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Les barrières aux importations alarment les sociétés locales

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Destinées à préserver les devises de l’Algérie, les restrictions croissantes aux importations nuisent paradoxalement aux sociétés locales, s’alarment experts et chefs d’entreprise qui craignent fermetures d’usines et pertes d’emploi.

La dégringolade, depuis 2014, des prix du pétrole qui fournit à l’Algérie 95% de ses devises, a creusé le déficit commercial. Elle a également fait fondre ses réserves de change, amassées au temps du baril à 100$ et passées de 195 milliards de dollars en mars 2014 à 108 milliards en juin dernier.

Pour tenter de stopper l’hémorragie, le gouvernement a instauré des quotas d’importation de certains produits et imposé l’obtention d’une licence fixant la quantité que l’importateur est autorisé à faire entrer dans l’année.

En 2016, étaient seuls concernés les véhicules, le ciment et les ronds à béton. Ces premières restrictions avaient permis de faire baisser de cinq milliards de dollars la facture des importations, ramenée à 46,7 mds contre 51,7 mds en 2015.

Mais depuis le début 2017, la liste des marchandises soumises à licence n’a cessé de s’allonger et comprend désormais une trentaine de produits agricoles, agro-alimentaires ou industriels.

Un inventaire à la Prévert où se côtoient notamment bois, céramique, viandes bovines, fromages, citrons frais, pommes, bananes, orge, ail, double concentré de tomates, réfrigérateurs, machines à laver, téléviseurs, téléphones mobiles, cosmétiques ou aliments pour bétail.

En juillet, l’importation de 24 nouveaux produits – dont sauces et soupes industrielles, robinets, barres chocolatées, pâtes, jus de fruits et eaux minérales, briques et tuiles ou produits finis en plastique – a été interdite en attendant l’octroi de licences.

« Le gouvernement entendait réduire de 10 milliards de dollars la facture des importations pour 2017. Or, cet objectif est loin de se concrétiser, selon les dernières statistiques douanières », explique l’économiste Mouloud Hedir, soulignant que cette liste, qui évolue « de jour en jour », manque de clarté pour les entreprises.

Difficile de faire des prévisions sans savoir quels produits ou matière première on pourra importer et en quelle quantité, se plaignent les chefs d’entreprises algériens.

Exemple le plus récent: l’interdiction d’importation de produits finis en plastique.

Cette mesure, qui concerne notamment « certains types de bouchons, risque de paralyser plusieurs sites de production de l’agro-alimentaire, des cosmétiques et du médicament », souligne Slim Othmani, PDG d’une entreprise de jus de fruits.

Président de l’Association des producteurs algériens de boissons, Ali Hamani prévient: « si le blocage des matières premières persiste, 22.000 emplois directs et près de 60.000 indirects seront menacés dans la filière boisson ».

Des laboratoires pharmaceutiques locaux, dont les stocks d’emballage arrivent à épuisement, agitent la menace d’un arrêt des chaînes de production, mettant en péril notamment la fourniture des hôpitaux.

Cet exemple souligne le manque de concertation et le flou autour des critères présidant au choix des produits soumis à licence et à la fixation des quotas, dénoncent les chefs d’entreprises algériens, fustigeant en outre le processus obscur d’octroi des licences.

Un ensemble de prérogatives confiées à un « comité interministériel », chapeauté par le Premier ministre Abdelmajid Tebboune, qui était jusqu’à mai ministre du Commerce.

« L’importateur ne sait pas quels sont les critères d’obtention d’une licence, pourquoi il n’a pas été retenu, ni qui a été sélectionné », s’insurge Slim Othmani, également président du Cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise (Care), un groupe de réflexion patronal. Selon lui, ce manque de transparence « encourage la corruption » et les trafics.

L’économiste Mouloud Hedir l’admet: cette politique risque de favoriser, « au sein d’une économie qui n’en manque déjà pas, de nouvelles situations de rente » au profit d’acteurs économiques bénéficiant de liens privilégiés au sein du pouvoir.

Economiste et enseignant à l’université d’Alger, Chaffir Ahmine soutient lui la politique actuelle. Mais à deux conditions: qu’elle soit « conjoncturelle » et que l’Etat investisse parallèlement dans l’industrie locale – publique et privée – afin de substituer la production nationale aux produits d’importation.

Or, selon Mouloud Hédir, les licences concernent peu de produits fabriqués localement. Et elles risquent de faire souffrir les finances publiques, les droits de douanes et la TVA à l’importation représentant environ 25% des recettes fiscales non pétrolières.

Certains Algériens s’inquiètent de ne bientôt plus trouver leur chocolat ou déodorant préférés en rayons et évoquent déjà le retour des heures de gloire du « trabendo », la contrebande dans les années 1980 de produits venus de l’étranger dans les bagages de voyageurs ou entassés dans les voitures traversant la Méditerranée.

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