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Le curieux régime fiscal des assembleurs Automobiles

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Le régime fiscal théorique des assembleurs Automobiles, est celui réservé aux investissements bénéficiant des avantages prévus en matière d’encouragement à l’investissement, aussi bien par les codes fiscaux, que celui des investissements.

Contribution de Mr Ferhat Ait Ali, Expert financier

Or au niveau de l’ANDI, on trouve ce curieux dispositif, dont le dernier alinéa de la phase deux laisse perplexe à bien des égards.

1-Phase de réalisation : 

  • Tous les avantages communs de réalisation ;
  • octroi, conformément à la législation en vigueur, d’exonérations ou réduction de droits de douanes, impôts, taxes et toutes autres impositions à caractère fiscal, de subventions, aides ou soutiens financiers, ainsi que toutes facilités susceptibles d’être consenties,
  • Possibilité, après accord du Conseil National de l’Investissement (CNI), de transfert des avantages de réalisation aux contractants de l’investisseur bénéficiaire, chargés de la réalisation de l’investissement, pour le compte de ce dernier.

 2- Phase d’exploitation :

  • allongement pour une période pouvant aller jusqu’à dix (10) ans, de la durée des avantages communs d’exploitation,
  • Octroi du régime d’achats en franchise pour les biens et matières entrant dans la production des biens bénéficiant de l’exemption de la taxe sur la valeur ajoutée,
  • Octroi pour une période qui ne peut excéder 5 ans, d’exemptions ou réductions des droits, impôts et taxes y compris la TVA appliquée aux prix des biens produits entrant dans le cadre des activités industrielles naissantes.

Au delà des avantages consentis au titre de l’investissement lui-même, nous pouvons constater des avantages d’exploitation qui en font un véritable free shop, dont les avantages vont au delà même des régimes d’extraterritorialité, et des paradis fiscaux les plus permissifs de la planète.

Ce curieux régime étant bien sur laissé à l’appréciation du CNI quant aux bénéficiaires et aux modalités, délais et  proportions des réductions accordées manifestement à la tête du client.

Vu sous cet angle, il est tout à fait normal que des parties diverses se bousculent au portillon pour de faux investissements, et un régime qui fait de la qualité de concessionnaire une activité peu lucrative au regard de ce nouveau déguisement.

Ainsi, nous pouvons constater que la TVA sur le produit final, normalement imputable au consommateur, peut être éliminée pour ces produits, sur décision du CNI, et non en régime général.

Aucun autre produit ni activité y compris l’agriculture et la pêche à taux d’intégration maximal et parfois de 100%, n’a jamais bénéficié de cette mansuétude gouvernementale, ciblée et réservée à quelque heureux lauréats tirés d’un chapeau de magicien à pouvoir discrétionnaire plus étendu que la loi, et la constitution qui établit pourtant l’égalité des citoyens devant la loi et l’impôt.

Au nom d’une supposée activité industrielle naissante, qui n’en est et n’en sera jamais une, on peut octroyer des franchises de TVA sur cinq ans, sans que cela ne soit clairement transcrit dans le code de la TVA, qui lui cerne l’intégralité des produits exonérés, en son article 8, sans citer aucunement aucun des produits entrant dans le cadre de cette fameuse activité.

La liste affichée par la DGI sur son site, ne cite que les véhicules acquis dans le cadre d’une licence d’invalidité de la guerre de libération nationale  ou donnant droit à une pension comme certains grands blessés de l’armée.

En aucun cas, cette exonération qui n’est portée sur aucun code fiscal ni loi de finances, ne peut être accordée au prorata temporis comme avantage consenti à un produit sur d’une période donnée, et doit de ce fait faire l’objet d’une franchise, inhérente à l’acquéreur final, dument muni d’une attestation à cet effet.

Mais il n’empêche que je ne sais sur quelle instruction ou texte juridique hors loi de finance, quelqu’un a décidé sur instruction d’exonérer non pas des produits, mais des parties activant dans un créneau juteux préalablement choisies par lui-même, pour exonérer leurs produits en amont et en aval.

Le code de l’investissement promulgué par la loi 09-16 du  03 Aout 2016, étant assez opaque sur sa lecture ne prévoit pas la TVA, comme étant un des impôts pouvant faire l’objet d’une exemption ou réduction au titre des activités favorisées par l’état, en ses articles 17 et 18, ce dernier en son alinéa B, citant même la conformité avec la législation en vigueur comme préalable à l’extension des avantages fiscaux en question.

