La forte dépendance de l’Algérie à l’égard des recettes pétrolières, qui sont volatiles, imprévisibles et appelées à tarir, complique considérablement les politiques budgétaires nationales.
Pour y faire face, l’Algérie doit faire un choix bien difficile : faut-il continuer à dépenser plus en subventions pour permettre aux citoyens d’avoir une énergie bon marché, ou faut-il diminuer, voire éliminer, les subventions à l’énergie et laisser le marché s’autoréguler?
La chute des prix du pétrole à laquelle on assiste relance le débat sur la pertinence des subventions à l’énergie et sur la nécessité d’entreprendre sereinement des réformes avant d’y être contraint par la force des choses.
Exposé des motifs :
Face à une croissance substantielle de la consommation nationale (interne) en produits énergétiques (gaz, électricité, carburants), du déclin de la production nationale en pétrole & gaz et de la régression des exportations des hydrocarbures, l’avenir énergétique de l’Algérie suscite des inquiétudes.
Ce modèle de consommation énergétique est insoutenable, nous allons tout droit vers une incapacité à maintenir un rythme d’exportation d’hydrocarbures susceptible de financer notre développement économique.
Devant cette situation et compte tenu de la reconfiguration du contexte énergétique national des questions d’importance sur les mutations énergétique à venir se posent :
- Quel modèle de consommation énergétique pour l’Algérie ?
- Quelles incidences induiraient concrètement les subventions à l’énergie ?
- Que faire pour rationaliser la consommation interne d’énergie?
- Comment réduire et/ou éliminer les subventions à l’énergie ?
Contexte énergétique national : Problématique posée
Avec une population de 40 millions d’habitants en 2015, la consommation énergétique de l’Algérie en interne a atteint 58 millions de tonnes équivalents (Tep), elle était de 17 millions (Tep) en 2005 pour 33 millions. Elle a ainsi été multipliée par quatre en l’espace de 10 ans (soit une facture énergétique d’environ 40 milliards de dollars). Elle devrait, selon les prévisions du secteur de l’énergie et si le rythme de consommation se poursuit, doubler à l’horizon 2030, voire, tripler à l’horizon 2040.
La forte hausse des besoins énergétiques au niveau national, se traduira forcément par une diminution des exportations, et donc par une diminution des recettes financières si, parallèlement, aucun effort allant dans le sens de l’économie d’énergie ne serait entrepris.
Avec un scénario laisser-faire, la production totale d’énergie risque d’être égale à la consommation interne d’énergie à l’horizon 2030 !!!
L’Algérie est le 4ème consommateur d’énergie en Afrique avec l’équivalent d’un peu plus d’une tonne équivalent pétrole(1,15 Tep) par habitant et par an, derrière l’Afrique du Sud(2,8Tep), la Libye(2,18Tep) et le Gabon(1,25Tep).
L’intensité énergétique a atteint 0,35 tonne équivalent pétrole(ou la consommation énergétique par unité de PIB est de l’ordre de 0,176tep/1000$ de PIB en 2014), soit deux fois plus que celles des pays de l’OCDE (organisation de coopération et de développement économique). Cet indice ne fait que se dégrader depuis 2004. En termes plus clairs, nous gaspillons de plus en plus d’énergie ces dix dernières années.
Aussi, il y a lieu de signaler, que la consommation moyenne d’énergie de l’algérien est le triple de la moyenne mondiale.
L’économie nationale consomme le double d’énergie pour créer la même unité de valeur ajoutée (selon l’agence nationale APRUE).
Dans ce cas, faut-il continuer à le consommer et/ou à le rationaliser? Ou bien, réfléchir à des solutions alternatives ou de substitutions dans un futur proche !
Problématique des subventions à l’énergie: l’opportunité de la réforme !
Les subventions à l’énergie en Algérie absorbent 30% du budget de l’Etat et 11% de son PIB. Elles s’élèvent à environ 1500 à 2400 milliards de dinars (soit environ 10 à 20 milliards de dollars), selon la banque mondiale.
