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On le doit au soulèvement du 5 octobre: Les reformes de 1988 ont bouleverse le mode de gouvernance du pays

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Les reformes engagées à la faveur du soulèvement du 5 octobre 88 ont induit des changements majeurs qui caractérisent l’Algérie d’aujourd’hui. Il faut, en effet, bien savoir qu’avant ces reformes (Constitution de 1989 qui autorise la création de partis politiques, loi sur la monnaie et le crédit qui permet de créer des entreprises privées nationales et étrangères en Algérie, les lois offrant la possibilité de fonder des syndicats autonomes et des médias indépendants de l’Etat) l’Algérie vivait, en tant que pays socialiste, sous le régime du monopole de l’Etat appliqué à l’ensemble des institutions qui régissent les activités politiques, économiques et sociales du pays.
Les réformes de 1988 ont eu le mérite de mettre fin à cet enfermement en tentant d’instaurer en contre partie un système de marché ancré dans une société plus ouverte et plus démocratique. Vingt neuf années de mise en œuvre de réformes c’est, évidemment, trop court pour établir un bilan exhaustif du nouveau projet de société qui devait en émerger, mais toutefois, assez suffisant  pour mesurer les résultats les plus tangibles obtenus à la faveur de cette vague de changement, sans doute la plus importante que l’Algérie a effectué depuis son accession à l’indépendance. 
Bien que leur mise en œuvre ait été quelque peu chaotique les réformes entreprises dans un contexte de forte crise politique et sécuritaire l’Algérie a tout de même fait grâce à elles un grand pas en matière de création d’entreprises privées.  Plus de 525.000 sociétés privées de divers statuts juridiques, parmi lesquelles, les SPA, SARL et EURL familiales de 10 à plusieurs salariés activaient déjà dans notre pays à la fin de l’année 2012. Il se créerait, selon les estimations des services fiscaux, environ 30 à 32.000 nouvelles sociétés chaque année, à l’initiative de promoteurs majoritairement nationaux et les femmes, nous apprennent les statistiques du Registre de Commerce, seraient de plus en plus nombreuses à s’impliquer dans ce processus de création d’entreprises. Quelles appartiennent à des hommes ou à des femmes, les entités ainsi créés sont, dans leur  écrasante majorité, de très petites entreprises familiales de négoce, de services et de BTPH dont certaines ont pris beaucoup d’envergure au bout d’à peine quelques années.
Si ces statistiques de créations d’entreprises peuvent paraître dérisoires par rapport à celles de certains pays développés ou émergents qui enregistrent des chiffres autrement plus importants, la courte histoire de l’entreprise privée algérienne, autorise tout de même à apprécier nos résultats avec optimisme. Vu sous l’angle de la transition à l’économie de marché qui n’a réellement été entamée qu’au milieu des années 1990, les statistiques de création de sociétés privées sont en effet encourageantes, car il ne faut jamais perdre de vue que l’entrepreneuriat privé algérien est jeune, nous dirons même très jeune, son droit à l’existence en tant qu’entité légale ne remontant, en réalité, qu’au milieu des années 80 avec l’octroi à quelques rares sociétés encore en activité, de lignes de crédits et d’autorisations globales d’importation.   
  
Effectivement, la courte Histoire de l’entrepreneuriat  national nous apprend que le privé n’a jamais fait bon ménage avec les pouvoirs politiques algériens qui l’avaient de tous temps marginalisé ou maintenu en état de sursis permanent. L’exclusion du « privé exploiteur » était carrément érigée en dogme avec, a la clé, la promulgation en 1976 d’une Charte Nationale à qui fera œuvre durant plus d’une décennie de référence doctrinale résolument opposée à la libre entreprise.
