L’ancien ministre de la communication, Abdelaziz Rahabi s’est exprimé, samedi, dans un entretien accordé au journal Le Monde, sur la situation politique en Algérie. Rahabi s’est dit inquiet de voir le pays mené vers un situation « d’ingouvernabilité », si la prochaine élection présidentielle est entachée d’un faible taux de participation, ce qui va affectera « la légitimité et la crédibilité » du prochain président.
Pour l’ancien ministre le pouvoir cherche à neutraliser le Hirak. « À défaut d’accompagner le Hirak, le pouvoir cherche à le neutraliser dans une tentative d’assurer la continuité du système Bouteflika », a-t-il déclaré.
Selon lui « le principe d’une élection n’est pas rejeté. Ce qui est rejeté, ce sont les conditions dans lesquelles elle va se dérouler. Or les conditions d’une élection régulière et transparente ne sont pas réunies », rappelant que « ce que nous demandons, c’est la mise en place de mesures de confiance et d’apaisement ».
« Je ne peux pas accepter que la presse subisse toutes ces formes de répression et de chantage. Je ne peux pas accepter que des jeunes aillent en prison pour avoir manifesté ou avoir porté un emblème amazigh. Je ne peux pas accepter que ce soit l’administration actuelle et le dernier gouvernement Bouteflika qui organisent les élections », a-t-il dit.
« La demande de démocratie en Algérie est endogène, ce n’est pas une greffe voulue par l’étranger. Le pouvoir a des réflexes sécuritaires en emprisonnant et en réduisant au silence les opposants et les médias, alors que la crise est politique. Et la solution est forcément politique », a expliqué Rahabi, estimant que « tout est possible » le 12 décembre prochain.
L’ancien ministre a prévenu sur le fait qu' »un faible taux de participation va entacher la légitimité et la crédibilité de celui qui sera élu. Un candidat élu dans ces conditions hypothèque forcément sa présidence. J’ai peur qu’on mette en place les conditions d’une ‘ingouvernabilité’ de l’Algérie ».
« Pour la première fois, nous envisageons de sortir d’un système non démocratique de façon pacifique »
En outre, Abdelaziz Rahabi a affirmé que, « il faut que nos dirigeants admettent que le système actuel a fait son temps », estimant que, l’Algérie a, pour la première fois, l’opportunité d’une transition démocratique pacifique.
« Le Hirak [mouvement populaire] a surpris tout le monde. Par sa cohérence, par son caractère massif, national, pacifique. Ce n’est pas l’expression d’un ras-le-bol du système Bouteflika, c’est l’expression de l’accumulation de toutes les frustrations politiques et des aspirations à la justice sociale depuis des décennies. Le peuple s’est réapproprié l’espace public et politique. Ce mouvement transcende les idéologies, il veut rompre avec le système autoritaire, la corruption, c’est ce qui fait son caractère éminemment politique », a-t-il expliqué.
« C’est aussi une opportunité historique dans un pays qui procède et n’avance que par ruptures violentes (…) », a-t-il dit, estimant que « pour la première fois, nous envisageons de sortir d’un système non démocratique de façon pacifique. C’est une immense avancée. Une sorte de coup d’Etat civil, un coup d’Etat de la société contre ses propres institutions, incapables de se réformer, de se mettre en rapport avec le temps réel. »