Or en la matière la Législation en vigueur, est entièrement consignée dans le code de la TVA et celui des impôts directs.

Les décrets d’application de ce texte ambigu, dénommé code des investissements, ne parlent pas plus de cette fameuse exemption de TVA, notamment dans le seul décret relatif aux avantages en question, et c’est le décret 17-101 du 05 Mars 2017.

de ce fait la question juridique qui se pose d’elle-même, c’est d’où sort la phrase fatidique  » Y compris la TVA », qu’on trouve dans les textes de l’ANDI?

Cette Liberté avec les textes de loi, qui permet aux mêmes parties de légiférer par textes inferieurs et  même par instructions, sous couvert de textes d’application et de voie réglementaire pour parachever les textes légaux, a été elle-même outrepassée dans ses outrances, par adjonction d’une formule qui ne figure dans aucune instruction publique ou missive signée par une quelconque autorité.

Il est évident, qu’on ne peut parler de climat d’investissement, ni de cadre juridique sain, et encore moins d’attractivité objective dans un pays à la législation aussi opaque, élastique et cryptée que le notre.

Mais les incidences négatives de cet avantage octroyé à une industrie dite naissante, qui n’en est pas une dans les faits, s’étendent à d’autres points que le volet juridique piétiné en long et en large dans cette affaire.

La première question qui vient à l’esprit, est l’incidence de cette fameuse mesure introduite en catimini, sur les Bénéficiaires de la Licence d’invalide de la guerre de Libération Nationale, qui eux ne peuvent strictement bénéficier d’aucune réduction selon cette formule, qui de facto a transformé tout le pays en moudjahidines potentiels, du moins pour l’acquisition d’un véhicule, et théoriquement bien sur, comme nous le verrons plus loin sur chiffres.

Ainsi, cette licence devient sans objet, auprès de nos assembleurs locaux, et oblige de facto ses détenteurs à aller acheter leur véhicule ailleurs qu’en Algérie, s’ils veulent bénéficier d’une franchise de TVA effective qui rend leur véhicule moins cher en terme de droits et taxes, et pour se faire avoir recours au marché noir de la devise.

Sinon, ils auront le mêmes véhicule au même prix que tout le monde, du moment qu’il n y ni douanes ni TVA à récupérer dessus auprès de nos free shop.

L’incidence Fiscale pour le trésor public.

Sur la base des chiffres des douanes de 2017, qui parlent de 1,8 Milliard de dollars d’importations de Kits touchés par cette mesure de générosité unique au monde, ou personne n’a osé aller jusqu’à la TVA pour encourager un produit local effectif, et pas fictif comme chez nous.

On peut conclure que si nous estimons la valeur ajoutée locale à seulement 20%, nous aurons eu un chiffre de 248 Milliards de dinars de ventes exonérées de TVA, rien que pour cet exercice d’essai avec juste quatre operateurs sur le terrain, et probablement 400 Milliards de dinars théoriques si on les laisse aller de l’avant avec cinq ou six operateurs en lice pour le touristique et le reste pour le commercial.

Ainsi, tout ce beau monde aura empêché l’état d’engranger 48 Milliards de dinars de TVA au titre de 2017, dans un pays qui a imprimé pour terminer l’année, et dont le rendement global de la TAP dans tout le pays est de 55 Milliards de dinars.

Cinq operateurs, se sont ainsi partagé 47 Milliards de dinars de fiscalité non versée au trésor, en la relevant quand même sur les clients finaux, mais sans la signaler dans leurs factures qui ne montrent nullement que le produit est vendu en hors taxes ou avec TVA détaillée sur facture.

Je dis bien les operateurs en question, parce que la fameuse liste du ministère de l’industrie avec les prix sortie d’usine, censés inclure toutes les charges et les marges, hors TVA bien sur.

Les prix sont très éloignés de ceux pratiqués en 2017, par les différents operateurs,  même si la marge de distribution est non comprise, et que celle-ci ne saurait excéder les 15% du prix sortie d’usine, pour cause de charges minimales et aussi du fait que les operateurs sont eux même  assembleurs , concessionnaires et même revendeurs à la sauvette pour certains.

Parce qu’il est difficile d’expliquer comment un véhicule déclaré sorti d’usine à 3,6 Millions de dinars, a été vendu à 5,1 et 5,3 Millions de dinars, par ses assembleurs, avec une marge commerciale de 1,5 et de 1,7 Million de dinars par unité, alors qu’un autre censé être sorti d’usine au prix de 2,4 Millions se retrouve sur le marché à 3,5 Millions de dinars.

