Les algériens qui souhaitaient que leur mouvement de contestation soit rapidement pris en charge par une représentation forte et crédible, ont reçu depuis hier les premières propositions. Deux collectifs viennent en effet de naître. Le premier constitué d’acteurs de la société civile, le second collectif est constitué d’élites nationales et de chefs de partis d’opposition.
Dans le premier collectif on trouve une dizaine de syndicats autonomes, des ligues des droits de l’homme, des organisations du mouvement féminin ainsi que diverses associations militantes.
Ce collectif qui ratisse large auprès de la fonction publique, des secteurs de l’éducation et de l’enseignement supérieur ainsi que dans une multitude de corporations professionnelles, peut mobiliser sur un simple appel des dizaines de milliers de personnes.
Il peut de ce fait constituer un solide rempart contre d’éventuels coups de forces du pouvoir. Il est par conséquent celui qui pourrait avoir le plus d’audience auprès des manifestants algériens, en quête de porte parole fort et crédible qui aura à charge de gérer la transition juste, après la fin du mandat du président sortant.
Une transition qui sera gérée par une instance collégiale incarnant l’Etat algérien, intitulé Haut Comité de Transition (HCT). Ce dernier installera dès son officialisation un gouvernement National de Transition (GNT) formé de personnalités consensuelles et crédibles pour gérer la période de transition dans les délais fixés par le HCT.
Dans le contenu de la plate forme de ce collectif il est également question d’une constituante à mettre en place dans les meilleures conditions de représentativité et de compétence possibles, à l’effet de rédiger la nouvelle Constitution algérienne qui actera la naissance de cette deuxième république, à laquelle ont appelés les millions de manifestants qui défilent pacifiquement dans les rues des villes algériennes depuis bientôt quatre semaines.
Le deuxième collectif qui, à l’évidence, a beaucoup moins de « troupes », est formé d’élites issues du monde politique, notamment, les partis d’opposition. Certains d’entre elles, à l’instar de Zoubida Assoul, Mostefa Bouchachi, Karim Tabou et Ali Benouari ont une audience indéniable auprès de nombreux algériens.
La présence de deux haut responsables de l’ex FIS, Kamel Guemazi et Mourad Dhina ont toutefois jeté le trouble chez de très nombreux algériens, d’autant plus qu’aucune explication n’a été fournie à propos de la raison de ce choix bien étrange aux yeux des algériens traumatisés par la décennie noire.
Ce collectif démarre également avec gros « bug » susceptible de le torpiller avant même qu’il n’ait une existence officielle. Il s’agit, on l’a compris, de la défection de deux figures de proue du mouvement citoyen, maître Mostapha Bouchachi et Zoubida Assoul en l’occurrence, qui ont déclaré à la presse n’avoir jamais signés de plate forme, ni adhéré à cette coordination.
Des propos de nature à jeter la suspicion sur la nature des auteurs et la manière pour le moins suspecte de dresser la liste des membres de cette très attendues coordination appelée à gérer la transition de l’après Bouteflika.
Le nombre de collectifs ne s’arrêtera sans doute pas à ces deux entités puisqu’on apprend de source sûre qu’une troisième organisation privilégiant une transition sous la coordination de l’armée verra très prochainement le jour, à l’initiative d’un mouvement politique installé en France, le Front des Forces Vives en l’occurrence.
Sa démarche consiste à suivre l’exemple du Haut Comité d’Etat (HCE) constitué au lendemain de la démission du président Chadli Bendjedid, à l’effet de diriger la transition jusqu’à l’élection qui avait porté Liamine Zéroual au pouvoir.
Ce Haut comité sera constitué de quatre à cinq personnalités nationales bénéficiant de la caution de l’état major de l’armée. Son président disposera de toutes les prérogatives d’un chef d’Etat durant toute la période de transition qui sera la plus courte possible. Il veillera à ce que toutes les institutions de pays placées sous l’autorité provisoire de technocrates, fonctionnent correctement.
Ce Haut comité épaulé par l’état major de l’armée mettra rapidement au travail toutes les institutions publiques à l’effet de préparer les meilleures conditions au prochain scrutin présidentiel en les attelant, notamment, à la rédaction d’une nouvelle constitution, à la mise à plat du fichier électoral et à la création d’une commission indépendante de surveillance des élections. La composition de ce collectif et les détails de sa feuille de route seront communiqués par voie de presse et de réseaux sociaux, dans les tout prochains jours à venir, selon le leader du Front des Forces Vives, monsieur Mohamed Elias Rahmani.
C’est ce dernier scénario d’une transition ayant la bénédiction du commandement militaire qui paraît aujourd’hui la plus plausible, au regard des déclarations bienveillantes à l’égard des manifestants réitérées par le Vice ministre de la Défense nationale et Chef d’état major des armées, Gaid Salah.
L’armée commençant en effet à montrer des signes d’agacement à l’égard du soutien insensé qu’elle a apporté à un président dont l’âge très avancé et la maladie invalidante sont réprouvés par les opinions nationales et étrangères, il est tout à fait probable que ce soutien lui soit retiré des l’expiration de son mandat présidentiel le 27 avril prochain.
Comme elle l’avait déjà fait au lendemain de la démission du président Chadli Bendjedid le 11 janvier 1992, tout porte à croire que la haute hiérarchie militaire confiera la gestion de la transition à un Haut Comité d’Etat dirigé par quatre ou cinq personnalités nationales, qui, non seulement, assurera la continuité de l’Etat, mais aussi et surtout, se verra confier l’élaboration d’une nouvelle constitution immédiatement suivie de l’organisation du prochain scrutin présidentiel.