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Pr Youcef Bouabdallah : Le pays est dans « le rouge »

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L’économiste Youcef Bouabdallah a prévenu, ce mardi, que le pays se dirige vers une période d’austérité « sévère dans le très moyen terme », en raison, dit-il, du temps perdu depuis 2014.

Il estime que durant toute cette période, aucune mesure n’a été prise pour entreprendre des réformes structurelles de l’économie. « Nous sommes toujours dans l’attente, tétanisés, par cette échéance mauvaise qui arrive à grand pas, tout en espérant que le prix du pétrole viendra encore nous sauver », observe-t-il lors de son passage à la radio chaîne III.

« Le bilan est alarmant. Le ministre de l’Énergie a déclaré que 60% des réserves (en hydrocarbures) ont été épuisées. On se retrouve avec un pays qui a complètement raté son industrialisation ; alors qu’elle était le premier point de la stratégie des années 1960 et 1970, et qui a épuisé ses réserves. Si on continue comme cela, dans dix ans le pays sera un pays à genoux et très appauvri », alerte-t-il, indiquant qu’il y a « urgence de réformes ».

Le pays est dans « le rouge »

« Pour se réformer il faudrait obtenir un consensus avec l’ensemble des acteurs de la société. Jusque-là, le consensus qui a été obtenu avec facilité a été le consensus rentier, grâce à la large distribution de la rente pétrolière », fait-il remarquer.

Il souligne qu' »aujourd’hui, l’État est en panne sur le plan financier, ce qui signifie une panne générale puisque toute l’économie est dans le même état », et que le pays est « dans le rouge. »

« Il y a 4 ou 5 ans, j’ai soutenu qu’on était encore dans le vert, qu’on pouvait entreprendre des réformes. Or, jusqu’à aujourd’hui, aucune réforme n’a été entreprise », déplore-t-il.

« On a de tout temps été pauvre. C’était l’argent dont disposait la nation, soit sous forme de réserves de change soit dans le Fonds de régulation des recettes qui aveuglait les Algériens et ceux qui nous dirigent sur l’état réel de l’économie nationale. Notre économie s’est appauvrie depuis très longtemps alors qu’elle manifestait des apparences de richesses », explique le Pr Bouabdallah.

L’économiste Youcef Bouabdallah estime que le débat sur les hydrocarbures et les réserves de changes sont « deux éléments d’un faux débat ».

Selon lui « il faut passer à autre chose », notamment, « comment produire de la richesse sans le pétrole et les réserves de changes », expliquant que c’est là « le chantier dur, difficile, douloureux qui attend les prochains gouvernants et le peuple Algérien ».

Il faut dire « la vérité » aux Algériens

Pour y remédier à cette situation, l’économiste préconise d’abord de dire « la vérité » aux Algériens, rétablir les équilibres financiers à partir de cette vérité. « Je suis en train de penser au budget de l’État qui peut retrouver un équilibre en agissant un peu sur tous les soutiens que l’État apporte aujourd’hui à la société et à l’économie », dit-il.

Il rappelle à ce propos que le ministre des finances a expliqué devant l’APN : « si on baissait de moitié les transferts c’est l’équivalent du déficit budgétaire ». « Il y a un réservoir budgétaire qui est là, mais, pour cela, il faudrait développer une capacité régalienne, une capacité de puissance publique pour aller débusquer ces réserves et puiser dedans », estime-t-il.

Cependant, selon l’économiste « on ne peut pas le faire tout de suite », en raison de « l’ambiance électrique » actuelle marquée par le mouvement populaire. « Ce que je reproche est que malgré les conseils qui ont été donnés par les uns et les autres, les institutions internationales, le CNES, les intellectuels indépendants, … Rien n’a été fait dans ce sens jusqu’à maintenant », déplore le Pr Bouabdallah.

« Si on arrive à équilibrer le budget de l’État, la balance des paiements, elle, ne s’équilibrera pas », ajoute-t-il, estimant que c’est « la chose la plus difficile ». Car, selon lui, « il s’agit d’exporter, et exporter, ce n’est pas uniquement un problème de volonté, mais consiste d’abord à produire des produits acceptés et acceptables par les autres, c’est-à-dire les vendre ».

Il ajoute que c’est là « le vrai chantier qui consiste à diversifier l’économie nationale pour diversifier les recettes d’exportation et diminuer la vulnérabilité de l’économie nationale vis-à-vis de l’extérieur. » « Le vrai problème est là, il faudra y travailler et sérieusement. Et tant qu’on aura pas fait ça, on vivra la même récurrence, les mêmes problèmes. », prévient-il.

Les IDE ne sont pas le salut pour le pays

Le professeur rejette l’idée selon laquelle les Investissements directs étrangers (IDE) soient « le salut pour le pays ». « C’est naïf, Quand on regarde l’histoire des pays qui ont émergé : Chine, Corée du Sud, Japon, … on se rend compte que les IDE ont été bien encadrés par les politiques nationales. Les IDE ne viennent pas chez nous pour nous faire plaisir. Ils viennent pour faire du business, ce qui est tout à fait normal. À ceux qui les accueillent de le faire avec une stratégie de gagnant-gagnant. Nous ne sommes pas encore dans cette démarche », explique-t-il, ajoutant que les IDE vont « là où il y a réellement beaucoup de croissance et de la richesse à partager », ce qui n’est pas le cas de l’Algérie.

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