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Elles sont de plus en plus nombreuses à activer dans le commerce les femmes à l’épreuve de l’archaïsme patriarcal

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Si le commerce informel a de tous temps été l’apanage des hommes,  les femmes ont, depuis l’ouverture économique de 1990, fait progressivement intrusion dans cette sphère d’échanges qui bien souvent rapporte gros. Les profits substantiels engrangés par les plus dynamiques d’entre elles, leur ont ouvert la voie à de bien enviables réussites sociales souvent accompagnées d’une réelle émancipation vis-à vis des archaïsmes patriarcaux. Des milliers d’algériennes ont ainsi trouvé la voie de l’épanouissement socioprofessionnel dans diverses pratiques du business non déclaré qui leur ont permis d’élever leurs niveaux de vie et, pour certaines, d’accumuler d’importantes fortunes en aussi bien en Algérie qu’à l’étranger.

Moins exposées aux pesanteurs sociales que les algériennes qui résident dans leur pays, les émigrées réaliseraient, selon des faits rapportés par la presse locale, davantage de profits dans de négoce informel en entretenant depuis les années 70 de juteux courants d’affaires avec des parents et amis du bled. Le commerce informel pratiqué par les femmes entre les deux rives de la méditerranée n’est en effectivement pas nouveau, puisque depuis que les regroupements familiaux ont été autorisés en 1974 en France, les algériennes émigrées ont toujours eu tendance à mettre à profit leurs vacances au bled, pour y vendre des produits faisant l’objet de pénuries. Bon nombre d’entre elles en avaient même fait une activité lucrative régulière génératrice de substantielles recettes qui seront généralement investies dans l’achat de parcelles de terrain et l’auto construction. Les émigrées disposant d’une boutique qu’elles approvisionnent à partir du pays d’accueil (notamment la France) sont également nombreuses et au regard du nombre impressionnant de magasins (notamment de prêt-à-porter) qu’elles ouvrent dans les artères commerçantes des villes algériennes, cette tendance semble s’inscrire dans la durée.

Si ces pratiques marchandes informelles étaient peu nombreuses avant l’ouverture économique de 1990, elles se multiplieront de façon significative, avec les ajustements structurels imposés en 1994 par le FMI. La fermeture de plus d’un millier d’entreprises publiques ayant entrainée la mise en chômage de plus de 500.000 salariés va pousser les épouses à s’impliquer directement dans la vie professionnelle. Privées des ressources que leurs procuraient leurs maris désormais au chômage de nombreuses femmes seront en effet contraintes d’aider, voire même se substituer à leurs époux, pour subvenir aux besoins du ménage. Le marché du travail étant saturé c’est vers la pratique du commerce informel qui n’exige aucune formalité qu’elles s’orienteront quasi naturellement. L’argent ainsi gagné servira à faire vivre la famille et, dans de nombreux cas, à améliorer de manière substantielle  son train de vie. C’est dire l’importance du rôle de stabilisateur de budgets familiaux qu’ont joué de nombreuses mères, épouses et soeurs durant cette période récession qui avait laminé le pouvoir d’achat des ouvriers et des classes moyennes. La contribution de ces admirables femmes a, dans bien des cas, empêché des familles de sombrer dans l’extrême pauvreté.

Si elle est déjà fortement impulsée en termes de circulation commerciale (Les femmes se déplaçant à l’étranger pour effectuer des achats destinés à la vente étant de plus en plus nombreuses), la dynamique de conquête de l’espace public (ouverture de boutiques, création d’ateliers de confection et autres) témoigne d’une entrée de plus en plus massive des algériennes dans des activités commerciales. La mixité dans les espaces commerciaux urbains a, de ce fait, pris beaucoup d’ampleur au cours de ces trente dernières années. Les services du Registre de Commerce avaient enregistré à la fin de l’année 2010 déjà pas moins  4451 sociétés de divers statuts crées par des femmes. C’est dire la prodigieuse progression numérique de l’entreprenariat féminin si on ne tient compte que de la création de sociétés légalement constiuées, celles qui ne le sont pas étant, à l’évidence, beaucoup plus nombreuses. Selon nos estimations, ces dernières pourraient allégrement dépasser une centaine de milliers, si évidemment, on y incorpore les activités artisanales effectuées à domiciles. Avec le temps cette offensive économique et commerciale des femmes essentiellement concentrée dans les villes, a de bonnes chances de prospérer et de gagner le monde rural d’où elles sont aujourd’hui exclues pour diverses raisons.

 

On peut d’ores et déjà constater que les algériennes se déplacent de plus en plus loin pour faire du business. Pour approvisionner leurs commerces, mais également pour vendre des produits, les commerçantes algériennes sont en effet de plus en plus nombreuses à  fréquenter des places marchandes notamment dans les pays de la rive sud de la Méditerranée, certaines poussant même leurs déambulations commerciales jusqu’en Asie. Les espaces de vente tenus par nos femmes auraient également connu une mutation significative, marqué par un glissement de l’espace privé (domicile) vers l’espace public (ouverture de boutiques et de sociétés commerciales informelles ou légalement constituées) L’entrepreneuriat privé algérien est, de ce fait, de plus en plus mixte.