Mais c’est entre 1979 à 1990, que s’effectueront en réalité et non sans difficultés, les premières grandes ouvertures. La première grande remise en cause de la sacro-sainte Charte Nationale, ne sera effectuée qu’en 1989 à la faveur de la promulgation d’une nouvelle Constitution favorisant certaines libertés, parmi lesquelles, celles d’entreprendre et de s’associer.  Les réformes mises en œuvre avec beaucoup de célérité par kasdi Merbah mais, aussi et surtout, par Mouloud Hamrouche se traduiront très concrètement par la promulgation d’une batterie de lois (autonomie des entreprises publiques économiques, loi relative à la monnaie et au crédit, démonopolisation du commerce extérieur, libéralisation des prix etc.) favorisant l’émergence d’un secteur privé sensé être complémentaire d’un secteur public économique soumis à de profonds ajustements structurels. Les réformes économiques et sociales, légitimées par la Constitution de 1989, ouvriront de nouveaux horizons, aussi bien, a l’entreprise publique économique qui s’autonomise des champs politique et administratifs, qu’aux citoyens qui peuvent désormais créer leur propre entreprise, adhérer au parti politique de leurs choix, s’affilier à d’autres syndicats que l’UGTA, lire des journaux autres que ceux du gouvernement,  adhérer au mouvement associatif etc.
La société algérienne avait ainsi commencé à se libéraliser, aussi bien, sur le plan politique (pluralisme politique et syndical) qu’économique (engouement pour la création de PME, abandon de la tutelle de l’Etat sur les entreprises publiques, mécanismes du marchés plus effectifs etc.). Les entreprises étatiques s’autonomisent des tutelles ministérielles en acquérant un statut de société de droit prive(EPE/SPA), la création de sociétés privées algériennes et étrangères est officiellement encouragée  par la loi sur la monnaie et le crédit  et les nouveaux codes de commerce et de l’investissement, promulgués au milieu des années 1990.
Le monopole sur le commerce extérieur exercé par les sociétés nationales est aboli et les entreprises de droit privé autorisées à importer. Les prix autrefois soutenus ou administrés  seront, à l’exception quelques rares produits de premières nécessité, progressivement libérés. Les banques publiques acquièrent le statut de société par actions, soumises à la concurrence interbancaire au même titre que les banques privées algériennes et étrangères, autorisées par le Conseil de la Monnaie et du Crédit à activer en Algérie.
Les reformes engagées au pas de charge juste après les événements d’octobre 88, seront malheureusement ralenties et, souvent même, détournées de leur objectif initial pour plusieurs raisons : Le climat d’insécurité engendré par l’annulation du processus électoral qui avait failli amener un parti islamiste aux commandes du pays et l’injuste isolement de  l’Algérie de la scène internationale sous prétexte d’avoir interrompu un processus électorale largement acquis aux islamistes alors que les autorités algériennes ne cherchaient en fait qu’à se prémunir des dangers mortels de l’intégrisme. Une réalité que les attentats de New York mettront brutalement en évidence le 11 septembre 2001.
L’autre raison, étroitement liée elle aussi au climat d’insécurité, a trait à l’instabilité gouvernementale qui s’est installée en Algérie de 1988 et duré jusqu’en 2003. Jusqu’à cette dernière date qui marque le retour à une relative stabilité gouvernementale,  l’Algérie a connu 5 chefs d’Etat, 14 chefs de gouvernement et toute une pléthore de ministres d’obédiences politiques souvent très différentes. 
Chacun de ces gouvernants a souhaité impulser, au gré des circonstances et de ses arrières pensées politiques, une nouvelle dynamique aux reformes, mais en opérant un peu trop souvent des modifications législatives et institutionnelles qui enlèveront aux réformes de 1988 leur cohérence initiale. Ces pratiques récurrentes seront à l’origine de troublantes remises en causes des réformes les plus emblématiques et de pertes de temps qui retarderont chaque année un peu plus, le processus de transition à l’économie de marché qui ne devait pas excéder quinze années. On peut citer, pour exemples, les institutions chargées de la gestion du secteur public économique qui furent successivement des Fonds de Participation, des holdings publics, des méga-holdings et aujourd’hui des sociétés de gestion de participation (SGP), en attendant les prochains redéploiements qui doivent prochainement s’effectuer dans le cadre des nouvelles stratégies industrielles. 
Les chefs de gouvernement duraient si peu a leurs postes, qu’ils n’avaient, dans le meilleur des cas, que le temps de remettre en cause les actions engagées par leurs prédécesseurs, mais rarement, celui nécessaire à la mise en œuvre de leurs propres reformes. De ces atermoiements et remises en cause érigés en mode de gouvernance, ont résulté le désordre dans la conduite des changements qu’on continue, du reste, à observer aujourd’hui encore, le manque de visibilité économique et, bien entendu, la crainte de voir les prochaines équipes gouvernementales remettre en cause ce qui reste des réformes de 1988.
