Les statistiques relatives à la destination de sa production d’énergie font nettement apparaître l’extrême vulnérabilité de l’Algérie à la consommation intérieure qui avait accaparé en 2015 environ 45% de la production globale d’hydrocarbures. La croissance de la consommation locale étant une tendance lourde, il y a fort à craindre que l’unique firme pétrolière nationale que compte le pays, n’ait plus grand-chose à exporter à terme. L’état de stagnation des réserves d’hydrocarbures et la relative faiblesse des performances productives de la firme Sonatrach risquant même de conduire à long terme à une ubuesque situation de pénurie qui pénaliserait, aussi bien, les clients nationaux qu’étrangers.
Pour éviter cette tragédie il est impératif de penser d’ores et déjà à couvrir les besoins nationaux par d’autres moyens que les énergies fossiles. L’énergie solaire est toute indiquée pour combler le manque à gagner. C’est principalement le rôle imparti à la compagnie nationale d’électricité et du gaz (Sonelgaz) que le gouvernement a chargé de réaliser dés l’année 2018 au minimum une centrale électrique de 400 mégawatts par an qui s’ajouteront aux 22.000 MW d’énergies photovoltaïques déjà disponibles. Pour maintenir un niveau de disponibilité satisfaisant, il y a lieu de poursuivre l’effort de développement des énergies renouvelables et, notamment le photovoltaïque, au-delà de l’année 2030 pour avoir quelques chances de couvrir à cette échéance au minimum 25% de la consommation nationale.
Il faudrait évidemment développer en parallèle à cet effort de construction d’unités de production d’énergies renouvelables, un ambitieux programme d’efficacité énergétique consistant notamment à mettre fin aux « passoires énergétiques » qui affectent l’écrasante majorité du parc immobilier et à équiper un maximum de bâtiments en capteurs solaires qui permettront d’épargner autant d’énergies fossiles que possible.
Pour ce faire, il y a lieu d’accélérer l’isolation thermique d’au minimum 100.000 unités d’habitat par an, et l’introduction progressive d’équipements et appareils peu gourmands en consommation d’énergie. Il faudrait également que le ministère de l’énergie déploie une vaste campagne markéting en direction des automobilistes en vue de les inciter à convertir leurs véhicules au gaz naturel. Les concessionnaires automobiles devraient en outre être instruits à l’effet d’inclure dans leurs programmes d’importations une proportion plus grande de voitures équipées de moteurs à leurs moteurs hybrides et électriques.
En attendant, la commercialisation de ces véhicules, le gouvernement a pris l’initiative de relever les prix des carburants dans le but récemment de contraindre les automobilistes à réduire leur consommation.
Mais le plus gros challenge consistera à convaincre le secteur industriel à modifier son modèle de consommation actuellement centré exclusivement sur les énergies fossiles. Il ne s’agit évidemment pas d’user de la contrainte pour convaincre les opérateurs concernés mais de mesures incitatives pouvant se traduire par des allégements fiscaux, des tarifs préférentiels et de bonus octroyés aux entreprises qui ont fait un effort en matière d’économie énergétique. Les premières estimations du Ministère de l’Energie, annoncent la possibilité d’économiser au moins 93 millions de Tep à l’horizon 2030, la réduction des capacités de production d’énergie de 1.500 MW, la réduction des émissions de 200 millions de tonnes de CO2, et la création de 180.000 nouveaux emplois, si les actions inscrites dans le programme de transition énergétique retenu par le conseil des ministres de février 2016 venaient à être concrétisées sur le terrain.
Pour diverses raisons objectives le programme retenu par le conseil des ministres revêt en effet un caractère stratégique pour le pays. Il vise effectivement à accélérer la transition énergétique à travers la mutation de son modèle de consommation actuellement basé sur les hydrocarbures, vers un modèle propre et respectueux de l’environnement. Il ambitionne également de réduire la consommation locale d’hydrocarbures pour maintenir les exportions de gaz et de pétrole à des niveaux acceptables.
Il s’agit en outre, et le conseil des ministres de février 2016, lui accorde une grande importance, de développer une véritable industrie locale des énergies renouvelables, qui pourrait créer à terme des dizaines de milliers d’emplois.
En dépit du handicap financier dont souffre le pays suite à l’effondrement des cours du pétrole, au ministère de l’Energie on ne perd pas de temps pour mettre en œuvre ce programme de transition énergétique. La bataille pour la réduction de la consommation nationale aurait, selon notre interlocuteur, même commencé. Des formules multiformes de partenariats avec des firmes étrangères les plus performantes en la matière seraient en effet, d’ores et déjà, envisagées dans l’objectif de développer, aussi bien, l’amont, que l’aval de la filière. Ce partenariat multiforme est également envisagé pour développer les énergies renouvelables destinées aux besoins locaux, l’objectif étant d’atteindre 1700 M.W à l’horizon 2030, en « solarisant » le maximum possible d’infrastructures industrielles. Le grand coup d’envoi est donné avec le lancement, en partenariat (Sonatrach, Total et Eni), de deux méga centrales solaires d’une capacité de 10 et 5 MW, à proximité des gisements deTin Fouyé Tamankort et Bir Riba-Nord. Il est également bon de savoir que Sonatrach en collaboration avec la firme française Engie envisage d’équiper toutes ses stations de compression de gaz en équipements d’énergie solaire, dans le but d’économiser une part no négligeable de gaz naturel qu’elle destinera à l’exportation.