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Construction et accès au logement: La fin de l’état providence

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En dépit des moyens considérables que l’État lui a consacré tout au long de deux décennies, la production nationale d’habitat reste insuffisante et le problème du logement n’a rien perdu de son acuité pour des centaines de milliers de citoyens en attente désespérée d’un toit.
 
Sous les effets conjugués de la croissance démographique, de l’exode rurale et de la dégradation des vieux immeubles, les données préoccupantes du problème sont restées pratiquement les inchangées, en dépit d’une production massive de logements sociaux et promotionnels rendue possible par les confortables recettes pétrolières et l’émergence d’une classe sociale aisée.
 
De 2002, date de lancement des premiers grands programmes d’habitat à ce jour, le trésor public et l’épargne privée ont en effet  été généreusement mis à contribution pour porter à bout de bras une industrie du logement restée essentiellement publique, les promoteurs privés étant, comme on le sait, peu nombreux et, bien souvent, sans envergure.
 
Mais, la conjugaison de tous ces efforts auxquels il faut, sans doute, ajouter l’intervention de grandes entreprises de construction étrangères (Chine, Turquie, France, Italie, Espagne etc.), n’a hélas permis de réaliser au bout du compte, qu’environ 2,2 millions de logements en 14 ans, soit à peine 165000 logements par an. Si on se réfère aux statistiques du dernier recensement de l’habitat et de la population réalisé en 2010 par l’ONS, on constate qu’avec beaucoup moins de moyens, les autos constructeurs ont réalisé presque autant d’habitations (1,4 millions) et, certainement davantage de surfaces habitables que l’Etat, ce dernier étant, comme on le sait, plus restrictif en la matière.
 
Bien que fort important, l’accroissement du parc logements dû aux efforts de l’Etat et du privé algérien, n’a malheureusement pas changé grand-chose au problème de la disponibilité du logement, aussi bien, en nombre qu’en qualité.
 
De ce fait, la crise persiste et les données qui la matérialisent aujourd’hui sont à divers points semblables à celles des années antérieures, ce qui peut laisser penser qu’en matière de satisfaction des besoins d’habitat, l’Algérie a peu évolué, pour ne pas dire, fait du surplace. A titre de rappel, et ces chiffres reviennent comme une litanie dans toutes les réunions bilans du secteur concerné, il faut aujourd’hui encore construire au minimum un million de logements à l’échéance 2025 pour résorber les demandes en instance et faire face aux nouvelles demandes qui iront certainement crescendo dans les prochaines années, du fait d’une démographie galopante (plus d’un million de naissances par an) et de la dégradation avancée du vieux parc immobilier. Pour ramener l’écart entre l’offre et la demande de logements, il faudrait estiment un haut cadre du ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme, que l’Etat et les particuliers construisent annuellement, au minimum, 300 000 logements. Cela suppose un effort financier et entrepreneurial gigantesque que l’Etat algérien n’avait pas hésité à faire quand les disponibilités budgétaires le permettaient, mais qu’il ne pourra certainement pas assumer en ce temps de déclin des recettes pétrolières.
 
Saisissant l’opportunité de cette crise financière l’Etat a, de ce fait, décidé d’en faire le moins possible en matière de prise en charge de la production d’habitat en se déchargeant autant que nécessaire sur les promoteurs privés et les banques.
 
Le nouveau modèle de croissance consacre à ce titre la promotion immobilière privée comme un des principaux pourvoyeurs de logements neufs destinés, aussi bien, à la vente, qu’à la location. Il signe ainsi la fin de l’Etat providence qui, non seulement, finançait le logement social, mais aussi, le réalisait directement au moyen de ses propres promoteurs que sont, notamment, les OPGI. Dorénavant, le logement ne sera plus, sauf exception, considéré comme un bien social, mais comme un bien économique que les acquéreurs (acheteurs ou simples locataires), devront solvabiliser au moyen de leurs revenus, soutenus, si nécessaire, par des aides ciblées de l’Etat et des  crédits bancaires.
 
A la différence des programmes passés qui étaient, pour l’essentiel, exclusivement financés par le trésor public, les prochains projets d’habitat seront, autant que possible, l’œuvre de promoteurs privés bénéficiant de mesures incitatives de l’État (facilités d’accès au foncier, taux d’intérêt préférentiels etc.) et, fortement soutenus par les banques.
 
