68L’ancien président du RCD, Said Sadi, s’est longuement exprimé sur la rencontre, à Sotchi, entre le chef d’État par intérim, Abdelkader Bensalah et le président russe Vladimir Poutine.
Dans une longue contribution publiée ce samedi sur sa page Facebook et intitulée » bons baisers de Russie », l’ancien leader du RCD a en effet indiqué que c’est un chef d’État virtuel chargé de protéger le pays des ingérences extérieures qui est allé à Sotchi rassurer le président russe sur la situation qui prévaut dans la province méridionale de l’empire des tsars.
Soulignant le déphasage géostratégique du pouvoir algérien, Said Sadi a rappelé que l’allégeance a été faite dans une réunion censée inviter les dirigeants du continent africain à se libérer des réflexes de soumissions hérités de l’ère post-coloniale.
Said Sadi a ironisé sur le ton de Bensalah venu « d’un pays sans loi ni pouvoir légal » et qui tentait boiteusement de rassurer le tsar du Kremlin en bredouillant cette phase qui marquera à jamais l’esprit des Algériens :
« Si j’ai demandé à vous rencontrer, c’est pour vous rassurer sur la situation en Algérie qui est maîtrisée. (…) Il y a quelques éléments qui sortent dans la rue pour brandir des slogans. »
Pour Said Sadi, comble d’ironie, la baliverne a été servie à un président qui se trouve avoir fait ses classes dans le KGB.
Une position russe qui a évolué
Les propos du chef d’État Bensalah ont suscité une légitime indignation en Algérie. Les Algériens ont préféré répondre par la dérision au sourire en coin de Poutine et à la baliverne de Bensalah.
« Nous savons que des événements très importants sont en cours en Algérie. Nous souhaitons sincèrement que le peuple algérien surmonte les difficultés de la période de transition. »
Pour said Sadi la réponse de Poutine ne laisse aucun doute sur « l’évolution de la position russe qui appuyait encore l’idée du scrutin présidentiel il y a à peine quelques semaines ».
La réponse de Poutine a résonné comme une claque dans les oreilles de Bensalah qui a dû se rendre compte qu’on est loin de la « situation maîtrisée « .
Pour le fondateur du RCD, Moscou s’aligne politiquement sur « Ottawa, Paris ou Berlin qui ignorent l’échéance du 12 décembre pour en appeler à la période de transition revendiquée dès le mois de février par les Algériens ».
Pour Said Sadi la deuxième claque reçue par Bensalah est cette fois diplomatique, expliquant que Poutine ne s’adressait pas aux dirigeants ni même à l’Algérie mais « au peuple algérien » ; c’est à dire aux « éléments qui sortent dans la rue pour brandir des slogans ».
Said Sadi voit dans le fait que le protocole a relégué l’ancien protégé de Moscou à l’extrémité gauche de la photo officielle une « suprême humiliation », lors de la séance de présentation rassemblant les chefs d’État africains.
L’ANP perd le soutien de Moscou
Said Sadi estime que « si le maître du Kremlin avait vu la moindre possibilité de réussite dans le choix électoral de l’armée algérienne, il s’y serait engouffré sans état d’âme ».
Il explique que « favoriser un régime historiquement proche qui plus est se trouve être un des principaux clients de son complexe militaro-industriel vaut bien quelques entorses à la transparence du vote et aux libertés publiques qui, de toutes façons, ne figurent pas au premier rang des préoccupations de Moscou ».
Pour Said Sadi, sucre Vladimir Poutine « a pris le risque d’éconduire son affidé de façon aussi cavalière », c’est parce que « désormais, la proximité avec des militaires conspués chaque jour est devenue trop encombrante ».
Said Sadi estime en outre que la réaction de Vladimir Poutine, délivrée dans un cénacle regroupant les grands pays africains était « un faire-part funéraire adressé à la communauté internationale ».
Pour l’ancien président du RCD, « l’ostentatoire prise de distance de Moscou marque un tournant dans la politique de fuite en avant de l’état-major de l’ANP qui a toujours considéré la couverture du Kremlin comme une assurance vie contre toute autre forme d’isolement diplomatique ou de pression politique ».
Toutefois, Said Sadi pense qu’il faut toujours demeurer prudent face aux stratégies du régime de Poutine. « Mais si ce désaveu n’était pas démenti par un spectaculaire volte-face dans les prochains jours, il ne manquera pas d’impacter la scène nationale à commencer par les appréhensions qu’il induira dans les rangs d’une institution militaire assurée d’un soutien sans faille de Moscou depuis 1962 ».
Le fondateur du RCD estime que « le retrait de confiance de Poutine occasionne une fragilité supplémentaire à l’état-major dans la mesure où son dernier et plus important protecteur exprime publiquement pour ne pas dire officiellement son doute quant à sa durée de vie et hésite sur la suite à donner à ce qui est bien perçu par toutes les grandes nations comme un cadavre politique ».
Said Sadi n’a par ailleurs pas manqué de saluer la position du commandant Bouregâa qui, honorant son combat d’hier, a refusé de reconnaître la justice d’un pouvoir illégitime.