Alors que la maladie infectieuse se répand lentement mais surement à travers le continent, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) multiplie les appels au respect scrupuleux des mesures d’hygiène pour limiter la contamination et sa propagation. Mais sur le continent où le faible accès à l’eau courante se pose avec acuité, principalement dans les centres urbains, des mesures comme le confinement vers lequel tendent de nombreuses nations pourraient se révéler inefficaces.
Le 22 mars 2020, le continent célébrait la journée mondiale de l’eau. Cette ressource naturelle qui suscite actuellement un fort intérêt des pays développés pour des besoins liés à l’agriculture est cependant encore difficile d’accès en Afrique pour des besoins primaires de consommation, d’hygiène et d’assainissement. Avec la crise de coronavirus que traverse le continent, la question de l’eau refait surface avec acuité et suscite des interrogations quant à la capacité des nations à combattre la maladie dans ces conditions précaires d’hygiène et d’assainissement. De nombreux pays ont relayé les mesures de prévention de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), notamment se laver les mains régulièrement avec du savon pour les préserver de tout germe. Même si elle ne figure pas dans les règles édictées par l’organisme mondial de la Santé et de nombreux Etats, garder sa maison et son espace de travail sain contribue également à limiter l’infection par coronavirus. L’eau y joue évidemment un grand rôle. Mais en Afrique subsaharienne, près de 60 % des populations urbaines, principaux foyers de la maladie, rencontrent des difficultés d’accès aux services élémentaires tels que l’eau, révèle le rapport mondial 2019 des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau: ne laisser personne pour compte. Cette réalité justifierait d’ailleurs pourquoi Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS, exhortait l’Afrique le 18 mars 2020 à se préparer au pire.
Hygiène et salubrité
« Se préparer au pire », en effet, car les centres urbains n’ayant pas accès à une infrastructure adéquate et à des services de base comme de l’eau potable, un assainissement et un drainage adéquats sont davantage susceptibles d’être touchés par des catastrophes naturelles, selon le think tank américain Center for Strategic and International Studies. Même le rapporteur spécial des Nation Unies sur le droit à l’eau potable et à l’assainissement, Léo Heller, et l’expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable, Livingstone Sewanyan, l’ont reconnu le 23 mars 2020. Ils ont soutenu que « la lutte mondiale contre la pandémie a peu de chance de réussir si l’hygiène personnelle, principale mesure de prévention de la contagion, n’est pas disponible ».
La crainte est que l’actuel faible accès des populations des zones urbaines à l’eau potable les rendent plus susceptibles d’être infectés. Une infection entraînerait des mesures d’isolement qui, si elles se multiplient, risquent d’ébranler les capacités médicales disponibles et d’entraîner une crise sanitaire encore plus grave. Au regard de la situation du continent en matière d’accès à l’eau dans les centres urbains, les mesures fortes tels que le confinement que prône l’OMS pour restreindre la propagation de la maladie risque de ne pas véritablement avoir d’effet dans les pays africains où les populations sont contraintes d’effectuer des réserves d’eau au quotidien.
Confinement
Pour quelques rares pays africains, conscients de leurs faiblesses en matière d’approvisionnement urbain en eau potable, mais qui ont quand même adopté le confinement au regard de l’évolution du nombre de victimes sur leur territoire, des mesures spéciales ont été prévues par le gouvernement. C’est le cas en Afrique du Sud où le président de la République, Cyril Ramaphosa, lors du décret de l’état de catastrophe nationale, le 20 mars 2020, a demandé à Lindiwe Sisulu, la ministre de l’Habitat, de l’eau et de l’assainissement, de répondre aux besoins urgents des populations en leur fournissant de l’eau et des installations sanitaires.
Au Cap oriental par exemple, 47 camions-citernes ont ainsi été acquis pour distribuer de l’eau dans les communautés identifiées pour connaître des pénuries d’eau. En outre, plus de 1000 réservoirs d’eau ont également été achetés et sont actuellement livrés à ces communautés Dans les autres provinces du pays, la même opération est mise en œuvre. Cette action louable, qui traduit la responsabilité du gouvernement sud-africain face à sa population, représente tout de même un important investissement ponctuel qui, s’il avait été engagé depuis dans l’extension du réseau d’adduction en eau potable, aurait contribué à résoudre une fois pour toute le problème d’une grande partie de la population. Or, une fois la crise passée, il est fort probable que ces mesures d’urgence soient abandonnées et que les populations replongent dans le besoin.
La crise de Covid-19, bien qu’elle soit à l’origine d’un nombre important de décès, d’un ralentissement de l’économie mondiale et qu’elle laisse présager des lendemains difficiles, se révèle toutefois un électrochoc salutaire pour de nombreux pays africains qui doivent prendre conscience de l’urgence de développer leurs infrastructures de base. Ces infrastructures ne garantissent pas uniquement le confort des populations mais jouent un rôle déterminant dans le développement socioéconomique. Sinon, ces pays payeront toujours un lourd tribut humain et économique à chaque catastrophe.
Ecofin