L’équipe marketing de Francfort avait préparé un prototype de site internet pour attirer les banquiers londoniens, sans imaginer une seconde qu’il serait mis en ligne. Deux mois après le vote pour le Brexit, la page compte déjà 27.000 clics.
« Nous ne pensions même pas en avoir besoin », raconte à l’AFP Michaela Kahle, porte-parole du service marketing de la région, qui opère le site « Welcome to FrankfurtRheinMain« .
Passée la première surprise du référendum qui a vu la majorité des Britanniques opter pour le divorce d’avec l’Union européenne, l’équipe s’est rapidement mise au travail. Depuis le 24 juin, lendemain du vote, le site est en ligne et elle répond aux questions d’entreprises, grandes banques ou petites start-up de la finance, qui envisagent de déplacer leur siège de Londres vers la capitale financière allemande.
« C’est le tout début, les entreprises n’ont pas encore décidé quand, ou si elles allaient déménager », explique Mme Kahle. Mais les questions fusent sur les dispositions concernant les travailleurs étrangers, l’octroi des licences bancaires ou la place de l’anglais.
Certains ont déjà assuré leurs arrières. « Nous avons eu une grosse location de 10.000 mètres carrées », raconte Ralph Schonder, l’un des directeurs du cabinet immobilier Knight Frank, sans révéler le nom de son client. « C’est quelque chose qui ne se serait pas fait sans le Brexit », livre-t-il juste.
L’essentiel des candidats à la relocalisation devraient néanmoins attendre avant de trancher. Matthias Stanke, du cabinet immobilier Colliers International fait état de contrats « qui sont envisagés, dont on parle, mais cela se fera plus tard, quand la situation sera plus claire ».
« Les banques vont attendre que tout soit fixé », abonde Michael Kemmer, président de la fédération allemande des banques privées.
« Tout », c’est notamment la question du « passeport européen », un droit accordé aux acteurs financiers opérant avec une licence britannique d’effectuer des opérations en euros alors que le pays n’est pas membre du bloc monétaire. Avec la dérégulation du secteur financier initiée par Margaret Thatcher dans les années 80, la langue anglaise et sa culture cosmopolite et ouverte, le « passeport » a été un facteur essentiel du boom de l’industrie financière dans la capitale britannique.
Si Londres perd ce précieux sésame, nombre de firmes chercheront à se domicilier en zone euro. Mais Francfort n’est pas la seule à vouloir en profiter: Paris, Amsterdam ou encore Dublin sont sur les rangs aussi.
Siège de la Banque centrale européenne (BCE), du régulateur des assurances EIOPA et de pas moins de 198 banques, Francfort est déjà un grand nom de la finance. Parmi les autres avantages de la ville de taille plutôt modeste (700.000 habitants) figurent une bonne infrastructure, la stabilité des institutions et du système juridique allemand, ou encore un bon niveau d’anglais des gens.
« Personne ne se réjouit du Brexit », déclare M. Kemmer, « mais nous pouvons en profiter pour renforcer Francfort comme place financière ».
Il en appelle pour cela au gouvernement – fédéral tout comme régional. Parmi ses revendications: des mécanismes de soutien pour les start-ups de la finance, des textes de loi traduits en anglais, l’abandon officiel du projet d’une taxe sur les transactions financières.
L’Etat-région de Hesse, qui abrite Francfort, est bien conscient des chances qu’offre le Brexit. Une délégation autour de son ministre de l’Economie Tarek Al-Wazir s’est rendue à Londres début août, et à l’issue de son passage M. Al-Wazir a évoqué « des plans concrets de relocalisation ». Mais « je ne m’attends pas à voir débarquer après-demain 10.000 personnes avec leurs valises », a-t-il dit.
Les écoles internationales de Francfort n’ont en tout cas pas enregistré de pics de nouvelles inscriptions, rapportent-elles. Le régulateur boursier Bafin fait état d’une « tendance en petite hausse » des demandes d’informations, sur les dispositions légales par exemple. Mais à ce jour, pas d’envolée des demandes de licences bancaires.
Source : AFP