Les entreprises évoluent aujourd’hui dans un environnement qui connait des bouleversements majeurs : dérégulations, concurrence accrue, mondialisation, innovations technologiques,… Cela pousse les entreprises à s’interroger sur leurs modes de gestion et d’organisation.
Face à ces défis majeurs, le changement devient une condition fondamentale de survie à laquelle les entreprises ne peuvent plus se soustraire ; survie qui se trouve de plus en plus dépendante de leur capacité à changer.
De ce fait, il ne s’agit plus pour les entreprises de chercher un mode de stabilité mais plus d’acquérir une capacité à modifier leur mode de fonctionnement.
Cet article est le troisième d’une série que nous proposons pour comprendre le concept de changement et son évolution.
Le changement prend différents aspects et fait l’objet de différentes désignations : restructuration, réorganisation ou ré-ingénierie des processus. Peu importe le vocable utilisé, le changement managérial constitue une démarche entreprise par une organisation en vue de favoriser une remise en question et une redéfinition en profondeur de ses processus et de ses structures dans une optique d’accroissement de son efficacité et de réduction de ses coûts.
Cela nécessite une mobilisation de la ressource humaine autour du projet de changement qui peut avoir des appréhensions par rapport au risque de perdre un existant connu et se projeter dans un futur incertain. « Face à cette situation tous les acteurs ne sont pas enclins à prendre ce risque et peuvent développer des résistances de manière active ou passive (AUTISSIER & MOUTON, 2007) ».
Qu’est-ce que la résistance au changement ?
Le terme résistance au changement remonte aux auteurs COCH ET FRENCH, qui, en 1948, publiaient un article dans la revue Human Relations, intitulé «Overcoming resistance to change ». Ils présentaient la résistance comme un phénomène individuel à surmonter par les gestionnaires et encourageaient ces derniers à utiliser des méthodes de participation.
Mais que signifie résistance ? L’analyse linguistique et documentaire révèle diverses origines fortes intéressantes et inédites du mot «résistance».
En latin, l’origine du mot resistere, sistere signifie s’arrêter. Le fait de résister, c’est opposer une force ou une capacité à une autre afin de ne pas subir les effets d’une action.
La résistance d’un matériau signifie donc sa dureté, sa fermeté et sa solidité. En botanique, la résistance d’une plante est son aptitude à supporter les intempéries. Une personne peut être résistante à la fatigue, par exemple en voyage, ce qui est synonyme d’endurance.
Alors que ces caractéristiques apparaissent plutôt positives, il semble en être tout autrement dans le contexte du changement organisationnel où le terme «résistance» indique le refus d’accepter un changement et se caractérise par des comportements visant à entraver le changement, à y nuire ou à y faire obstacle.
La résistance (des personnes) au changement managérial est alors définie, comme l’expression implicite ou explicite de réactions de défense à l’endroit de l’intention de changement (COLLERETTE, DELISLE ET PERRON, 1997, p. 94). Selon A.GOSSELIN (1996, p. 486), la résistance au changement est « l’attitude individuelle ou collective, consciente ou inconsciente, qui se manifeste dès lors que l’idée d’une transformation est évoquée et représente une attitude négative adoptée par les employés lorsque des modifications sont introduites dans le cycle normal de travail…»
La résistance au changement serait, selon la conception classique du terme, une réaction foncièrement négative à l’égard du changement.
Les manifestations de la résistance au changement se regroupent autour de certains comportements et prennent différentes formes : les formes actives et passives et les manifestations individuelles et collectives. On y trouve notamment les refus, la critique immédiate, les plaintes, les revendications, les pratiques parallèles, l’indifférence, le blocage de l’information, les rumeurs et l’obéissance aveugle.
Les causes de la résistance au changement : Les causes sont les motifs, les raisons qui poussent les gens à agir de telle ou telle façon. Si on veut résoudre un problème de résistance au changement, il est primordial de les identifier afin que les recommandations soient justes et efficaces. Cette fois-ci, la littérature est beaucoup plus exhaustive. Voici les causes qui sont les plus souvent invoquées :
Les causes organisationnelles : Si les causes immédiates de la résistance sont au niveau des individus et de leurs perceptions, les causes de ces changements d’attitude ou de comportements sont bel et bien au niveau des changements induits par l’organisation.
Lorsque les gestionnaires font appel à des changements organisationnels, ils le font dans le but d’optimiser la performance de leurs employés et pour être plus compétitifs dans un marché où la clientèle devient de plus en plus exigeante.
Ils perçoivent ainsi le changement comme étant la voie qui permet de survivre à la concurrence. Ils peuvent atteindre cet objectif en procédant à une modification technique, soit dans sa forme verticale (innovation) soit dans sa forme horizontale (méthode).
Ils peuvent aussi restructurer et modifier les flux d’activités. Concrètement, ceci conduit la plupart du temps à modifier le contenu des tâches soit dans sa forme verticale (par exemple, variation des responsabilités au niveau de la planification, de l’exécution ou du contrôle) soit dans sa forme horizontale (modification ou élargissement des tâches par exemple).
Cela peut aussi modifier la charge physique de l’emploi (plus d’efforts, accélération des cadences par exemple), la charge mentale (plus de calculs à effectuer), les risques de l’emploi, sa rémunération ou d’autres facteurs de l’environnement (lumière, chaleur, bruit) auxquels l’employé est sensible. Cette typologie générale englobe bien les trois causes organisationnelles répertoriées à partir des études de cas soit les changements techniques, les changements de méthode et les changements de taux.
Les deux premières sont au niveau des changements organisationnels qui ont des impacts sur l’organisation du travail alors que le troisième est déjà au niveau de l’organisation du travail.
