A peine annoncé à l’issue de la tripartite regroupant le premier ministre, l’UGTA et le FCE, la formule du partenariat public-privé qui devait se traduire par des ouvertures de capital et des cessions d’actifs publics a vite tourné court. Le premier à en avoir rejeté l’idée a été le parti FLN qui a convoqué à cet effet une tripartite parallèle excluant le premier ministre avant que le président Abdelaziz Bouteflika n’y mette brutalement fin au moyen d’une instruction subordonnant toutes décisions de privatisation sous toutes les formes qu’elles pourraient prendre à son autorisation personnelle.
Le Conseil des Participations de l’Etat qui gère les capitaux détenus par les entreprises publiques économiques (EPE) a reçu instruction pour bloquer l’éventuel processus de privatisation qui devait commencer avec les premiers accords de partenariat public-privé qui, dit-on, étaient déjà ficelés au profit des patrons proches de certains cercles du pouvoir.
Mais pour les observateurs les plus familiers de la scène politique algérienne, le véto du président Bouteflika s’expliquerait beaucoup plus par sa volonté de ne pas ouvrir un débat politique sur le sujet très sensible de la privatisation qui pourrait dégénérer en graves conflits sociaux à quelques mois du scrutin d’avril 2019 auquel il ambitionnerait de prendre part, selon certaines déclarations rapportées par la presse.
C’est en effet l’hypothèse la plus vraisemblable qui expliquerait son empressement à mettre fin à toutes opérations de partenariat public-privé sachant pourtant pertinemment que le processus ne saurait démarrer avant plusieurs mois faute d’une législation qu’il faudra créer de toutes pièces avec l’appui du parlement.
La législation régissant les EPE n’autorisant ce type d’association qu’à condition que le partenaire privé adhère à la réglementation très restrictive qui régit le secteur public (soumission au code des marchés publics, possibilité d’être contrôlées à tous moments par la cour des comptes, l’IGF, les commissaires aux comptes et le ministère de tutelle), il y a en effet nécessité d’adapter toute la législation en vigueur pour rendre opérationnel, mais aussi et surtout, attractif ce mode de coopération entrepreneurial entre sociétés publiques et privées. Une loi autorisant les EPE et leurs filiales à entrer dans le capital social des sociétés privées et ces dernières à y détenir des parts d’actions devra impérativement être promulguée pour rendre ce partenariat possible.
Au gré des intérêts réciproques le management des entreprises associées pourraient également être confié à l’un comme à l’autre des détenteurs du capital social mais là aussi il faudrait que le gouvernement légifère car il n’y a à ce jour aucune qui le permet expressément.
Dans l’intérêt de ces entreprises associées, les conseils d’administration seront composés autant que possible d’administrateurs porteurs de parts du capital social constitué comme cela se passe habituellement dans les sociétés par actions régies par le code commerce et le droit privé, mais là aussi, il n’y a aucun texte d’application relatif aux sociétés publiques par actions (EPE /SPA). Aussi séduisantes que sont toutes ces idées relatives au partenariat public-privé, leur mise en œuvre n’est pour nombreuses d’entre elles malheureusement pas possible dans l’état actuel de la législation algérienne.
En Algérie où les entreprises publiques en bonne santé financière sont rares (Plus de 900 EPE sont en situation de faillite) et les entreprises privées pour la plupart faiblement capitalisées, on a, de surcroît, du mal à imaginer ce type de coopération entrepreneuriale à grande échelle. Les grandes sociétés nationales en activités (Sonatrach, Sonelgaz, SNVI, Cosider etc.) coopèrent depuis longtemps déjà avec des sous-traitants privés strictement cantonnés à leurs périphéries, sans réelles possibilités d’interférer dans leurs stratégies et, encore moins, dans leur gestion. Sans doute pour des raisons historiques, l’entreprise publique conserve aujourd’hui encore, une supériorité de fait sur les sociétés privées qui leur sont, pour une raison ou une autre, assujetties. Les entreprises publiques disposent en outre de l’avantage de ne pas être soumises à l’obligation de résultats puisque l’Etat propriétaire est tenu de les renflouer financièrement en cas de difficultés. Un avantage que l’entreprise privée, soumise au risque de faillite et de dissolution en cas de déficit, n’a évidemment pas. Une inégalité de traitement aussi criarde est à l’évidence de nature à compromettre toute possibilité de construction d’un partenariat durable et fructueux entre ces deux types d’entreprises. Et c’est précisément ce qui explique la rareté des collaborations entre les secteurs public et privé.
L’autre question importante à résoudre pour donner corps à ce type de partenariat, est évidemment le niveau de capitalisation autorisé. Le privé peut il être majoritaire dans le capital social d’une entreprise publique et dans ce cas elle prendrait le statut de société privée avec toutes les implications juridiques possibles. Le privé est il tenu de n’avoir que des parts minoritaires dans le capital de l’entreprise publique et, dans ce cas, l’entreprise garderait son statut d’entreprise nationale avec toutes les répercussions négatives que doit subir l’actionnaire privé (pas de droit de regard sur la nomination des dirigeants, injonctions des pouvoirs publics, astreinte au code des marchés, aux contrôles de la cours des comptes, de l’Inspection Générale des Finances, des brigades économiques etc.)? La question de la nomination des PDG prend davantage d’acuité depuis que le premier ministre s’est tout récemment octroyé les prérogatives de nomination et de révocation des dirigeants des EPE.
Présenté comme la panacée pour la relance économique, le partenariat public-privé (PPP) n’est, comme on le constate, pas près de prendre corps dans notre pays, tant les prés requis sont nombreux et difficiles à mettre en œuvre dans l’environnement des affaires instable qui y prévaut aujourd’hui. Un environnement juridique qu’il n’est pas recommandé de changer en cette période pré-électorale propice d’âpres batailles politiques et syndicales, notamment lorsqu’il s’agit de légiférer sur une sujet aussi sensible que la privatisation des entreprises publiques à l’occasion desquelles peuvent surgir de violentes batailles d’intérêts entre les travailleurs, les entrepreneurs privés et, parfois même, certains barons du secteur public qui craignent de perdre leurs rentes de situation.