Tous les présidents des Etats-Unis depuis Bush senior se sont montrés très critiques à l’égard de la politique de change pratiquée par les autorités chinoises. Et pour cause, celles-ci sont accusées de manipuler à la baisse leur taux de change en vue de favoriser leurs exportations au détriment de celles provenant d’autres pays. En sous-évaluant sa monnaie, la Chine rend, du même coup, tous ses produits moins onéreux et donc plus compétitifs. Cette politique a atteint ses objectifs si l’on juge par l’excédent commercial chinois (le plus important au monde).
Il est, bien évidemment, réducteur d’attribuer le miracle chinois à la seule politique de change, bien que celle-ci, couplée à d’autres stratégies intérieures, ait été une arme redoutable ayant conduit à la fermeture de plusieurs entreprises dans les pays industrialisés.
Contrairement à ces derniers qui pratiquent, pour l’essentiel, une politique de change flottant, la chine fait partie des pays qui administrent leur taux de change avec une marge de flottement contenue dans une fourchette restreinte.
Le taux de change, fixé à 8 yuan/dollar en 1995, est resté à ce niveau jusqu’à 2005 période où le gouvernement a décidé d’introduire une dose de fluctuation +/-2%.
Aujourd’hui la Chine détient la plus grande réserve de change au monde (environ 3,2 trillion). Avec un tel matelas financier, la Chine peut libéraliser tranquillement le taux de change du Yuan. Par contre il a fallu attendre une nouvelle donne pour voir les autorités songer à réévaluer leur taux de change. En effet, entre temps, les investisseurs chinois ont accumulé de grosses fortunes qu’ils tentent fructifier ailleurs, créant au passage des sorties massives de capitaux. Pour enrayer ces flux, le gouvernement chinois a procédé à un rééquilibrage du taux de change à telle enseigne que le FMI ne considère plus la monnaie chinoise comme sous-évaluée.
Faudrait-il souligner, pour rendre justice à la Chine, le fait que, selon la même institution, de mettre en place un système de quotas, dans le peu qu’on puisse dire est qu’il a échoué. Il a ensuite, procédé à l’interdiction d’une liste de mille produits. Le recours à ces instruments non tarifaires montre que le taux de change n’avait pas rempli le rôle qui est le sien en la matière.
De ce fait, en Algérie, la politique de change actuelle est loin d’être un instrument en faveur de la production nationale. Tant s’en faut, elle constitue un obstacle à la production nationale dans la mesure où elle donne un avantage comparatif aux produits importés au détriment de la production nationale. Malgré les nombreux projets économiques et sociaux lancés par le gouvernement durant la dernière décennie, l’économie nationale n’a pas connu l’émergence d’une vraie classe d’entreprises à la hauteur des dépenses consenties par l’Etat.
Enfin, une sous évaluation du taux de change s’apparente à une subvention générale des importations, allant du lait pour enfant à une Mercedes ou même une Porsche. Et comme toute autre, subvention, elle a favorisé le gaspillage et la surconsommation de produits importés. D’où le recours abusif à l’importation de gadgets et plein d’autres produits sans valeur apparente.
Faudrait-il rappelé qu’aucun pays ou organisation internationale n’a formulé de critiques à l’égard de la politique algérienne de change pour la simple raison qu’elle sert parfaitement leurs intérêts.
Quelles réponses pour une telle situation ?
La Banque Centrale doit poursuivre sa politique de réajustement du taux de change voire de l’accélérer dans les mois à venir. Durant l’année 2017, le DA a perdu environ 17% de sa valeur. Mais il reste fortement surévalué. Certes une telle mesure va générer une hausse massive des prix des produits importés et risque de créer des troubles sociaux, mais elle est un passage nécessaire pour parvenir à la vérité des prix.
L’Etat pourrait amortir le choc inflationniste par des mesures de soutien temporaires au profit des produits de première nécessité.
d’autres pays manipulent également leurs monnaies. Même le Yen japonais, pourtant monnaie flottante, a perdu un tiers de sa valeur entre 2012 et 2015 sous l’influence d’une politique monétaire extensive.
Quelle politique de change pour l’Algérie ?
La politique de change pratiquée depuis 1962 n’a pas connu de grands bouleversements. Il s’agit de simples ajustements pour s’accommoder à l’évolution de l’orientation de la politique économique en général, au service d’une planification centralisée au départ, puis de la libéralisation du commerce extérieur et, enfin, le passage à l’économie de marché.
Contrairement à la politique de change chinoise, que nous avons décrit ici à titre d’illustration, qui a sous évalué le taux de change du Yuan, l’Algérie pratique une politique quasiment inverse : le DA a été surévalué sans raisons apparentes.
Interroger la politique de change de l’Algérie, c’est soulever ces questions relatives aux fonctions principales attribuées à une politique de change :
– le taux de change actuel est il réaliste ?
– la politique de change a t-elle pris en considération le rôle que doit jouer le taux de change dans l’équilibre de la balance commerciale ?
– le taux de change est il utilisé pour améliorer la compétitivité-prix au niveau international?
Le taux de change actuel est il réaliste ?
Une simple virée au square Port Said, qui est une référence de ce système de change parallèle, montre que le taux pratiqué officiellement est non seulement déconnecté de la réalité, mais dans des proportions alarmantes. L’écart entre les deux taux atteint parfois le 1/3. Ce qui le place parmi les plus élevés au monde.
La politique de change actuelle n’a pas joué son rôle d’équilibrer le commerce extérieur puisque comme nous avons à le constater, le gouvernement travaille toujours pour identifier des solutions à ce problème. Il a d’abord tenté Contrairement à l’hypothèse du FMI que le Dinar serait surévalué de 25 %, nous pensons que son niveau d’équilibre se situe aux alentours de 220 DA/Euro.
Une fois, le taux de change a atteint son niveau d’équilibre, les autorités peuvent procéder, dans de meilleures conditions, au renforcement du niveau convertibilité du DA et à la légalisation des bureaux de change. Ce qui est un passage obligatoire pour tout pays souhaitant s’insérer dans l’économie internationale.
Contribution de M. Zerourou – K.Yahia