Une dette abyssale, des lignes déficitaires, une présidente controversée, South African Airways (SAA) est plongée dans une crise emblématique de la mauvaise gestion reprochée au chef de l’Etat Jacob Zuma, qui nourrit l’inquiétude des marchés financiers.
Si les causes du mal qui ronge la compagnie aérienne nationale continuent de déchirer la classe politique sud-africaine, le diagnostic fait l’unanimité.
SAA est au « bord d’un désastre absolu », a froidement résumé cette semaine le chef de l’opposition, Mmusi Maimane. Plus mesuré, le ministre des Finances Pravin Gordhan a concédé que l’entreprise était confrontée à « de graves défis liés à la gouvernance et à ses difficultés financières ». Signe de l’urgence, son gouvernement a été contraint la semaine dernière de voler à nouveau au secours de SAA en débloquant un prêt garanti de 4,7 milliards de rands (290 millions d’euros).
Selon l’Alliance démocratique (DA), le principal parti d’opposition, l’Etat y a déjà englouti près de 20 milliards de rands (1,2 milliard d’euros).
Soucieux de la bonne gestion de SAA, le ministre des Finances a promis de débrancher cette perfusion permanente et imposé à la compagnie une série d’obligations en échange du dernier prêt. « Ce ne sera pas +on continue comme d’habitude+ », a-t-il mis en garde. SAA doit notamment nommer un directeur financier, un poste vacant depuis novembre, fermer des lignes déficitaires comme celle reliant Johannesburg à Hong Kong, réduire ses coûts et enfin publier ses résultats.
Elle s’est pliée en partie vendredi à cette dernière obligation. Elle a révélé, avec deux ans de retard, que ses pertes pour 2014-2015 avaient atteint 4,7 milliards de rands, un véritable gouffre financier. Elles devraient approcher les 2 milliards pour l’exercice suivant, a prévenu M. Gordhan. « La compagnie doit redevenir rentable », a souligné le ministre devant le Parlement.
Son ordonnance est sévère mais certains doutent déjà qu’elle suffise à remettre sur pieds l’entreprise. Aux yeux de l’opposition, SAA souffre d’un mal plus grave, commun à nombre d’entreprises publiques: la mauvaise gestion des deniers publics par le gouvernement du Congrès national africain (ANC).
La crise à SAA « est symptomatique d’un problème plus large frappant les entreprises publiques. Nombre d’entre elles se sont éloignées de la culture du résultat », souligne à l’AFP Nick Binedell, professeur à l’université de Pretoria.
Les adversaires du pouvoir pointent du doigt l’incompétence de la présidente de la compagnie aérienne, une proche du chef de l’Etat. « Dudu Myeni a ruiné SAA et la décision du gouvernement de la reconduire est irrationnelle », s’est indignée la DA. Malgré les critiques, celle à qui la presse sud-africaine attribue une relation avec M. Zuma, démentie par la présidence, a été récemment reconduite à la tête de SAA. Le chef de l’Etat lui a même publiquement renouvelé sa confiance devant le parlement.
Ce soutien a sonné comme un nouveau camouflet pour M. Gordhan, qui s’était opposé à sa reconduction. Au-delà du seul cas de SAA, la bataille qui se joue au sommet de l’Etat pour le contrôle des entreprises publiques préoccupe sérieusement les marchés financiers.
La décision récente du gouvernement de confier au chef de l’Etat lui-même leur supervision, qui incombait principalement jusque-là au ministère des Finances, n’a fait que renforcer l’inquiétude.
Le gestionnaire de fonds sud-africain privé Futuregrowth a réagi en « suspendant tout nouveau prêt » à six grandes sociétés publiques, dont le fournisseur d’électricité Eskom.
Il a expliqué être « inquiet de la façon dont est géré » le secteur parapublic, « des luttes intestines au sein du gouvernement et des menaces pesant sur l’indépendance du ministère des Finances ». « Il n’y a pas de guerre entre la présidence et le Trésor », a tenté de rassurer M. Zuma cette semaine devant les députés, suscitant quelques rires ironiques.
Ces interrogations sur la capacité de l’Etat à gérer les entreprises publiques pourraient aussi contribuer à une baisse, d’ici à la fin de l’année, de la note financière de l’Afrique du Sud, l’économie la plus industrialisée du continent. Elles vont « peser dans la décision d’une dégradation de la note », assure à l’AFP l’analyste économique Peter Attard Montalto. Un scénario qui « affaiblirait encore la devise nationale », qui ne cesse de se déprécier et a perdu 8% au cours du dernier mois
Source : AFP