Certains pays exportateurs de pétrole commencent à comprendre qu’il leur faut mettre en œuvre des réformes visant à renforcer l’efficacité économique et la compétitivité, mais aussi et surtout, rationaliser et abandonner progressivement à moyen terme les subventions inefficaces accordées aux combustibles fossiles qui encouragent la surconsommation. Plusieurs pays exportateurs de pétrole étudient actuellement de près la possibilité d’éliminer les subventions à l’énergie.
Les prix de l’énergie et la consommation :
L’augmentation de la consommation nationale d’énergie en Algérie est beaucoup plus encourager par les prix bas de l’énergie que par la poussée démographique. L’augmentation des prix de l’énergie est inévitable !!!
Lorsque les prix mondiaux de l’énergie étaient bas, dans les années 80 et 90, les pays exportateurs trouvaient qu’il était facile de partager la manne pétrolière en offrant l’essence, le gasoil ou le gaz à leurs consommateurs nationaux. De plus les ressources énergétiques abondantes et bon marché ont attiré les investissements et permis de créer les emplois si nécessaires. Tant que les prix de vente nationaux couvraient les coûts de production, la question des subventions à l’énergie ne se posait pas.
Les choses ont beaucoup changé depuis dix ans. Au niveau mondial, la hausse des prix de 29 dollars en 2003 à environ 145dollars en 2008 a fait augmenter le coût des subventions aux produits pétroliers.
Les prix de l’énergie qui sont fixés par décret exécutif, sont en moyenne de 21 à 23DA le litre d’essence et 780DA les 1000 m3 de gaz naturel pour le public(2015). Ce qui correspond à environ 40-50 dollars de baril d’essence et à une moyenne de 4 dollars le million de BTU. On voit donc que l’algérien consomme un produit raffiné deux fois moins cher que le pétrole brut, à 100 dollars le baril, et un gaz 25 fois moins cher que le gaz algérien vendu en Europe. Il n’y a aucune corrélation entre les prix.
Augmentation des prix de l’énergie pour l’industrie : est-ce suffisant ?
Il y a lieu de signaler, qu’en Algérie, les secteurs gros consommateurs d’énergie sont les secteurs du transport, des ménages & tertiaires « c’est des secteurs énergivores par excellence » qui représentent 80% du bilan énergétique national :
- Le secteur des ménagers & tertiaires, qui représente 44% du bilan énergétique national, occupe la 1ère place en terme de consommation d’énergie ;
- Le secteur des transports avec 36% de la consommation finale d’énergie, occupe la 2ème place ;
- Ensuite vient le secteur de l’industrie, qui occupe la 3ème place, avec moins de 20%.
Les transports dépendent aujourd’hui à 95% du pétrole, dans un pays où une option fondamentale du modèle national de consommation énergétique (élaboré en 1983) recommande l’usage des formes d’énergies les plus disponibles et les moins entamées.
Quant aux ménages, 60% de l’énergie qu’ils consomment, c’est de l’énergie électrique produite (selon Sonelgaz), quand on sait que plus de 98% de la production électrique se fait à partir du gaz naturel !
La révision des prix de l’énergie doit se focaliser sur les secteurs gros consommateurs d’énergie qui ont un impact significatif sur la demande interne d’énergie.
La question qui reste posée, c’est comment en finir avec une énergie bon marché, sans pénaliser les ménages et sans faire perdre à l’économie nationale l’un de ses rares avantages comparatifs.
Aussi, le problème posé par cette évolution de consommation d’énergie peut s’exprimer simplement ainsi: comment ralentir la consommation d’énergie sans sacrifier les bénéfices apportés en termes de développement économique et social ? La solution est à la fois simple est complexe. Les moyens disponibles sont nombreux, mais les moyens adaptés aux contextes spécifiques à l’Algérie méritent d’être bien pensés.