L’entrée en lice des banques sous-entend que les futurs acquéreurs devront cette fois mettre la main à la poche pour participer au financement de leur logement, l’État n’intervenant que pour les solvabiliser au moyen d’aides frontales octroyées sous certaines conditions et au gré de leurs revenus,  par la caisse nationale du logement (CNL). Cette approche théoriquement séduisante ne manquera malheureusement pas de buter sur un certain nombre d’obstacles.
 
Le premier et, sans doute le plus difficile à surmonter, a trait à l’importance considérable de demandeurs insolvables que l’État ne pourra à l’évidence jamais satisfaire en totalité. En effet, dans un pays ou plus de la moitié de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, il est impossible d’accorder à toutes les personnes nécessiteuses les aides auxquelles elles pourraient de par la réglementation en vigueur prétendre (aides frontales à la construction octroyées par la CNL, subvention au loyer, etc.).
 
Le nombre de citoyens (50 000 par an environ) qui pourraient tirer profit du dispositif actuel d’aide au logement paraît dérisoire au regard du nombre autrement plus élevé (environ 120 000) de personnes ayant besoin d’un soutien multiformes de l’Etat pour accéder au logement.
 
Le second obstacle et, non des moindres, a trait à la difficulté de cerner la demande solvable, à savoir, le nombre précis de citoyens capables d’acquérir un logement par leurs propres moyens ou au moyen d’emprunts bancaires que le niveau et la régularité de leurs revenus permettraient naturellement d’obtenir.
 
Deux contraintes majeures ont en effet brouillé encore davantage la visibilité au cours de ces dix dernières années. Il y a d’abord la forte érosion du pouvoir d’achat des classes moyennes censées constituer l’essentiel de la demande solvable. La très lente évolution des salaires et la hausse généralisée des prix à la consommation ont en effet laminé leur capacité d’épargne et, par conséquent, leur prétention à acquérir un logement aux conditions imposées par le marché et par les banques. Il y a ensuite la cherté des logements qui résulte des coûts de construction excessivement élevés et de la cherté du crédit immobilier (taux d’intérêt pouvant dans certains cas atteindre 10%).
 
Pour qu’elle puisse répondre aux capacités financières du plus grand nombre, la promotion immobilière a par conséquent plus que jamais besoin d’être reformée à travers, notamment, les politiques de crédit et de refinancement mieux adaptées.
 
Il faut en effet se rendre à l’évidence que ceux qui disposent de la capacité financière requise ne se bousculeront pas aux guichets des promoteurs immobiliers, principalement en raison des prix de vente pratiqués (entre 150.000 et 200.000 Da le m2 habitable), bien souvent sans rapport avec la qualité à peine moyenne du bâti. Les demandeurs suffisamment nantis préféreront alors se rabattre sur des terrains à bâtir avec l’espoir qu’ils pourront y édifier, au gré des disponibilités financières, un logement à leur goût et, pourquoi pas, à moindre coût.
 
Au risque de se retrouver, comme c’est déjà le cas, avec des logements promotionnels invendus (plus de 80.000 logements ne trouveraient pas d’acquéreurs selon certains médias), il est important que des actions à l’initiative des promoteurs immobiliers et de l’Etat, soient rapidement engagées pour améliorer la solvabilité de cet important segment de la demande.
 
Les banques qui ont, à l’instar du CPA et de la Cnep-Banque, commencé à améliorer le processus d’octroi de crédits immobiliers, pourraient de leurs côtés envisager des montages financiers sur une durée d’amortissement plus longue, des taux d’intérêts moins lourds, un apport initial moins conséquent, une limite d’âge d’accès au crédit moins restrictive et, surtout, l’élargissement de l’octroi du crédit logement aux cadres titulaires de contrats à durée déterminée (CDD) aujourd’hui totalement exclus.
 
C’est une aberration à laquelle il faut rapidement mettre fin car l’écrasante majorité de nos cadres sont aujourd’hui recrutés sur la base de contrats à durée déterminée qui tendent malheureusement à être nombreux du fait d’une privatisation de plus en plus prononcée de l’économie algérienne.
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