Dans le sillage des pionnières des premières années d’ouverture économique, qui ont apporté la preuve que les femmes pouvaient émerger socialement et financièrement au moyen du commerce informel, les algériennes n’hésitent plus à investir ce créneau, notamment quand les conditions d’insertion sociales leur sont refusées (chômage, revenus salariaux insuffisants, mal logées etc.). Convaincues que la réussite est au bout de l’effort, elles ne se contentent plus de revendre des marchandises achetées en Algérie, prenant le risque d’aller chercher elles-mêmes les produits sur les marchés étrangers offrants le meilleur rapport qualité-prix et l’assurance de réaliser des marges bénéficiaires les plus larges possibles. On constate, par ailleurs, que les femmes ne se cantonnent plus, comme aux toutes premières années de l’ouverture économique, aux ventes effectuées dans leurs domiciles. Elles sont de plus en plus nombreuses à aider leurs maris à revendre les produits rapportés de l’étranger en leur prêtant main forte ou, en les remplaçant aux commandes de la boutique familiale lorsque ce dernier est absent. Les femmes sont, de ce fait, de plus en plus visibles dans les espaces commerciaux, notamment, dans les grandes villes.

Mais cette implication croissante des femmes dans les activités marchandes implique de leur part de plus en plus de mobilité. Les absences fréquentes et souvent prolongées de leurs foyers auxquels elles se consacraient quasi exclusivement avant que les activités marchandes n’accaparent l’essentiel de leur temps, vont brutalement remodeler leurs rapports avec leurs familles et la société en général.

Si de nombreux maris s’accommodent avec les activités commerciales de leurs épouses d’autres ont, par contre, du mal à s’adapter au nouveau mode de vie au foyer notamment lorsqu’il s’agit d’accepter que leurs femmes séjournent souvent et longtemps à l’étranger pour effectuer des achats. Même si les cadeaux ramenés de l’étranger ont pu amadouer certains d’entre eux, de nombreux divorces en auraient malheureusement résulté.

Le métier de commerçant est effectivement très prenant, car en matière de négoce, les femmes comme les hommes, doivent développer des compétences relationnelles particulières, élargir leurs contacts bien au-delà des sphères domestiques, familiales ou de voisinage. Pour faire prospérer leurs affaires elles doivent souvent entretenir et cultiver des réseaux de connaissances qui dépassent le cadre géographique dans lequel elles furent longtemps cantonnées. Connaissant la mentalité machiste ambiante qui prévaut dans notre pays il faut assurément une très forte dose de courage et de détermination à réussir, pour s’affranchir des archaïsmes et autres pesanteurs sociales qui rendent leur émancipation mal aisée.

Mais avec ou sans le soutien de leurs familles, de nombreuses algériennes ont réussi à monter des affaires qui tournent si bien qu’elles ont changé positivement le cours de leurs vies. Les bénéfices engrangés leur ont, selon les cas, permis de créer des entreprises légales ou, tout simplement, d’améliorer leur standing de vie en acquérant le logement de qualité, la voiture de luxe et autres emblèmes de réussite sociale (bijoux, vêtements) qu’elles avaient longtemps convoités.

Admirées pour leur réussite, bon nombre de jeunes algériennes n’hésitent plus à suivre le chemin de leurs ainées en tentant elles aussi leurs chances dans ce type de business, en commençant par le « commerce de la valise » peu risqué et requérant peu de capitaux. Il constituera pour bon nombre d’entre elles, le point de départ d’une  « succès story » qui changera positivement le cours de leurs vies en les propulsant, à terme, au rang de respectables cheftaines d’entreprises. On a pu le constater à l’occasion de nos déplacements en Turquie, en France et dans certains pays arabes, les algériennes en « voyage d’affaires »constituent une part non négligeable des passagers empruntant les lignes aériennes concernées. Même si, précisent nos sociologues, certaines ne jouent que le rôle de simples« mulets » assurant seulement le transport pour le compte de revendeurs ou de gros importateurs informels installés en Algérie, il est bien évident que toutes ces « beznassiates » y trouvent leurs comptes en engrangeant des revenus non négligeables qui les aideront, selon le cas, à améliorer l’ordinaire de leurs familles et, parfois même, à lancer leurs propres affaires. Et même si le modèle patriarcal qui prévaut aujourd’hui encore en Algérie continue à sévir à l’encontre des femmes, le commerce informel continuera longtemps encore à exercer sur elles une certaine fascination, car il constitue l’espoir de toute une frange de la population féminine auxquelles les portes du travail légal et de l’émancipation sociale sont aujourd’hui encore fermées.

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