Pour faire face et lutter contre la propagation de la pandémie du coronavirus dans la vallée du M’zab, la communauté berbère des Mozabites, dans la wilaya de Ghardaïa dans le sud de l’Algérie, ont, dès l’apparition des premiers cas du covid-19 dans le pays et le début de la période de distanciation sociale, mis en oeuvre des mécanismes de protection et d’entraide, rapporte mardi l’agence russe Sputnik.
« L’instance coutumière qui régit les sept cités de la vallée a engagé une réflexion sur l’après-coronavirus et sur les moyens de faire face à la crise économique », souligne Sputnik, précisant que Ghardaïa, Beni Isguen, Melika, Bounoura, El Atteuf, Berriane et Guerrara sont régis, parallèlement aux autorités locales classiques, par des instances religieuse et sociales coutumières.
« Cette réactivité a été salutaire pour les habitants des sept cités »
Selon l’agence russe, le mode d’organisation de cette communauté lui a permis de prendre très rapidement des mesures de protection dès l’apparition des premiers cas de Covid-19 en Algérie. Doudou Bahmed, coordinateur général du Majliss Ba Abderrahmane El-Kourti, considéré comme le haut conseil des notables de la communauté mozabite, a estimé dans une déclaration à Sputnik que « cette réactivité a été salutaire pour les habitants des sept cités. »
« La mise en œuvre de notre stratégie en matière de sensibilisation et de mesures de protection s’appuie sur toutes les instances coutumières dans les ksours. Bien sûr, nous coordonnons nos actions avec celles des autorités sanitaires locales. Nous avons la possibilité de le faire avec plus de rigueur du fait de l’existence de ces instances coutumières qui jouissent de l’écoute et de l’attention de notre communauté. Les citoyens qui résident dans les ksours sont conscients de la situation, ils comprennent parfaitement la nécessité d’imposer des mesures de distanciation sociale », a expliqué le responsable du Majliss Ba Abderrahmane El-Kourti qui existe depuis plus de dix siècles.
Trois cas positifs dans les ksours
La wilaya de Ghardaïa compte trois cas de patients positifs résidents dans les ksours, a fait savoir Doudou Bahmed. Sputnik rappelle que le personnel médical de l’hôpital Brahim Tirichine de Ghardaïa mis en isolement fin mars dans un établissement hôtelier de la région, et qui avaient été en contact avec le premier malade sont rentrés chez-eux lundi 13 avril. Au plan national, le Comité scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie de coronavirus a fait état hier de 1.983 cas confirmés et de 313 décès.
De son côté, Brahim Cherifi, anthropologue, auteur d’une thèse de doctorat portant sur une étude d’anthropologie historique et culturelle qui a fait l’objet d’un ouvrage intitulé Le M’Zab (éditions Ibadica, Paris), a rappelé à Sputnik qu’au cours des deux derniers siècles, les ksour de la vallée du M’Zab ont été touchés par une série d’épidémies, essentiellement de choléra, de variole et de typhus. Il a également rappelé que les habitants avaient pour tradition de mettre les malades en isolement dans la palmeraie.
Mécanismes d’entraide et préparation de l’après-coronavirus
Selon Doudou Bahmed, des mécanismes d’entraide ont été mis en place pour venir en aide aux familles nécessiteuses. « Les instances coutumières connaissent toutes les familles qui sont dans le besoin. Elles ont droit à des lots de produits de première nécessité et à des médicaments. Pour cela, nous faisons appel aux commerçants et aux industriels qui sont les principaux donateurs. Nous avons également des procédures qui permettent d’intervenir auprès des familles qui pourraient être touchées par le coronavirus. Les mesures sont strictes: elles ne doivent surtout pas quitter leur domicile sauf pour les cas nécessitant une hospitalisation. La communauté se chargera de leur fournir des produits alimentaires et des équipes médicales leur rendront visite durant ce confinement strict », a-t-il expliqué.
Sur le plan économique, Doudou Bahmed a expliqué à Sputnik que « les opérateurs économiques ont été impactés par la crise sanitaire. Nous leur avons demandé de commencer à réfléchir dès à présent à ce que sera l’après-coronavirus ». « Sur le plan économique, nous devons gérer la crise qui se profile. À titre d’exemple, nous estimons que les autorités pourraient intervenir à travers certaines facilitations fiscales », a-t-il précisé.