La crise de l’économie algérienne ne se réduit pas, comme ont tente de le faire, au seul problème d’argent que la chute des prix des hydrocarbures aurait provoqué. Si cela avait été le cas, les 1OOO milliards de dollars de recettes encaissés durant ces 1O dernières années auxquelles s’ajoutent, celles non moins importantes de la fiscalité ordinaire, auraient largement suffi, non seulement, à relancer notre appareil économique en panne, mais aussi, à enclencher une dynamique de croissance forte et durable qui aurait fait de l’Algérie un pays émergent.
Il faut savoir qu’avec à peine 17 milliards de dollars (environ 160 milliards aujourd’hui), le plan Marshal mis en œuvre par les américains en 1947 a permis de redresser pas moins de 10 pays d’Europe sérieusement endommagés par les bombardements allemands qu’ils avaient subi durant la seconde guerre mondiale.
Avec tous les avoirs financiers dont il disposait, l’Etat algérien avait à l’évidence de quoi redresser durablement l’économie et mettre en œuvre les réformes susceptibles d’en faire un pays moderne. S’il est indéniable qu’une part non négligeable de la rente disponible a été investie dans la réalisation de logements et d’équipements collectifs utiles au pays, il n’en demeure pas moins que beaucoup d’argent a été dépensé sans aucune contrepartie productive dans de ruineux transferts sociaux essentiellement destinés au maintien de la paix sociale.
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Alors que leur développement requérait un effort financier plus consistant a, par ailleurs, très peu investi dans le développement nouvelle économie, autrement dit, dans l’essor des technologies de l’information et de la communication, les formations qualifiantes et les soutiens multiformes au secteur privé.
De ce fait, les diagnostics établis par divers observateurs de la scène économique algérienne (Banque Mondiale, FMI, CNES, ministère des finances et de nombreux économistes) sont aujourd’hui quasi unanimes à reconnaître que la difficulté à remettre le pays sur le chemin de la croissance n’est pas tant due à un problème d’argent, mais à une grave défaillance de notre système de gouvernance.
Ce constat corroboré par pratiquement tous les syndicats et la classe politique dans son ensemble, reconnaît en effet que l’économie de marché est le meilleur moyen de redressement possible, tout en regrettant que sa construction, entamée en 1989 à la faveur d’une nouvelle constitution, ne soit pas inachevée à ce jour. Depuis cette date un certain nombre d’actions ont certes été entreprises dans ce sens, mais l’instabilité politique et les problèmes sécuritaires ont souvent troublé l’action gouvernementale retardant de ce fait la réalisation du projet de société souhaité.
Encore à l’état embryonnaire, le système de marché algérien pose en effet, aujourd’hui encore, un sérieux problème à pratiquement toutes les branches de l’économie algérienne qui ne parviennent pas à se hisser au niveau des standards mondiaux, faute de mise en place de l’environnement entrepreneurial requis. La législation des affaires est en effet incomplète et souvent contradictoire, les banques sont restées archaïques, les interférences du politique dans l’activité économique toujours présentes, la Justice en total déphasage avec les règles de l’économie de marché et la politique monétaire en nette rupture avec les pratiques marchandes universelles.
La toute récente refonte de la loi sur la monnaie et le crédit qui contraint la Banque d’Algérie à imprimer durant 5 années de la monnaie pour le compte du Trésor public en est un parfait exemple de cette intrusion du politique dans les affaires économiques qui ont fait tant de mal au pays.
Compte tenu de tous ces aléas, il serait évidemment illusoire de prétendre à une éventuelle résurrection de l’économie algérienne, quand bien même, elle serait favorisée par une disponibilité illimitée de capitaux, que la planche à billets et les emprunts extérieurs seraient susceptibles de lui fournir. En l’absence d’un système de marché mature, la création d’entreprises, la promotion d’investissements productifs, mais aussi et surtout, la bonne gouvernance continueront en effet à être problématiques et, dans tous les cas, inopérantes quand il s’agit de générer des ressources financières complémentaires à celle des hydrocarbures. Incapables de générer de la valeur ajoutée tous les secteurs de l’économie algérienne sont contraints de prélever une bonne part leurs besoins financiers de ce qui reste de la rente d’hydrocarbures et de ce que leur procureront la planche à billets et les emprunts, qu’ils ne feront que consommer les chances de dégager de la valeur ajoutée dans pareilles conditions étant infimes. Ce constat saute aux yeux s’agissant du millier d’entreprises publiques déficitaires que l’Etat doit renflouer périodiquement en puisant l’argent dans les recettes d’hydrocarbures, l’argent des contribuables ou au moyen de la dette publique.
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Le manque de détermination à poursuivre le processus de réformes engagé en 1988, les rentes de situation, la bureaucratie, la corruption et autres habitudes héritées de l’ancien système, constituent pour ces professeurs d’économie qui avaient de surcroît occupé de hautes charges ministérielles, autant de contraintes qui retardent aujourd’hui encore l’avènement d’une économie nouvelle alors que le principe du système de marché fait, depuis plusieurs années déjà, l’unanimité de la classe politique et de la société algérienne en général. Passer outre ces obstacles au moyen des ordonnances présidentielles, comme cela s’est souvent fait, pourrait faire progresser le chantier des réformes qui restent à mettre en œuvre, mais à condition que la rédaction des textes législatifs y afférant soit précédée de débats avec tous acteurs concernés, reconnaissent pratiquement tous les acteurs économiques. Car lorsque les réformes sont concoctées en vase clos et imposées comme c’est souvent le cas aux opérateurs concernés, ces dernières ont en effet peu de chance d’être appliqués, ne serait-ce que du fait qu’elles soient mal comprises ou, plus grave encore, contestées par ceux là même qui sont chargés de les appliquer.