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Mourad El Besseghi, expert financier : « Entre le FMI et les positions prises par l’Algérie sur la politique économique du pays, rien ne va plus »

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Dans cet entretien, l’expert financier MEl Besseghi réagit au dernier rapport du FMI sur la politique économique de l’Algérie. Pour lui, le pessimisme de cette institution sur l’économie Algérienne n’est pas nouveau, puisque, les prévisions de croissance du FMI pour l’Algérie en 2017 et 2018 avaient été jugées très « inquiétantes ».

Algérie-Eco : Le rapport du FMI démontre que la démarche annoncée par le gouvernement, algérien qui repose principalement sur le recours à la planche à billets dans le but de financer le déficit budgétaire, va bien conduire à un redressement de la croissance à court terme qui devrait atteindre près de 3% cette année après avoir baissé, le chiffre est inédit, à 1,6 % l’année dernière. Quel commentaire faites-vous dans ce sens?

MEl Besseghi : Entre le fonds monétaire international (FMI) et les positions prises par l’Algérie sur la politique économique du pays, rien ne va plus.

Le recours à la planche à billet, modèle adopté par l’Algérie  pour faire face à la crise de liquidité et au déficit budgétaire causé par la baisse du brut ces dernières années, est la principale pomme de discorde. Pour l’institution de Bretton Woods, il s’agit d’une solution à court terme qui accorde un répit à l’économie mais dont les conséquences pour les prochaines années sont catastrophiques. Tel un dopage à forte dose, le recours abusif à la planche à billet va soulager immédiatement le système financier mais les tensions inflationnistes qu’il va générer par la longue sont lourdes, avec en prime le risque de la dépendance, de l’apathie et de la passivité.   

Le pessimisme de cette institution sur l’économie Algérienne n’est pas nouveau, puisque, les prévisions de croissance du FMI pour l’Algérie en 2017 et 2018 avaient été jugées très « inquiétantes » et estimées à 1,6% en 2017 et à moins de 1% pour 2018, avec une hausse importante du taux de chômage. La révision de ces taux de croissance est intervenue à fin octobre 2017, pour les ramener à des niveaux plus proches des taux officiels.

Il est vrai que l’Algérie est souveraine dans ses décisions et ses choix. Le recours à l’endettement interne a été une option retenue contre vents et marrés. Les risques existent dans la mesure où il y a un recours abusif à ce procédé et que les réformes structurelles et budgétaires annoncées ne sont pas engagées.

Pour le FMI, malheureusement la suite des événements sera beaucoup moins favorable. La croissance va ralentir très fortement dès 2020 en provoquant une augmentation du taux de chômage. Etes-vous de cet avis?

Si le taux de croissance sera maintenu à 3% pour 2018, sous l’effet du dopage de la planche à billet, il en n’en sera pas de même pour les exercices 2019 et suivants. Il est évident que les conséquences seront importantes et on assistera à une baisse de la consommation, une dégradation de la production, un amoindrissement des réserves de change et une envolée du taux de chômage.

A moins que les cours du brut ne connaissent un raffermissement, ce qui n’est pas évident avec les tendances actuelles des prix et les prévisions du marché international des hydrocarbures.

Selon le FMI, cette stratégie risque notamment d’attiser les tensions inflationnistes. II explique : « L’augmentation de la liquidité va stimuler la demande, ce qui se traduira par une hausse des prix à court terme en raison de l’insuffisance de l’offre intérieure et des possibilités d’épargne. Quel commentaire faites-vous dans ce sens?

C’est le schéma classique, il y a création monétaire, sans contrepartie et sans valeur ajoutée additive et donc apparition de tension inflationniste. Outre l’augmentation de la demande, et   la raréfaction de l’offre, une inflation galopante va s’installer avec son impact sur le porte-monnaie du citoyen lambda.

Selon les experts de cette institution, si l’Algérie persiste dans cette voie, autrement dit si nous continuerons d’actionnons la planche à billet sans mettre en place des réformes structurelles, nous allons tout droit vers l’impasse.

Tout porte à croire que le niveau global des titres émis par le trésor et acheté par la Banque d’Algérie pour actionner la planche à billet et couvrir les besoins de financement du Trésor, au financement de la dette publique interne et au Fonds National d’Investissement, avoisinerait les 3.200 milliards de dinars à fin 2018, soit l’équivalent de 23% du PIB.

Les coupes dans le budget annoncées en grande pompe par le gouvernement au nom de la rationalité budgétaire et la rigueur dans la gestion ne pourraient être concrétisées de façon soutenable et en conséquence il ne faudrait pas s’attendre à un effet long terme sur la réduction des dépenses.

Le FMI recommande également un recours limité à l’endettement extérieur pour le financement de certains projets d’investissements. Qu’en pensez-vous?

C’est la thèse du FMI qui estime que le recours à l’emprunt externe pour le financement de grands projets est de nature à générer des effets bénéfiques sur l’appareil économique et ralentir la dégradation des réserves de change. 

Mais, l’Algérie a eu à s’endetter en recourant au financement externe, pendant des années durant lesquelles sa solvabilité a été très sensiblement affectée. Elle a vécu ces épisodes dans sa chair et n’est pas prête à revivre cette expérience, à moins que cela ne soit l’unique alternative.

En fait, nous estimons que les positions dogmatiques et exclusives ne sont pas de nature à prendre en charge l’ensemble des préoccupations. Le recours à la planche à billet présente ses avantages et ses inconvénients et l’emprunt externe à ses vertus et ses contrariétés. Il y a des crédits qui sont accordés sur le marché financier international qui présentent beaucoup d’avantages et les opportunités à saisir seraient plutôt profitables.

Mais dans tous les cas, il est certain que quels que soient les types de financement retenus, y compris les ventes d’actifs des entreprises publiques et le partenariat public-privé, ils seraient de nul effet sur la machine économique et sans résultats à termes, s’ils ne sont pas injectés dans la sphère de production et s’ils ne sont pas accompagnées de réformes structurelles.

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