L’église catholique d’Algérie s’est exprimée pour la première fois sur le mouvement populaire en cours depuis le 22 février dernier. Par la voix de l’évêque d’Oran, Mgr Jean-Paul Vesco, l’église catholique en Algérie a estimé que «ce qui sortira de cette confrontation sera bon pour l’Algérie», et qu’à l’origine du mouvement c’est «la dignité qui est touchée».
Mgr Jean-Paul Vesco qui a dit ne pas crainte à une nouvelle vague de violence contre l’église en Algérie, comme c’était le cas durant la décennie noire. «Non. Je n’ai aucune crainte à ce sujet. A l’heure actuelle et telle que le mouvement se déroule, je suis confiant car il me semble que le peuple exprime une profonde et sincère aspiration à un changement et qu’il saura repousser toutes les éventuelles tentatives de récupération».
«Je ne sais pas comment cela se traduira sur le plan politique, mais ce dont je suis sûr, c’est que ce qui sera bon pour l’Algérie sera bon pour l’Eglise. Et j’ai la conviction que ce qui sortira de cette confrontation sera bon pour l’Algérie. A défaut de participer pas aux marches, je prie pour l’Algérie, ses habitants et ses dirigeants, et je suis plein d’espérance», a-t-il déclaré, dans un entretien accordé, mardi dernier, au portail catholique suisse «cath.ch».
«C’est la dignité qui a été touchée»
L’évêque d’Oran a expliqué que, l’origine de la révolte du peuple algérien n’est nullement économique, mais «c’est la dignité qui a été touchée». «Ce n’est pas tant la personne du président Bouteflika en elle-même que le fait de devoir voter pour un candidat trop manifestement dans l’incapacité physique d’assumer une fonction présidentielle qui a blessé la dignité des Algériens. Il n’y a pas seulement des jeunes qui manifestent, mais également des personnes âgées, des mères de famille, des avocats, des magistrats… Nous sommes au-delà de la question économique. Ce n’est pas une révolte qu’on peut éteindre en achetant la paix», a-t-il indiqué.
«Le mouvement actuel est celui d’un peuple qui veut prendre son destin en mains»
«Je peux témoigner que le mouvement actuel est celui d’un peuple qui veut prendre son destin en mains. Je vois autour de moi, à travers les gens qui y participent qu’il s’agit d’un mouvement pacifique, familial, déterminé. Il refuse les incitations à la violence. Il refuse aussi de se laisser effrayer par les menaces de retour à la guerre civile ou les tentatives de récupération par des partis politiques. A ce sujet, il est intéressant d’écouter le vocabulaire utilisé: les personnes ne sortent pas pour manifester mais pour marcher, et dans leur appel à une seconde république, on peut entendre un désir profond d’une réappropriation de l’espérance née de l’indépendance», a estimé, Mgr Jean-Paul Vesco.
Il a affirmé que la démission de Bouteflika est «une première victoire et je doute qu’elle marque le terme de la marche d’un peuple qui fait preuve d’une réelle maturité politique».
En outre, Mgr Jean-Paul Vesco a souligné la position de l’église quant à la politique, tout en affirmant qu’elle peut participer à la promotion de la société civile. «Bien que considérée comme une entité étrangère, même si elle fait partie de l’histoire de l’Algérie indépendante, l’Eglise catholique a à cœur de participer à la promotion d’une société civile qui assume pleinement sa vocation à la citoyenneté. Mais dès lors qu’il est question de l’avenir politique du pays, l’Eglise en tant qu’institution ne se sent pas légitime à prendre position. Pourquoi? Le champ politique est un espace sacré qui ne peut être foulé que par les Algériens eux-mêmes», a-t-il expliqué.