Inaugurée en juin 1999 par le président du Sénat et, non pas comme il était convenu par le chef de l’Etat, la Bourse d’Alger traîne aujourd’hui encore les stigmates de l’enfant non désiré. Le président Bouteflika qui venait d’être élu avait, sans doute à juste raison, pensé que cette institution ne bénéficiait, ni des conditions matérielles nécessaires à un bon démarrage, ni d’un environnement économique à même de garantir son expansion et sa pérennité. La Bourse en question n’avait effectivement en portefeuilles que quatre entreprises publiques économiques (Eriad-Setif, Saidal, l’EGH El Aurassi et l’emprunt obligataire Sonatrach arrivé à terme). Pour diverses raisons le titre Eriad Sétif et l’emprunt de la Sonatrach ne tarderont pas à disparaître laissant la bourse d’Alger fonctionner plusieurs années durant avec seulement deux entreprises publiques en portefeuilles (Saidal et EGH El Aurassi). Cette longue traversée du désert soumettra à rude épreuve cette institution qui connaîtra une valse de directeurs et le départ de ses meilleurs cadres couteusement formés dans de bonnes écoles étrangères. Suspendue au bon vouloir du gouvernement qui, seul, pouvait décider des entreprises publiques à introduire en bourse, la Bourse d’Alger ne recevra, plusieurs années durant, aucun ordre de sa part, hormis le projet de cotation d’une cimenterie publique (Cimenterie de Ain Kebira) qui sera, du reste vite, remis en cause. Les listes d’EPE concoctées dans les arcanes des ministères n’arriveront jamais à la Cosob et ne seront, par conséquent, jamais suivies d’effets.
Les entreprises privées ne se bousculeront pas, non plus, au portillon de la bourse d’Alger. Seules trois d’entre elles (Biopharm, Alliance Assurances et NCA-Rouiba) feront le pas. Il n’y en a pas eu d’autres à ce jour.
Ce portefeuilles trop maigre d’entreprises cotées bourse en l’espace de quinze années et l’absence totale de perspectives en matière d’introduction de nouvelles sociétés, ont remis au goût du jour un débat qui avait, on s’en souvient, défrayé la chronique quelque temps avant le lancement de cette institution boursière sur laquelle, faut-il le rappeler, les hommes d’affaires avaient fondé beaucoup d’espoir. On réentend effectivement certains responsables dire que la Bourse d’Alger n’aurait jamais dû être lancée dans des conditions aussi défavorables. La véritable assise des marchés financiers étant constituée par les marchés obligataires et hypothécaires, il aurait fallu, commencer par la création de ces derniers. La bourse suivra, en sont-ils convaincus !!
Le mal étant fait et les résultats étant ce qu’ils sont, la question qu’il faut aujourd’hui se poser est celle de l’avenir de la Bourse d’Alger ? Que faire pour garantir la pérennité de cette institution qui symbolise l’économie de marché et qui, de surcroît, dispose aujourd’hui d’un bon encadrement? Les réponses étant évidement réservées aux pouvoirs publics concernés, puisque la Bourse d’Alger a le statut d’entreprise publique économique, on se contentera seulement de suggérer quelques pistes de réflexions.
On peut évidemment suggérer que le gouvernement, dans un geste volontariste, décide d’introduire plusieurs EPE en bourse à l’effet d’assurer à l’institution boursière une masse critique suffisante qui lui permettra de fonctionner correctement avec l’assurance de pouvoir s’équiper et de payer régulièrement ses salariés. Mais où trouver ces entreprises qui réunissent les conditions d’accès à la Bourse (3 années successives de bénéfices, transparence des comptes, avis favorable de la Cosob etc.) ? Les EPE qui réunissent ces critères sont effectivement très rares, mais avec de la bonne volonté on peut dénicher une dizaine qui ont de bonnes chances d’être cotées en bourses.
On peut également suggérer de créer à côté du marché des actions qui constitue la raison d’être de la bourse, un volet obligataire dont les emprunts par émissions d’obligations, seraient l’objet. Là aussi le gouvernement pourrait inciter les entreprises publiques économiques à utiliser ce mode de financement à moyen et long terme au lieu et place des traditionnels emprunts bancaires. Nous sommes convaincus qu’un encouragement des pouvoirs publics pourrait orienter bon nombre d’entre elles vers cette voie.
Bien que sa mise en œuvre soit plus problématique nous pouvons enfin suggérer que le gouvernement algérien prenne attache avec les autorités du Maroc et de la Tunisie qui disposent de Bourses qui subissent des difficultés à peu près semblables à celles de la Bourse d’Alger, de coopérer plus étroitement entre elles pour bénéficier d’avantages multiformes, sans devoir abandonner leur identité nationale et leurs raisons sociales. Grâce aux nouvelles technologies de l’information il sera, nous en sommes convaincus, possible de fédérer ces trois marchés boursiers en une seule zone d’investissement, dont pourraient tirer profits toutes les entreprises et hommes d’affaires du Maghreb. Dans une de ses contributions à l’ouvrage du professeur Abdelatif Benachenhou « Du budget au Marché » le président du bureau de Conseil Strategica monsieur Lachemi Siagh, semble nous donner raison écrivait à juste titre que « l’harmonisation des trois bourses du Maghreb leur conférerait la masse critique qui fait défaut à chacune des bourses, accroîtrait la liquidité, permettrait un accès plus facile et plus efficient aux investisseurs étrangers, accèlererait les fusions et les acquisitions de part et d’autre des frontières, menant ainsi à une véritable intégration économie.