Il y a, sans doute aussi,  les ralentissements et les remises en causes engendrés, aussi paradoxal que cela puisse paraitre, par les embellies financières générées par les augmentations cycliques des recettes d’hydrocarbures. C’est, en effet, à l’occasion des afflux massifs de pétrodollars dans les caisses de l’Etat, que resurgissent les tentations de populisme avec, à la clé, le reniement des engagements pris, notamment, en matière de mise en œuvre d’un mode de gestion basé sur les principes de gouvernance universels et la quête de performance. Convaincus que la manne financière dont ils disposent peut leur permettre de retarder, voire même, de faire l’impasse sur certaines réformes impopulaires, les autorités concernées ont ainsi retardé chaque année un peu plus, l’avènement d’une authentique économie  de marché. Ils ont du coup imposé au pays un système de gouvernance hybride cumulant les tares du régime socialiste et celles du système libéral naissant.  De ces deux systèmes qui se juxtaposent, les algériens n’ont au bout du compte tiré que des désavantages et l’amer sentiment d’un statu quo stérile qui n’arrête pas de tirer leur pays vers le bas.        
 
Mais toujours est il, que les reformes qui ont pu être engagées, notamment dans les années 1990, ont tout de même réussi à provoquer les changements majeurs qui en étaient attendus. On ne peut effectivement pas nier certains bouleversements économiques et sociétaux générés par ces réformes, à commencer par le bouleversement du champ des élites qui, à nos yeux, constitue une des plus importantes ruptures systémiques opérée à la faveur du soulèvement populaire du 5 octobre 1988. Il faut, en effet, se souvenir qu’avant ces reformes qui ont ouvert les champs politique, économique et social, l’Algérie vivait sous le régime du parti unique et des organisations de masses satellisées, des entreprises étatiques et d’un syndicat (UGTA), tout aussi unique.
L’ouverture de 1988 a , à l’évidence, élargi le champ des élites et on peut prendre pour exemple, les élites politiques autrefois réduites à choisir entre la clandestinité et l’adhésion au parti unique FLN, et qu’on retrouve aujourd’hui à la tête d’une profusion de partis politiques créés à la faveur de la Constitution de 1989, qui se battent, il est vrai, dans des conditions souvent déloyales pour avoir une place honorable sur l’échiquier politique national.
La même observation peut être faite à propos des élites syndicales autrefois réduites aux seuls cadres du syndicat unique UGTA.  Aujourd’hui des syndicalistes, souvent de qualité, encadrent plus d’une vingtaine de syndicats autonomes dont les actions menées ont apporté la preuve d’une capacité de mobilisation dépassant allégrement celle de la centrale UGTA qui continue pourtant à disposer d’importants moyens matériels généreusement offerts par les autorités politiques en place.   Les appels à la grève fréquemment lancés par les syndicats autonomes des enseignants et des travailleurs de la fonction publique ont, à titre d’exemple, mis en évidence la popularité de ces organisations dans ces secteurs d’activité employant, à eux seuls, un peu plus de deux millions de travailleurs. Mais en dépit de leur prodigieuse percée les syndicats autonomes ne seront jamais invités par le gouvernement aux réunions triparties où seule l’UGTA fait officiellement figure d’unique représentant des travailleurs algériens.
 
On pourrait, également, évoquer les élites journalistes qui, avant l’ouverture du champ médiatique de 1989, se réduisaient à une dizaine de directeurs de médias lourds et de journaux étatiques (El Moudjahid, El Chââb, Algérie-Actualité, Horizons etc.) qui paraissaient a l’époque.  Les réformes, pour la plupart engagées au début des années 1990, ont à l’évidence fait du chemin et, en dépit de fréquentes tentatives de remise en cause de la liberté de la presse, il existe aujourd’hui en Algérie, plus de 6o journaux privés, encadrés par de nouvelles élites journalistiques. De par leur compétence et leur notoriété certains journalistes se sont érigés en véritable leader d’opinion dont les écrits et les prises de positions politiques ne passent pas inaperçus.
