Engagé en 1995 à la faveur du programme d’ajustements structurels imposé par le FMI, puis volontairement suspendu en 2009 au moyen de la loi de finances complémentaire de l’année 2009, le processus de privatisation n’a guère brillé par le nombre d’entreprises publiques totalement ou partiellement cédées à des particuliers. Synthétisé dans le dernier ouvrage « Sortir de la crise » du professeur Abdelatif Benachenhou, le bilan établi par le ministère de l’Industrie paraît, en effet, bien maigre au regard de l’ambition et du volontarisme affichés, en ce temps là, par les autorités politiques en place.
Tout un dispositif législatif et institutionnel (loi sur la privatisation, Conseil de la Privatisation, Holdings Publics) avait, en effet, été mis en place pour faciliter le processus et désengager l’État des entreprises publiques qualifiées de « canards boiteux » en raison de leurs déficits chroniques et de leurs faibles performances productives. De graves divergences au sein du pouvoir apparaîtront malheureusement dés que les prix du pétrole se sont mis à remonter au début des années 2000, en même temps que s’exacerbaient les tensions entre les prétendants aux privatisions les plus juteuses. La loi sur la privatisation fut de ce fait abrogée, le Conseil de la Privatisation supprimé et les Holdings publics remplacés par des Sociétés de Gestion de Participation dénuées des pouvoirs de propriétaires.
Le processus de privatisation marquera le pas durant plusieurs années avant d’être officiellement suspendu par une disposition de la loi de finances complémentaire pour l’année 2009. Pour toutes ces raisons, l’Algérie réalisera un bien maigre bilan des opérations de privatisation. Sur un peu plus d’un millier d’entreprises figurant dans les divers programmes de privatisation officiellement arrêtés par le gouvernement et les institutions concernées, seules 443 unités économiques ont, en effet, concrètement fait l’objet d’un désengagement total ou partiel de l’Etat.
Les privatisations totales ont affecté 220 unités de production et ont été de loin les plus nombreuses, suivies par les cessions d’actifs aux salariés et autres bénéficiaires au nombre de 173 alos que les privatisations partielles et les partenariats n’ont touché que 6O entreprises.
Les privatisations totales qui accaparent la part du lion (environ 50% des opérations) ont affecté essentiellement les petites unités de production agroalimentaires en grande partie achetées, dans des conditions très difficiles, par des opérateurs algériens. Le processus de cession n’a, dans la majorité des cas, abouti qu’après plusieurs années de pénibles tractations auxquelles n’ont pu résister que les plus déterminés d’entre eux.
Les privatisations partielles et le partenariat n’ont pas eu le succès qu’ils méritent en tant que possibles pourvoyeurs d’innovations patrimoniales et managériales par de solides repreneurs, notamment étrangers. Les partenariats avec de grandes firmes étrangères qui ne furent pas nombreux (à peine 6) n’ont touché que les grandes entreprises publiques, dont une (Mittal-Sider Annaba), vient d’être récupérée à grands frais par l’État. L’écrasante majorité des autres partenariats conclus, sont des associations entre petites entreprises publiques et des opérateurs privés locaux.
Les cessions d’actifs aux travailleurs et autres repreneurs sont celles qui ont posé le moins de problèmes, l’intérêt manifeste des repreneurs étant d’avance porté sur les actifs immobiliers, le matériel de travaux publics et les équipements rentables. Quant aux travailleurs qui ont bénéficié d’une partie des actifs de leurs entreprises, force est de constater que ces derniers furent nombreux à revendre aux plus offrants les biens qu’ils avaient acquis à des prix modérés.
Le processus de privatisation n’ayant pas été fructueux, le désengagement de l’État des entreprises publiques économiques n’a pas pu s’opérer de manière aussi forte que dans la plupart des pays qui avaient engagé la même initiative, à la même période. De ce fait, l’Algérie demeure aujourd’hui encore empêtrée dans une coûteuse tutelle d’entreprises publiques insolvables auxquelles il faut allouer périodiquement des sommes considérables pour ne leur assurer au bout du compte qu’un éphémère équilibre.
Plus de 20 milliards de dollars furent alloués à perte à leur assainissement financier qu’il faudra, compte tenu de la dégradation continue de leurs comptes, nécessairement poursuivre dans les toutes prochaines années, sans pour autant garantir un redressement durable.
Il est tout même intéressant de savoir que la période la plus faste en matière de privatisations fut celle du démarrage des réformes économiques au début des années 1990. Près de 700 entreprises publiques locales (EPL) furent dissoutes en moins de trois années et leurs actifs vendus aux enchères sur la base d’un simple article de loi de finances complémentaire. C’est grâce aux équipements et biens immobiliers de ces défuntes entreprises que de nombreuses sociétés privées ont pu se constituer et prospérer à la faveur de la commande publique qui explosera quelques années plus tard à la faveur d’une spectaculaire hausse des prix des hydrocarbures. En matière de privatisation, la volonté politique est, à l’évidence, déterminante.