La promesse de Bouteflika de quitter définitivement le pouvoir avant le 28 avril prochain n’a pas calmé l’ardeur des manifestants qui réclament de tourner le plus rapidement possible la page de cette sinistre épreuve, qu’il fut contraint de supporter vingt années durant.
Ils passeront les dix prochains jours à manifester en gardant intact leur pacifisme, mais aussi et surtout, leurs fermes revendications toutes axées sur la fin du régime, l’éviction définitive de son personnel corrompu et l’avènement d’une nouvelle république dont ils forgeront la constitution et éliront eux mêmes leurs élites.
Leur feuille de route est claire : exiger le départ sans condition de Bouteflika et son clan et organiser soi même la transition jusqu’au prochain scrutin présidentiel. Les organes et le calendrier de cette transition émaneront d’eux et seulement d’eux.
Il n’est surtout pas question que Bouteflika démissionnaire délègue un intérimaire pour diriger le pays (le président du sénat), ni un superviseur (le président du conseil constitutionnel) et, encore moins, un exécutif (le gouvernement Bédoui) tous à ses ordres, pour conduire la transition selon les orientations du clan honnis, à juste raison, par le peuple algérien.
Les manifestants sont convaincus qu’ils ne sont pas loin d’atteindre l’objectif de leur pleine souveraineté sur la conduite et planification de l’avenir politique de leur pays meurtri par vingt années de gabegie et de prédations tous azimuts.
La manifestation de vendredi 5 avril qui promet de battre tous les records de participation et la grève nationale du mercredi 10 avril décidée par une confédération de treize syndicats autonomes comptant plus de quatre millions d’adhérents devraient dissuader le clan présidentiel et celui du haut commandement militaire à cesser de jouer à l’intrigue au détriment d’un peuple en colère, mais qui a tout de même réussi à rester pacifique six semaines durant.
Mais tous les observateurs sont aujourd’hui convaincus que si le clan Bouteflika et l’armée ne consentent pas à satisfaire au-delà du 10 avril prochain, le désir d’autonomie du mouvement citoyen, ce dernier ira crescendo ou peut être même brusquement vers une redoutable radicalisation qui pourrait même tourner à la violence.
Il est donc temps pour les deux camps d’éviter ce dangereux « changement de logiciel », en donnant aux manifestants des signaux forts. Convaincus qu’ils sont déjà parvenus à mettre hors d’état de nuire le clan des partis de l’alliance présidentielle (FLN,RND,MPA,TAJ) qui ont pratiquement disparu du paysage politique algérien et celui des oligarques en pleine déconfiture à cause des poursuites judiciaires qui les attendent, les manifestants sont persuadés qu’ils auront, à force de se mobilisation citoyenne, les têtes du clan présidentiel et de certains hauts dirigeants qui polluent l’image très honorable de l’armée.
Les signaux les plus forts qu’affirment attendre les manifestants que nous avions interrogés à l’occasion de la manifestation algéroise du vendredi 29 mars, se déclinent en ces quelques revendications à satisfaire de toute urgence : démission sans condition de Bouteflika, dissolution du gouvernement Bedoui, poursuites judiciaires immédiates contre les membres les plus « toxiques » du clan Bouteflika et de l’alliance présidentielle selon la même procédure que celle que subissent les oligarques corrompus, prendre des mesures pour éviter les fuites de capitaux et laisser au « Hirak » la liberté d’élire sa direction politique qui sera chargée de la transition jusqu’au prochain scrutin.
C’est vers ce tournant décisif en faveur de la volonté populaire que sont certains de s’acheminer les manifestants, à l’aune de leurs toutes prochaines sorties (les 5 et 10 avril). Persuadés de par sa puissance gigantesque (plus de 20 millions de manifestants à travers le territoire national), que l’insurrection populaire ne subira jamais de répression policière et, encore moins militaire, les insurgés sont plus que jamais convaincus que leur mouvement connaitra, à très brève échéance, un heureux dénouement par la satisfaction d’une de ses plus fortes revendications, consistant à éloigner définitivement Bouteflika et son clan de toutes intrigues et décisions, susceptibles d’influer sur le destin politique du peuple algérien. Les dix prochains jours seront donc déterminants pour le « Hirak ».