus haut niveau », a-t-il analysé, ajoutant que « ce qui est très probable, est que le monde s’oriente vers une crise économique mondiale pire que celle de 2008. »
Pour l’ancien PDG de Sonatrach « un seul espoir persiste, parce qu’à moins de 40 dollars, il est possible qu’une partie de la production américaine de pétrole de schiste chute à beaucoup moins de 8,5 million b/j, leur production totale étant aujourd’hui de 13 million b/j. »
« Pour l’Algérie, les conséquences sont déjà définitivement négatives sur l’ensemble des prévisions économiques et budgétaires puisque notre propre loi des finances a été établie sur la base d’un baril à 60 dollars », a-t-il estimé.
De ce fait, selon l’expert en énergie « une loi de finances complémentaire est inévitable avec un recours probablement plus intense aux réserves financières du pays. »
« C’est plus que jamais le moment d’engager sérieusement et rapidement des réformes profondes à tous les niveaux », a-t-il dit.
« Le chacun pour soi a tout simplement primé »
A une question sur les causes ayant conduit vendredi à un désaccord entre les membres de l’OPEP et leurs alliés sur une réduction supplémentaires de la production de pétrole, afin d’enrayer la chute des cours causée notamment par l’épidémie de Coronavirus. Attar a indiqué que « pour le moment il n’y a que la Russie et l’Arabie Saoudite qui sauront répondre à cette question, étant donné qu’il s’agit des deux principaux producteurs dans l’OPEP+, qui étaient susceptibles de supporter l’essentiel de la réduction projetée de 1,5 million baril/jour, mais dont les intérêts et même les « calculs » aussi bien économiques que géopolitiques sont très divergents. »
Il a rappelé qu' »avant l’avènement du Coronavirus, les pays de l’OPEP et leurs alliés faisaient face à un marché pétrolier influencé par la baisse des consommations liée à la récession économique et une compétition entre producteurs avec notamment les USA et leur production de pétrole et gaz de schiste.
« Actuellement l’incertitude sur l’impact et la durée de l’épidémie est presque impossible à évaluer, et tellement grave que le chacun pour soi a tout simplement primé, pour des raisons d’abord économiques, la Russie n’étant plus sure de compenser ses pertes à travers une remontée hypothétique du prix par rapport à une nouvelle baisse de production même si ses besoins sont basés sur un baril à 40 dollars », a-t-il analysé, ajoutant qu' »il ne faut pas non plus oublier que leurs intérêts géostratégiques et politiques sont très opposés. »
Sur l’avenir de l’accord, Attar a indiqué qu' »il est cependant trop tôt pour prédire quoi que ce soit de l’avenir de l’accord de coopération au sein de OPEP+, et encore moins de la durée de la guerre des prix qui vient d’être déclenchée par l’Arabie Saoudite. »
« Aucun des membres de l’OPEP n’a intérêt en ce moment d’agir ou de causer l’éclatement de cette organisation »
Concernant les mesures que pourraient prendre les pays de l’OPEP, Abdelmadjid Attar a expliqué qu' »aucun des membres de l’OPEP n’a intérêt en ce moment d’agir ou de causer l’éclatement de cette organisation, parce que à l’inverse de la Russie qui semble se satisfaire momentanément d’un prix entre 40 et 50 dollars, tous les autres producteurs sont déjà gravement affectés au point de vue économique. »
« Ils vont non seulement maintenir les niveaux de réduction existant, mais continuer à se concerter peut être pour une autre réduction même modeste dans l’espoir de faire revenir la Russie vers la table des négociations au cas où le baril poursuit sa chute en dessous de 40 dollars », a-t-il dit, ajoutant : « Mais cela est peu probable dans l’immédiat à cause de la guerre des prix que l’Arabie Saoudite vient de déclencher en décidant de baisser ses prix et même d’augmenter sa production. »
« Il va y avoir pendant un moment tellement de pétrole sur le marché que même à bas prix il ne pourra pas être écoulé, les stocks étant à leur niveau maximal », a-t-il conclu.