Plus de vingt cinq années après la promulgation de la loi sur la monnaie et le crédit, l’Algérie ne dispose toujours pas d’un marché des changes fonctionnant selon les règles universelles.
La Banque d’Algérie devait pourtant s’y employer dés la fin des années 90 avec la promulgation d’une batterie de textes régissant notamment le marché interbancaire de change et les bureaux de changes. Si les bureaux de change ne trouvent à ce jour pas avantage à activer en raison des faibles marges qu’ils sont autorisés à prélever, tandis que le marché interbancaire, qui a été créé en 2000 fonctionne beaucoup plus comme une administration, sous tutelle de la Banque d’Algérie, que comme un espace où se confrontent quasi naturellement offres et demandes de devises. Cette instance de laquelle on attendait beaucoup pour vulgariser la culture cambiste, n’a malheureusement jamais pu jouer convenablement son rôle, du fait qu’elle soit contrainte d’agir, non pas, en tant que place financière autonome, mais en tant qu’organe administratif assujetti à la Banque Centrale, seule habilitée à détenir et à faire commerce des monnaies étrangères.
En résultent des régimes de cotations forcément déterminés par la Banque d’Algérie qui peut faire fluctuer à sa guise les parités du dinar quand bien même ces dernières ne seraient pas le reflet exact de l’état général de l’économie algérienne.
Comme on l’a souvent constaté les taux de change issus des séances de citation de ce marché interbancaire, sous tutelle de la Banque d’Algérie, sont en effet déconnectés des grands agrégats macroéconomiques (inflation, réserves de changes, balance des paiements etc.), rarement pris en considération pour accorder une valeur qui correspondant objectivement au dinar.
Ce lien de causalité quasi universel n’a, malheureusement, pas cours en Algérie où l’on constate que mieux l’économie se porte et plus se fragilise sa monnaie. Un examen rétrospectif des taux de change pratiqués au cours de ces quinze dernières années, permet en effet de constater que le dinar était mieux coté dans la décennie 1990, période durant laquelle notre pays se débattait dans de très graves problèmes socio-économiques, qu’au cours de ces quinze dernières années d’aisance financière.
A titre d’exemple le dollar qui valait à peine 6O dinars en 1997, année où l’Algérie était en proie à une terrible crise de trésorerie et d’endettement, vaut aujourd’hui prés de 110 dinars en moyenne, alors que le pays n’a pratiquement pas de dette extérieure et dispose en dépit de la chute des revenus pétrolier d’une réserve de change encore très confortable d’environ 12O milliards de dollars.
Pour quelle raison, la Banque d’Algérie tient elle à maintenir le dinar en situation de faiblesse, autrement dit, à le sous coter par rapport aux devises et notamment les plus fortes d’entre elles, l’euro et le dollar ? La principale raison que la Banque Centrale algérienne semble appliquer comme un dogme, a trait à la politique monétaire qu’avait imposée le Fonds Monétaire International à l’Algérie au plus fort de la crise des années 90, en lui recommandant notamment d’avoir un dinar faible pour inciter les sociétés étrangères à investir en Algérie, stimuler les exportations hors hydrocarbures et doper le budget de l’État par simple conversion en dinars des recettes d’hydrocarbures libellées en dollars.
.Il y a également à la base du maintien du dinar à un niveau bas, la très contestable crainte qu’un dinar fort exacerbe les importations et pénalise les exportations qui, faut il le rappeler, sont aujourd’hui insignifiantes en dépit d’un dinar en constante dérive.
D’où son maintien d’autorité, à un niveau exagérément bas, en total déphasage par rapport à la bonne tenue des agrégats les plus significatifs de l’économie algérienne. Il est vrai qu’on voit déjà poindre certains signes avant coureurs d’une crise de liquidités qui se profile sous l’effet du déclin des cours du pétrole mais leur impact sur l’économie reste pour l’instant globalement insignifiant.
L’absence d’un authentique marché du change, l’interventionnisme de la Banque d’Algérie et les injonctions politiques ont fait de la cotation du dinar, un acte beaucoup plus administratif qu’économique. Et c’est, précisément, cette ingérence de la sphère politique dans le champ économique et financier qui a perverti le marché interbancaire des changes, dont ne tiennent aujourd’hui compte que les opérateurs du commerce extérieur qui n’ont pas d’autres choix. Il est en effet de notoriété publique qu’une bonne partie des demandeurs et offreurs de devises, préfèrent s’adresser au marché parallèle de la devises qui brasserait, selon les estimations, entre 3 et 4 milliards d’euros par an.
La banque d’Algérie avait en projet un certain nombre d’actions déterminantes pour la mise en place progressive d’un authentique marché des changes en Algérie, parmi lesquels le marché des changes à terme qui permettrait aux entreprises de se prémunir contre la versatilité des monnaies étrangères. Si les déclarations d’intentions sont fréquentes, la Banque d’Algérie nous a habitués à ne jamais tenir ses promesses.
Comme elle n’a jamais mis à exécution ses promesses d’autoriser l’ouverture de guichets de change, ni celle d’augmenter le montants des allocations devises (touristiques, études, soins et autres) on ne voit pas ce qui peut objectivement la pousser à autoriser le marché des changes à terme, qu’elle vient de promettre aux opérateurs économiques.
Actuellement tout semble en effet être fait pour encourager les demandeurs de devises à s’adresser au marché parallèle qui n’arrête pas de prospérer au grand jour.