Mais comme le montre la typologie précédente, il y en a bien d’autres comme la modification des cadences ou la modification des tâches qui sont susceptibles de conduire à la résistance.
Les causes individuelles : Plusieurs auteurs expliquent que la résistance survient lorsque les changements impliquent de passer d’une situation connue à une autre inconnue. Elle est causée par le transfert des expériences de changement antérieures, de la peur ou des inquiétudes que les individus ont expérimentées. Les causes peuvent également être des visions compétitives, des intérêts conflictuels, le désir de statu quo, le changement de tradition, l’identification de perspective marginalisée, l’affaiblissement cognitif (ARGYRIS, 1994) qui sont tous des sources individuelles de résistance au changement organisationnel.
Dans leur article, C.BAREIL et A.SAVOIE (1999) reprennent plusieurs causes déjà énumérées par d’autres. Notamment, celles de la peur, de l’insécurité, l’incompréhension du changement et la méfiance. Elle continue par le fait que la modification de l’environnement familier crée incontestablement de l’insécurité. D’autant plus que les individus détestent sortir de leur zone de confort. Les gens ont peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas être capables de s’adapter au changement. Enfin, ces derniers ne voient pas l’avantage du changement surtout s’ils n’ont aucunement été consultés.
En nous appuyant sur ce qui a été rapporté à plusieurs reprises plus haut, nous croyons qu’il y a un lien entre le passage du connu à l’inconnu, la peur, l’insécurité, la méfiance….
Ces sentiments sont à l’origine de la résistance. Lorsque les employés se sentent inconfortables dans une situation donnée, que la communication n’est pas fluide avec les gestionnaires ils deviennent de plus en plus réfractaires afin de se faire entendre, de sentir une certaine considération auprès de l’administration.
Enfin, nous avons la complexité des tâches à accomplir, qui s’explique par le fait que les gestionnaires établissent de nouvelles méthodes de travail. Si ces dernières sont perçues comme étant complexes par les employés ceux-ci vont exiger des contreparties pour l’exécution de ces tâches ou alors ils résisteront.
Pour résumer nous pourrions dire qu’au niveau des causes individuelles, apparaissent des caractéristiques telles que l’intolérance et l’ambiguïté, la préférence pour la stabilité, la peur d’être incapable de s’adapter, l’insécurité, l’anxiété, la crainte de l’inconnu ou la perte de contrôle.
Par contre pour les causes organisationnelles, c’est-à-dire celles qui empêchent la construction d’un nouveau système organisé de se mettre en place, on note la culture d’entreprise (si le changement véhicule des valeurs divergentes), la structure, l’historique négatif des changements passés, l’absence de participation et de confiance envers la gestion, un leadership ambivalent ou déficient, une capacité faible de l’organisation à changer.
D’autres causes réfèrent davantage aux dimensions sociale, culturelle ou politique. Elles traitent de la perte de droits acquis, de normes sociales, de valeurs, de jeux de pouvoir, de groupes d’intérêts et de coalitions dominantes.
Plusieurs causes renvoient plutôt à la qualité de la mise en œuvre du changement où l’on relate des déficiences par rapport aux communications, à la formation, à la légitimation, à la réalisation du changement, à la structure de pilotage, au scénario, à l’approche ou au modèle de changement, au rythme et au temps d’adaptation ou aux ressources disponibles.
En conséquence, la résistance demeure difficile à prédire : elle peut tout autant survenir dès l’annonce d’un changement, en cours de mise en œuvre ou plus tard, après son implantation. Comment faire face au phénomène ?
Faire face à la résistance :
Pour désarmer les résistances, W.BENNIS (1969), propose de prévenir, de sensibiliser et d’écouter les acteurs afin de faire basculer les énergies des résistants vers le changement
Plusieurs travaux et analyses ont proposé des mesures permettant de diminuer le degré de résistances au changement. Ainsi, J.P.KOTTER & L.A.SCHLESINGER (1983) proposent cinq approches pour limiter les résistances
L’information : Les résistances peuvent provenir du fait du manque d’information. Les auteurs proposent alors de sensibiliser et d’informer les acteurs concernés sur le changement afin qu’ils voient l’intérêt d’une telle décision.
De ce fait, l’amélioration de la communication permet de diminuer les rumeurs non fondées et incorrectes concernant les effets du changement. Les raisons du changement étant expliquées, cela génère des échanges entre acteurs, propices à la diminution du stress engendré par sa mise en œuvre…
L’implication : L’implication de tous les acteurs est nécessaire pour optimiser l’appropriation du changement. La participation comme une solution possible à la résistance a été avancée par d’autres auteurs, comme P.R.LAWRENCE (1969) qui invite les managers à mettre l’accent sur les modifications réelles engendrées par le changement dans les interactions sociales au sein de l’organisation.
Pour ce faire, cet auteur propose le dispositif d’implication des acteurs et leur participation au changement envisagé.
Une participation qui doit être, selon P.R.LAWRENCE (1969), accentuée par une communication claire du changement en usant d’un langage compréhensible pour tous.
L’appui de la direction : Le soutien de la Direction porteuse du projet de changement aux différents acteurs chargé de le mettre en œuvre est déterminant pour contrecarrer les résistances car il permet de limiter les craintes et l’inquiétude que vivent ces derniers en période de transition. De plus, un soutien en termes de formation des acteurs serait un moyen d’augmenter leur aptitude à affronter le changement.
L’incitation et la coopération: Il s’agit pour les initiateurs du changement d’offrir des incitations aux acteurs les poussant à changer. Des actions incitatives telles que par exemple, accorder des indemnités financières aux acteurs résistants.