Le divorce est prononcé. Après 47 ans de vie commune houleuse, le Royaume-Uni est devenu vendredi le premier pays à quitter l’Union européenne pour écrire un nouveau chapitre, riche en incertitudes, de son histoire.
Cette fois, c’est fini. Il aura fallu trois ans et demi de déchirements pour que le grand saut dans l’inconnu, voté à 52% par les Britanniques en 2016, se concrétise.
Le Royaume-Uni doit désormais s’atteler à la tâche difficile de rebâtir des relations avec le bloc réduit à 27 et amputé de 66 millions d’habitants. Mais aussi les grandes puissances comme les Etats-Unis de Donald Trump qui lui font des appels du pied.
Parmi les premiers responsables étrangers à réagir, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a promis dans un tweet de « renforcer » les « relations déjà fortes » avec son allié historique.
Aux abords du Parlement de Westminster, après le compte à rebours des 30 dernières secondes précédant l’heure fatidique, une foule de milliers de personnes a exulté, applaudi, et entonné l’hymne national. « Formidable », « incroyable », s’enthousiasme Karen Ollerton, une retraitée venue du nord du pays. « On est entouré d’optimisme », ajoute-t-elle, espérant « que l’on puisse tous vivre en paix » et conclure « de bons accords commerciaux ». « On l’a fait! », a lancé l’europhobe Nigel Farage, acclamé par la foule.
Dans le nord eurosceptique de l’Angleterre, dans la ville de Morley, qui a voté à 60% pour le Brexit, le départ a été fêté en grande pompe, entre foisonnement de drapeaux britanniques et feu d’artifice. « J’attendais ça depuis 2016 », jubile Joshua Spencer, étudiant de 25 ans.
Peu avant la rupture, le Premier ministre Boris Johnson a prédit que le Brexit, dont il a été un promoteur acharné, serait un « succès retentissant », « quels que soient les obstacles ».
« La chose la plus importante à dire ce soir, c’est que ce n’est pas la fin, mais le début, le moment où l’aube pointe et le rideau se lève sur un nouvel acte », a-t-il ajouté, lyrique, promettant « le début d’une nouvelle ère de coopération amicale » avec l’Union européenne.
Le pro-Brexit Daily Express salue en une un « glorieux nouveau Royaume-Uni ». Le i, plus perplexe, s’interroge: « Et maintenant? »
Commerce, sécurité, pêche… Avec Bruxelles, les termes de la coopération doivent être définis d’ici à la fin de l’année. Dans les semaines à venir, des négociations qui s’annoncen
L’événement marque un nouvel épisode où tout reste à écrire; mais pas la fin des divisions qui ont fracturé le Royaume-Uni. Les Remainers gardent un goût amer, notamment dans les provinces britanniques qui ont voté majoritairement pour rester dans l’UE, en Ecosse et Irlande du Nord. « L’Ecosse reviendra au coeur de l’Europe en tant que pays indépendant », a tweeté la Première ministre indépendantiste écossaise Nicola Sturgeon, déterminée à lutter contre le refus de Londres d’autoriser un référendum sur l’indépendance.
A Edimbourg, le drapeau continuera de flotter après le Brexit devant l’assemblée locale, où des centaines de personnes se sont réunies vendredi soir pour dire leur opposition au départ de l’UE. « C’est une honte » que l’Ecosse quitte l’UE contre sa volonté, peste Joe Harrow, guide touristique de 62 ans.
A 55 ans, Boris Johnson peut savourer comme une victoire la concrétisation du Brexit, après avoir été élu à une large majorité en décembre sur cette promesse. Il a réussi là où la précédente locataire de Downing Street, Theresa May, avait échoué.
Se gardant de toute triomphalisme, le Premier ministre a insisté devant ses ministres sur sa volonté de « tourner la page des divisions » et « travailler à toute vapeur » pour rassembler le pays.
De Bruxelles à Berlin en passant par Paris, les dirigeants européens ont exprimé leurs regrets et leur détermination à trouver « le meilleur partenariat » possible » pour le Brexit qui porte un coup au rêve européen. « Un signal d’alarme historique » qui doit « nous faire réfléchir », a averti le président français Emmanuel Macron. « Au revoir et bonne chance », a tweeté le chef de la diplomatie irlandaise Simon Coveney.
Le jour a beau être historique, il n’entraîne pas de grand changement concret dans l’immédiat. Pour que la séparation se fasse en douceur, le Royaume-Uni continuera d’appliquer les règles européennes jusqu’au 31 décembre.
Le plus difficile reste à faire. Les complexes négociations sur les liens qui uniront Londres et Bruxelles en matière commerciale, de sécurité ou de pêche après la transition s’annoncent disputées.
Londres souhaite aboutir en un temps record, avant la fin de l’année, et exclut toute prolongation de la transition au-delà de 2020. Un calendrier jugé très serré à Bruxelles.
Boris Johnson, qui détaillera sa vision en début de semaine prochaine, a déjà clairement annoncé qu’il visait un accord de libre-échange du même type que celui signé par l’UE avec le Canada, sans alignement sur les règles communautaires, quitte à accepter des contrôles douaniers.
Bruxelles, qui craint une concurrence déloyale, a d’ores et déjà prévenu: sans « conditions équitables » en matière d’environnement, de travail ou de fiscalité, pas de « large accès au marché unique ».
Afp