On n’omettra pas de parler des élites de la société civile, autrefois réduites aux seuls cadres des organisations de masses satellisées au parti unique du FLN qui aujourd’hui encadrent des associations autonomes, vers lesquelles affluent de nouvelles élites, parmi lesquelles de nombreuse femmes, faisant jouer un rôle de plus en plus actif aux organisations non gouvernementales, en dépit des tentatives de récupération auxquelles elles sont fréquemment soumises, notamment, à l’approche d’importantes échéances électorales, comme on est habitué à le constater à l’approche des élections législatives et, présidentielles.
Mais cette percée des nouvelles élites est surtout perceptible au niveau de l’économie.  La constitution d’entreprises privées a, en effet permis l’émergence de nouvelles élites managériales, pour certaines a la tête de sociétés de grande envergure. Pour mesurer leur mérite, il faudrait se souvenir qu’avant l’ouverture de 1988, ces élites économiques se réduisaient à quelques directeurs généraux d’entreprises étatiques, la poignée d’entrepreneurs privés qui subsistait, étant marginalisée et dans de nombreux cas diabolisées en évoquant déjà à cette époque leur enrichissement douteux.
Bien que nouvelles, les élites économiques et notamment celles du secteur privé, sont en train de modifier le paysage économique algérien, qui porte encore les stigmates du système socialiste, aidées en cela par les nouvelles techniques de management et les apports multiformes des partenariats quelles ont contracté avec des firmes internationales. L’apport des associations patronales auxquelles elles sont de plus en plus nombreuses à adhérer (Forum des Chefs d’Entreprises, syndicats et confédérations) est également à souligner en ce sens qu’elles permettent de mieux formuler les propositions et doléances qu’elles adressent aux autorités politiques. Et même si les tentatives de satellisations au pouvoir, notamment à l’occasion d’importantes échéances électorales, sont à déplorer, leurs prises de position en faveur des plus puissants cercles du pouvoir, s’expliquent beaucoup plus par le souci de préserver leurs intérêts contre d’éventuelles représailles que par un partage d’idéaux avec les gouvernants en place. Il est évident qu’en cas d’émergence de nouvelles forces politiques en mesure de rivaliser avec le pouvoir actuel, bon nombre de chefs d’entreprises reconsidéreront sans aucun état d’âme, le soutien qu’ils ont, pour une raison ou une autre, été contraints d’accorder aux tenants actuels du pouvoir.   
Au regard de sa courte histoire, l’émergence du secteur privé au cours de ces 29  dernières années est, pour ainsi dire, prodigieuse. Les sociétés privées réduites à la portion congrue durant les années 70, avoisinait les 810.000 à la fin de l’année 2016 selon des statistiques du Registre de Commerce largement rapportées par la presse. Parmi les entreprises privées en activité figurent des groupes d’envergure internationale pour certains classés parmi les tout premiers du continent africain. Leur contribution a la richesse nationale est très importante (85% du PIB hors hydrocarbures en 2007). Elles sont en train de percer dans pratiquement tous les secteurs d’activité (bâtiment, agroalimentaire, informatique, pratiquement toute la gamme des services etc.). Le plus gros des importations (exception faite des céréales) est effectué par les quelques 50.000 sociétés privées de négoce en activité, pour la plupart de constitution récente.
De nouveaux métiers que le régime socialiste avaient fait disparaitre renaissent de leurs cendres. On citera les métiers de notaire, commissaire aux comptes, commissaires priseurs, huissiers qui, aujourd’hui, suscitent l’engouement d’universitaires qui pourraient faire de brillantes carrières dans ces métiers d’avenir. 
Ce sont, nous l’avons bien compris, toutes ces élites et, notamment, celles ayant émergées dans le secteur économique, qui effectueront progressivement les ruptures systémiques qui permettront l’émergence de cette société moderne et démocratique à laquelle aspire la quasi  majorité des algériens.  Notre affirmation repose sur le fait qu’il n’existe pas de cloisonnement entre l’économique et le politique, les deux étant parfaitement imbriqués et que le pouvoir de l’argent conduit généralement au pouvoir politique. Et, quand bien même le pouvoir en place ne permettrait à ces élites d’activer politiquement qu’à l’intérieur du système, nous sommes malgré tout convaincu que de l’intérieur même de cet espace pourraient émerger dans un proche avenir des élites politiques d’envergure à même de piloter efficacement le destin de l’Algérie de demain. 
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