Vladimir Poutine a été accueilli lundi en grande pompe en Arabie saoudite où il est censé sceller l’entente avec les Saoudiens sur le pétrole et tenter d’user de son influence pour réduire les tensions dans le Golfe entre Ryad et Téhéran.
Salué par des coups de canon à son arrivée à l’aéroport de Ryad, M. Poutine s’est vu accompagner par des cavaliers saoudiens portant des drapeaux russes, jusqu’au palais royal où il a été reçu par le roi Salmane et le prince héritier Mohammed ben Salmane.
Détendus et souriants, le président russe et le roi saoudien se sont brièvement entretenus avant une réception solennelle en l’honneur de Vladimir Poutine, selon les images de la télévision saoudienne.
Des pourparlers entre les deux dirigeants et leurs délégations respectives, ainsi que ceux entre M. Poutine et le prince héritier auront lieu plus tard dans la journée et s’annoncent dominées par le pétrole.
L’Arabie saoudite, chef de file de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), et la Russie, bien que non membre du groupe, coopèrent étroitement ces dernières années pour limiter l’offre de l’or noir et tenter d’en faire remonter le prix.
La dernière prolongation des réductions de la production, décidée par 24 Etats producteurs de pétrole, rassemblés sous l’appellation « Opep+ », expire fin mars 2020.
Selon le ministre russe de l’Enérgie, Alexandre Novak, Moscou et Ryad devraient notamment signer lundi une charte de coopération à long terme de l' »Opep+ », en officialisant ainsi un accord approuvé en été à Vienne. « Nous allons absolument travailler avec l’Arabie saoudite et avec nos autres partenaires et amis dans le monde arabe (…) pour réduire à zéro toute tentative de déstabiliser le marché » pétrolier, a assuré M. Poutine, dans un entretien à des chaînes de télévision arabophones –diffusée dimanche à la veille de sa visite.
Il a fait à cette occasion l’éloge de « ses très bonnes relations avec le roi, comme avec le prince héritier ».
Moscou et Ryad, allié traditionnel des Etats-Unis, ont affiché ces dernières années un rapprochement spectaculaire, marqué notamment par une visite en Russie du roi Salmane en octobre 2017, première historique.
Un an plus tard, alors que Mohammed ben Salmane était sous le feu des critiques après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en Turquie, Vladimir Poutine a salué le prince héritier saoudien d’une poignée de main enthousiaste et très remarquée devant les dirigeants du G20.
Forte de ces relations avec Ryad et en même temps alliée à l’Iran, ennemi juré du royaume, Moscou pourrait chercher à « jouer le rôle de pacificateur » dans les tensions irano-saoudiennes, estime l’analyste politique russe Fiodor Loukianov.
Ce conflit a connu un nouvel accès de fièvre, notamment en septembre, lors d’attaques ayant visé des installations pétrolières saoudiennes. Celles-ci ont été revendiquées par les rebelles Houthis du Yémen, soutenus par Téhéran, que combat une alliance militaire menée par l’Arabie.
Mais Ryad et Washington ont mis en cause l’Iran, tandis que Téhéran a démenti toute implication et mis en garde contre une « guerre totale » en cas d’attaque sur son territoire.
Ne prenant pas partie, la Russie a réagi en balayant les « conclusions hâtives » visant l’Iran. « En ce qui concerne la Russie, nous allons tout faire pour créer les conditions nécessaires pour une dynamique positive » visant à calmer les tensions, a souligné M. Poutine, dans son entretien aux chaînes de télévision arabophones.
En Syrie, les Russes, alliés au régime de Bachar al-Assad et à l’Iran, et les Saoudiens, qui soutiennent l’opposition, sont dans des camps opposés. Le conflit syrien sera à l’agenda des discussions de Vladimir Poutine à Ryad, a affirmé le conseiller du Kremlin, Iouri Ouchakov. « Il est important pour la Russie qu’un pays arabe participe au règlement politique en Syrie », explique M. Loukianov, car jusqu’ici « seuls trois pays non arabes » sont impliqués, la Turquie, la Russie et l’Iran.
Enfin, la visite doit donner lieu à la signature d’une trentaine d’accords et contrats, dont une dizaine dans les secteurs des hautes technologies –notamment de l’intelligence artificielle, de l’énergie et de l’infrastructure– pour un montant de plus de deux milliards de dollars.
En octobre 2017, la Russie et l’Arabie saoudite avaient aussi signé un protocole d’accord ouvrant la voie à l’achat par Ryad des S-400, de puissants systèmes de missiles antiaériens russes. Cette transaction ne s’est pourtant jamais concrétisée, le royaume ayant opté finalement pour l’achat du système américain.
Après l’Arabie saoudite, Vladimir Poutine se rendra mardi aux Emirats arabes unis pour s’y entretenir notamment avec le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammed ben Zayed Al-Nahyane.
Afp