Certains ne se sont pas du tout cassé la tête, ils ont directement intégré le différentiel induit pas la franchise de TVA, dans le prix sortie d’usine, en  comptant un engin qui fait dans les marché européens le plus chers en TTC 35000 euros chez le revendeur final, l’équivalent de 367000 dirhams soit 4,6 Millions de nos dinars, à 4,9 Millions de dinars sorti d’usine Hors TVA , qui est elle de 20% au Maroc, et qui défalquée des couts ramène ce véhicule à 3,8 Millions de nos dinars, toutes marges commerciales confondues, alors que celui-ci est cédé localement à 4,5 Millions de dinars Hors TVA, et manifestement déclaré en KIT CKD à environ 40.000 Dollars, si on estime que les charges et marges de production sont de 10%, ou à 33200 Dollars si on exagère le tout à 20%.

Pour ce qui est des charges de cette curieuse variété d’industrie naissante, on peut compter, le transit, le transport sur site, à raison de 50.000 dinars les Quatre véhicules,  et les salaires, à raison de 10.000 dinars par véhicule, et l’électricité pour faire tourner l’éclairage et les compresseurs.

Soit moins de 40.000 dinars par véhicule, ou 3% sur les petits modèles et 1% sur les modèles de luxe, en ne comptant pas que l’état verse une partie des salaires.

Nous aurons ainsi, des prélèvements pour le compte des assembleurs qui avoisinent les 50% pour les uns et les 40% pour les autres, soit un Milliard de dollar de gains pour chaque deux milliards d’importations, et trois milliards de ventes locales, sans aucun sou pour l’état.

Reste à espérer que tout ce beau monde ne puisse pas tenir sa promesse de « Produire » Toutes les quantités promises aux autorités, soit 400.000 voiture, ce qui est sur faute d’acheteurs locaux assez riches pour se faire plumer, et d’acheteur étrangers assez débiles pour être eux même plumés à distance.

Parce que dans le cas contraire, ces prévisions de « production » qui n’atteindront jamais  10% d’intégration effective surtout à ce pris d’usine, déboucheront tout simplement sur 8 milliards de dollars d’importations, 1200 milliards de dinars de ventes locales, 400 milliards de dinars de TVA  dans les poches indues, et des fermetures une fois le pot aux roses éventé.

ce qui fort heureusement n’arrivera pas dans ces proportions effarantes, mais qui peut perdurer quand même au niveau actuel le temps qu’il faudra pour aller aspirer en trois ans quelque 120 Milliards de dinars de TVA, dont une bonne partie en devises, par le biais des surfacturation.

Quand aux assurance de contrôle déclinées par le gouvernement dans une rhétorique de crèche ou on gronde les chenapans, elles reviennent dans ce cas de figure à promettre de chercher une vache dans un couloir ou on l’a soi même attachée avec la nourriture qu’il faut pour plusieurs saisons.

Alors qu’il suffit de vérifier les factures arrivées en douane, et surtout leur origine et prix hors taxes, pour savoir qui fait quoi, et comment il procède, tout le reste n’étant que littérature politique de mauvais gout.

Le reste des couts locaux, peut être calculé en une journée, par n’importe quel comptable analytique de deuxième classe,  surtout avec des intrants locaux pas très éloignés du zéro pour certains et équivalents à zero pointé pour le gros de la troupe.

Et ce n’est pas 300 emplois assistés payés au rabais qui formeront l’intégration financière, même si le gouvernement a eu la cureuse inspiration de les intégrer dans la formule d’intégration non pas au cout des emplois mais au nombre d’employé comme dans une foire à bestiaux.

Il est clair que l’administration et l’économie n’ont jamais fait bon ménage quand celle-ci se met à gérer, mais là on est passés au stade ou l’administration fait de l’anti économie, en lésant même son unique source de pitance et raison d’exister en l’occurrence le trésor.

Surtout quand on sait que cette même administration et les banques publiques, ont coulé des secteurs entiers employant des milliers de personnes, pour des montants cumulés d’endettement et non de fiscalité, inferieurs à 30 milliards de dinars, avec des taux d’intégration locale de 100% et des emplois pérennes et rémunérés sur chiffres d’affaire sans aucune aide publique.

Ce qui laisse deviner que toute réforme qui ne passe pas par une refonte totale des textes conditionnée elle-même par une éviction des tenants de cette forme d’administration, est une chimère couteuse à tous points de vue et à court moyen terme.

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