Le « Project Finance » , financement bancaire facilité où les banques deviennent partie prenante du projet sera le thème central d’une journée de conférences organisée à Oran le 28 janvier par la délégation du Forum des chefs d’entreprises (FCE) en collaboration avec le cabinet de conseil, Bravehill. Revenons avec la manager du cabinet, Doria Ameur sur ce concept qui se développe en Algérie.
Qu’est-ce que le Project finance ?
Pour rester simple, le Project finance (PF) appelé Financement de projet ou Financement à recours limité, est un type de financement où les banques ne demandent que très peu de garanties aux actionnaires du projet. La banque se rémunère sur les cash-flows (flux de trésorerie) du projet. En échange, la banque devient une réelle partie prenante du projet. Elle valide le Business Plan, met en place des sécurités (« covenants ») et s’assure de la pérennité du projet (notamment via la signature de contrats long terme avec des acheteurs).
C’est pour cela qu’il nous a semblé important de collaborer à l’organisation de la première édition de cette journée de conférences, appelée « Les rendez-vous de l’entreprise » qui auront lieu à Oran et qui visent à fédérer les acteurs économiques autour de thèmes qui les concernent. Nous nous sommes associés à la délégation du Forum des Chefs d’Entreprises à Oran qui est à l’initiative du projet.
Quels types de projets sont concernés par ce type de financement ?
En général, il s’agit de grands projets (supérieurs à 50 millions de dollars) et souvent dans la production de biens ou denrées de large consommation (électricité, matières premières, usine de liquéfaction de gaz, …) mais on ne peut pas restreindre le champ d’application, car même des parcs d’attractions ont été financés sur ce modèle. Une autre application avec des modalités différentes est possible dans le domaine des infrastructures, secteur qui sera d’ailleurs un des thèmes importants des conférences.
Quelles sont les spécificités d’application du Project finance pour les infrastructures ?
Pour cette application, il y a un type de Partenariat public privé (PPP) que l’on appelle Contrat de partenariat. C’est une forme répandue outre-méditerranée.
Dans ce système, l’administration publique (Etat, wilaya ou commune) abandonne le rôle de maître d’ouvrage du projet (route, école, stade, …) pour devenir client d’une prestation. Elle demande à un consortium de construire et d’exploiter un ouvrage, et paie en contrepartie un loyer. C’est un réel outil de discipline du projet, car en cas de retard de livraison du projet ou de mauvaise exploitation, l’entité publique applique une pénalité au loyer versé. Par ailleurs, une fois le loyer fixé, la personne publique ne supporte aucun dépassement budgétaire, c’est au consortium de gérer ses aspects financiers.
Si on prend l’exemple du stade de football de Bordeaux, la municipalité a signé un contrat de partenariat avec un consortium et a également utilisé plusieurs dispositifs pour réduire les loyers : ouverture d’espaces commerciaux et « naming » du stade qui portera le nom de la Matmut en échange d’une redevance de l’assureur.
Quel est l’avenir du Project finance en Algérie ?
Le Project finance est déjà présent car une institution la Banque extérieure d’Algérie (BEA) finance des projets de ce type depuis plusieurs années. Mais les banques (pour optimiser leur retour sur allocation de fonds) et les entreprises (pour présenter moins de garanties et bénéficier d’un meilleur effet de levier) sont de plus en plus nombreuses à solliciter ce type de projet parce qu’il est plus sûr et sécurisé. Il y a des banques qui ont financé en 2015 des projets sur ce modèle (je pense par exemple à Société Générale Algérie) mais il faut pousser tous les organismes bancaires à développer leurs structures crédit de manière à traiter des financements PF.
Quelles sont les structures et les ressources que doivent développer les banques pour mettre en avant ce type de financement ?
La principale ressource à développer c’est la ressource humaine. Les banques doivent disposer d’analystes qui décortiquent les Business Plans et la modélisation financière des projets. Toutes les hypothèses doivent être validées par des études de marché. Par exemple, s’il y a un risque prix, l’étude devra analyser la volatilité des prix de la matière première et du produit transformé pour développer des scenarios réalistes dans la modélisation du projet.
L’enjeu de la conférence c’est aussi ça : fédérer une communauté d’analystes crédit, de porteurs de projets, de consultants, d’institutions, … autour du thème pour favoriser l’émergence d’une expertise Project finance.
Interview réalisée par M.E.K