Le journal américain « The Washington Post » a publié samedi 22 février 2020 un article consacré au premier anniversaire du mouvement populaire « Hirak ». A travers son article, le Washington Post a retracé les événements qui ont marqué une année du Hirak. Le journal US estime que « le système politique algérien reste fondamentalement inchangé », mais affirme que « la résilience du Hirak indique que les Algériens ne sont pas prêts à renoncer à leurs revendications ». Il estime également que le Hirak « devrait également façonner la politique algérienne au cours de sa deuxième année ».
« Samedi, l’un des mouvements de protestation non violents les plus résistants au monde franchit une étape d’un an » en Algérie, écrit le Washington Post, qui rappelle qu’il y a un an, « des protestations à l’échelle nationale ont éclaté contre le président algérien de l’époque, Abdelaziz Bouteflika. Sa désignation pour un cinquième mandat ait provoqué une indignation massive des citoyens frustrés par la corruption croissante du pays, son économie atone et son manque de liberté ».
Au cours de l’année écoulée, raconte le journal américain, le mouvement de protestation « sans tête » « connu sous le nom de Hirak » a réussi à « renverser Bouteflika et à emprisonner de grandes personnalités de son régime, dont plusieurs premiers ministres ». « Des manifestations de masse pacifiques se sont poursuivies à travers le pays chaque semaine, malgré la provocation et la répression du régime », note la même source.
« Le Hirak entre dans sa deuxième année avec un nouveau président, un nouveau Premier ministre, un nouveau président du Parlement, un nouveau cabinet et un nouveau chef d’état-major de l’armée. Mais le système politique algérien reste fondamentalement inchangé », relève le journal américain.
Le résultat le plus visible du Hirak a été le déracinement du «clan Bouteflika»
Selon le Washington Post, le résultat le plus visible du Hirak a été le déracinement du « clan Bouteflika ». « Après la démission de Bouteflika en avril, la poursuite des manifestations du Hirak a conduit à l’arrestation et à la poursuite du frère et conseiller de Bouteflika, de deux anciens premiers ministres, de deux anciens chefs des services de renseignement, d’éminents chefs d’entreprises affiliés à Bouteflika et d’un certain nombre de ministres et de hauts responsables des partis du Front de libération nationale (FLN) et du Rassemblement national démocratique (RND) », rappelle le journal.
« Au lendemain de la démission de Bouteflika, le chef de l’armée Ahmed Gaid Salah est devenu le visage le plus visible du régime, prononçant des discours publics hebdomadaires exposant la position du régime », rappelle encore le journal, soulignant que « les protestations de masse soutenues » critiquant directement le rôle de l’armée dans la politique – et la mort de Gaid Salah en décembre – ont incité son successeur (Said Chanegriha, NDLR) à sortir « l’armée de la scène et à élever la position politique du président nouvellement élu, Abdelmadjid Tebboune ».
« Les poursuites contre les personnalités du régime se sont limitées au clan Bouteflika »
Pour le journal US : « La retraite militaire dans les coulisses, où elle se trouvait sous Bouteflika, suggère un succès pour le mouvement. Mais l’armée reste le centre du pouvoir derrière une façade civile dirigée par Tebboune ».
« À ce jour, il n’y a eu aucun changement à la constitution, aucun changement significatif pour rendre le système électoral plus crédible, et aucun pouvoir du parlement ou du pouvoir judiciaire pour contraindre la présidence. Pendant ce temps, les poursuites contre les personnalités du régime se sont limitées au clan Bouteflika », relève encre le Washington Post.
« Jusqu’à présent, le régime algérien a survécu aux manifestations »
Jusqu’à présent, considère le journal américain, « le régime algérien a survécu aux manifestations en utilisant une combinaison de tactiques de division et de contrôle et de répression ciblée ». « Il a d’abord cherché à polariser les manifestants selon des critères ethniques en arrêtant des manifestants brandissant le drapeau amazigh. Lorsque cela a échoué, il a arrêté d’éminentes personnalités de l’opposition, ainsi que des centaines d’autres manifestants. Le régime a également poursuivi les élections présidentielles de décembre malgré son rejet public et tenté de coopter certains groupes d’opposition dans ce plan », note le même journal, qui estime que le nouveau président semble suivre la même politique de division et contenir les manifestants.
Selon le Washington Post : « il existe un écart de confiance important entre Tebboune et le Hirak – et des promesses similaires étaient un thème récurrent sous Bouteflika. Les manifestants sont susceptibles de considérer les concessions comme rien de plus qu’une tactique de blocage pour préserver le régime ».
« L’opposition algérienne n’a pas pu s’unir autour d’une feuille de route de transition alternative »
L’opposition algérienne n’a pas pu s’unir autour d’une feuille de route de transition alternative, estime le journal. « Bien qu’il y ait eu plusieurs tentatives de dialogue entre les dirigeants de l’opposition, celles-ci n’ont pas aidé à créer un bloc d’opposition unifié, et il n’est pas clair non plus à quel point ces dirigeants sont crédibles pour les manifestants », explique le Washington Post.
« L’absence d’une feuille de route alternative et l’incapacité de l’opposition établie à égaler les efforts du Hirak ont laissé le régime libre d’imposer sa propre voie pour mener à bien les élections présidentielles de décembre dernier », analyse le journal, qui estime que « jusqu’à présent, cette situation a permis au régime de survivre sans mettre en œuvre de réformes significatives. Sur la base de l’expérience de l’année dernière, il est probable que le Hirak remodèle également la scène de l’opposition en Algérie à l’avenir ».
Il y a eu peu de pression internationale
Selon le journal US, « le gouvernement algérien a également profité du manque de pression internationale soutenue pour réformer le système politique ». Il rappelle que le gouvernement américain a publié une déclaration publique en mars en faveur d’une « nouvelle voie à suivre [. . .] reflétant la volonté de tous les Algériens » mais s’est ensuite tue jusqu’aux élections de décembre, date à laquelle elle a félicité Tebboune tout en notant que les Algériens « ont exprimé leurs aspirations… dans les rues aussi. » Le journal note également que « la France et l’Union européenne ont à l’occasion fait des déclarations publiques sur l’Algérie en faveur du dialogue, mais n’ont pas non plus fait d’efforts concertés pour maintenir la pression diplomatique sur le gouvernement pour qu’il adopte des réformes ».
« Les médias étrangers ont largement cessé de couvrir le mouvement de protestation, limitant la pression sur le régime de la part des groupes transnationaux de base. Les déclarations étrangères les plus régulières proviennent de la Russie – qui a offert son soutien au nouveau gouvernement et espère des liens encore plus étroits entre les deux pays », explique le Washington Post.
« La résilience du Hirak indique que les Algériens ne sont pas prêts à renoncer à leurs revendications »
En fin, pour le journal US « la plus grande réussite du Hirak est peut-être sa mobilisation soutenue pendant plus d’un an malgré les tentatives du régime de diviser et de coopter le mouvement ».
« Des centaines de milliers d’Algériens à travers le pays continuent de descendre dans la rue chaque semaine, unis dans leurs demandes de changement systémique, de liberté et de dignité », relève la même source, estimant que « la résilience du Hirak indique que les Algériens ne sont pas prêts à renoncer à ces demandes. »
« Le Hirak a déjà été une expérience transformatrice pour le peuple algérien, dépassant les attentes de nombreux observateurs. Il devrait également façonner la politique algérienne au cours de sa deuxième année », conclut le Washington Post.