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En dépit de l’image peu reluisante qu’il renvoie, le secteur privé exercer une véritable fascination au niveau de la société où pratiquement chaque algérien rêve de concrétiser « l’affaire » qui le gratifiera d’une aisance financière et d’un statut social valorisant. Dans l’imaginaire collectif, mais sans doute encore plus, chez les jeunes qui n’ont pas vécu l’époque socialiste durant laquelle le privé était à peine toléré, le fait de devenir chef d’entreprise représente aujourd’hui une chance de promotion sociale, une source d’enrichissement personnel, l’occasion de mettre en application des connaissances et des talents, en dépit des obstacles bureaucratiques qui ne manquent jamais de surgir dés leurs premiers pas dans le monde des affaires. Les opportunités offertes par les dispositifs étatiques de créations de micro entreprises (ANSEJ, CNAC, ADS, etc.) susciteront du reste un très fort engouement, notamment chez les jeunes diplômés, très nombreux à vouloir s’installer à leurs comptes en entamant le plus souvent leur carrière d’entrepreneur par des « startups ».
A cet effort de création d’entreprise la palme revient surtout aux Femmes qui, parties de rien, ont réussi à mettre au monde et dans une société qui leur est franchement hostile, prés de 150.000 sociétés parmi lesquelles de for nombreuses « succès stories » qui n’ont déjà rien à envier aux quelques entreprises publiques jugées performantes. D’aucuns voient dans cet attrait massif pour la création d’entreprises personnelles, un signe précurseur de réhabilitation de l’entrepreneuriat privé. Le mode de gestion collectiviste qui avait prévalu durant trois décennies avait en effet forgé un état d’esprit beaucoup plus favorable au secteur étatique qu’au patronat privé, quand bien même, il était de notoriété publique que le premier réalisait de piètres résultats de gestion et que le second rendrait, malgré tout le discrédit jeté sur lui, d’inestimables services au pays. Tel que perçu, aujourd’hui encore, dans l’imaginaire collectif, un entrepreneur privé ne peut, en effet, réussir que s’il magouille ou bénéficie de soutiens indus de chefs d’entreprises publiques qui lui accordent des privilèges en termes d’octrois de commandes ou de bureaucrates qui lui rendent l’exercice de la gestion moins fastidieux.
Relayée par les discours des dirigeants politiques qui, au gré de leurs affinités idéologiques, prennent position pour l’un ou pour l’autre camp, la dualité entre le public et le privé reste encore vivace aujourd’hui. Autant les réformateurs des années 1990, tenaient un langage favorable au secteur privé en mettant en évidence, notamment, ses performances productives, son efficacité et sa capacité d’innovation, contrairement aux entreprises publiques qualifiées d’insolvables et de budgétivores, autant les autorités actuelles semblent plutôt privilégier le secteur d’État qu’elles s’attèlent, du reste, à faire revire de ses cendres à coups de centaines de milliards de dinars d’assainissements financiers. En 2010 déjà, l’Office public d’études économiques et financières (ECOFIE) avait dressé une liste de 820 entreprises publiques économiques présentant des actifs nets négatifs. Le nombre d’entreprises publiques en situation réelle de faillite dépasserait allégrement le millier, selon des sources dignes de foi.
Ces entreprises qui avaient déjà bénéficié de coûteuses mesures de redressement dans les années 90, ont à nouveau été remises à flot à coups de centaines de milliards de dinars mises à leur disposition au titre de la loi de finance pour l’année 2011. L’effacement de leurs dettes estimées à environ 790 milliards de dinars, a contraint le Trésor public à débourser, de janvier à septembre 2011, pas moins de 113 milliards de dinars supplémentaires en faveur de leur assainissement financier et, pas moins, de 550 milliards de dinars pour soutenir leur développement, selon les chiffres communiqués par le ministre des finances au Parlement en novembre 2011.
Le ministre de l’Industrie et de la PME avait, quant à lui, affirmé au même auditoire que 1250 milliards de dinars avaient été consacrés au financement des programmes de développement d’une centaine d’entreprises publiques opérant dans les domaines de l’énergie, l’hydraulique et le BTPH de 2009 à 2011.
Les difficultés économiques et financières récurrentes des entreprises publiques n’étant pas essentiellement dues au manque de ressources financières, mais plutôt, au mode de gouvernance qui leur est imposé, tout porte à croire que tous ces capitaux que l’État leur a de nouveau injectés, ne permettront pas d’accroître leurs performances productives et, encore moins, de mettre fin à la chronicité de leurs déficits. De ce fait, ces renflouements périodiques semblent être beaucoup plus destinés à entretenir un clivage, aussi absurde que ruineux, entre les secteurs public et privé, qu’à une sincère volonté de remettre sur rails des entreprises irrémédiablement déstructurées, technologiquement déclassées et sans avenir commercial.
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