L’avocat et défenseur des droits de l’Homme Me Mokrane Ait Larbi, a estimé dans une déclaration rendue publique dimanche que, les initiatives de sortie de crise se multiplient mais les solutions sont absentes.
S’exprimant sur le dialogue inclusif auquel a appelé le chef de l’Etat par intérim Abdelkader Bensalah, Me Ait Larbi a déclaré que « il n’y a pas de dialogue sans des mesures d’apaisement et des garanties préalables ».
« Le dialogue est un moyen pour résoudre les crises et de rapprocher les points de vue entre les différentes parties. Il n’y a pas de dialogue pour le dialogue, il n’y a pas de dialogue sans mesures d’apaisement, et il n’y a pas de dialogue sans garanties au préalable », a-t-il écrit dans sa déclaration postée sur sa page Facebook.
« Le dialogue lancé par le pouvoir vise-t-il à répondre aux revendications populaires claires et exprimées depuis le 22 février dernier, ou bien il vise seulement à préparer les élections présidentielles dans le but de la continuité ? » s’est demandé l’avocat.
Me Ait Larbi exprime des doutes concernant l’initiative du forum civil pour le changement
Selon lui « l’analyse de certaines déclarations est préoccupante ». A ce propos, il a observé que « le pouvoir a proposé, par la voix du chef de l’état, d’ouvrir un dialogue sans la participation de l’Etat. Le Forum civil pour le changement a réagi en publiant une liste de 13 personnes. Une liste suivie de la publication par la présidence de la république d’un communiqué indiquant que le Chef de l’Etat par intérim l’a considéré comme un pas positif dans la réalisation de l’effort proposé par l’Etat ».
Me Ait Larbi a rappelé que parmi les personnalités proposées, la Moudjahida Djamila Bouhired a rapidement démenti son implication en déclarant qu’elle n’était pas concernée. « Le Forum a ensuite publié une explication : « plusieurs de ces personnalités ont été contactées, et elles ont donné leur accord de participer à l’initiative, quant à Djamila Bouhired, Ahmed Taleb Ibrahimi et Mouloud Hamrouche, c’est le forum civil pour le changement qui les a proposés directement dans la liste ».
Me Ait Larbi a noté qu' »il ressort clairement de cette explication que, à l’exception de Djamila Bouhired, Ahmed Taleb Ibrahimi et Mouloud Hamrouche, les autres personnes ont été contactés et ont accepté l’initiative sans conditions » et « les conditions ont été formulées à la suite des critiques formulées à l’égard de l’initiative », a-t-il fait remarquer.
« C’est également le cas de l’initiative des forces du changement, qui se sont réunies le 6 juillet, et qui a découvert les conditions du dialogue après le rejet de l’initiative par le peuple », a-t-il dit, avant de s’interroger : « Qui a adhéré à l’initiative de qui ? Qui a préparé la liste ? Qui manipule qui ? Qui sont les maîtres de cette initiative ? La situation n’est-elle pas claire ? N’y a-t-il personne qui agit pour la feuille de route du pouvoir ? »
Pour Me Ait Larbi « la seule initiative qui n’a pas suivi la feuille de route du pouvoir est celle des forces de l’alternative démocratique dans la déclaration du 26 juin. »
La Révolution populaire est un arbitre et non une partie
« Je vois que le Hirak a présenté des revendications claires auxquelles il ne va pas céder. Ce qui lui donne la place d’arbitre et non pas de partie. Personne ne peut prétendre représenter le Hirak, car cela permettra inévitablement de dévier des revendications populaires, comme cela a été le cas pendant le printemps noir », a indiqué Me Ait Larbi.
« Le pouvoir à ses représentants même s’ils n’y font pas officiellement partie, les partis et la société civile peuvent ouvrir un dialogue avec les représentants du pouvoir au nom de ses militants et non pas au nom du Hirak. La Révolution est un arbitre entre toutes les parties et elle accepte ou rejette ce qui est convenu », a-t-il expliqué, ajoutant qu' »avant tout dialogue, quelles que soient les parties et les personnes, le pouvoir doit prendre des mesures d’apaisement et garantir le respect des droits, des libertés, de la justice sociale et de l’égalité ».
Mesures d’apaisement
Pour Me Ait Larbi « aucun dialogue ne peut aboutir tant que le pouvoir n’aura pas pris des mesures claires et concrètes ». Parmi ces mesures, il a cité notamment, la libération sans conditions de tous les détenus d’opinion ; mettre fin aux restrictions aux libertés publiques individuelles et collectives et mettre fin aux violations des droits de l’homme ; prévenir le recours à la force par les services de sécurité contre des manifestants pacifiques et prendre des mesures disciplinaires à l’encontre des agents et des officiers qui utilisent la violence sans justification légale ; le retrait du siège mardi et vendredi sur la ville d’Alger et le respect de la liberté de circulation ; l’ouverture des médias publics à un débat libre ; prendre des mesures claires et rigoureuses pour rendre les chaînes de télévision privées au service de l’information et ne pas faire de discrimination dans la répartition du temps entre les partisans et les opposants du pouvoir ».
Les garanties
« Pourquoi ne pas s’entendre, en dépit des divergences politiques et idéologiques, sur une charte ou une déclaration qui représente le minimum des droits et libertés qui ne peuvent être réduits, quelle que soit la majorité présidentielle ou parlementaire, avant d’engager un dialogue sur les élections ? », a indiqué Me Ait Larbi avant de dérouler les garanties qu’il estime nécessaires avant l’engager tout dialogue et « pour éviter d’autres crises ».
« ça ne m’est égal que les élections soient organisées dans six mois ou un an. c’est de sortir du pouvoir d’un gang pour entrer dans un autre gang. Cela pourrait se produire si l’objectif d’un dialogue n’était qu’un accord sur l’élection présidentielle sans garantie préalable du respect des droits et libertés », a-t-il averti. « (…) Qui garantit que le prochain président ne reproduira pas ce qu’a fait le Président Abdelaziz Bouteflika a fait ? », en amendant la la Constitution pour rester à vie au Pouvoir.
« La Charte ou la déclaration pour laquelle je me bats donnera au peuple le droit de retourner dans la rue pacifiquement en cas de violation des droits et libertés pour demander la destitution du président, du gouvernement ou du Parlement. Ce n’est qu’ainsi que le dialogue aura un sens. Le reste n’est que des tentatives du pouvoir pour sauver le système de la bande », a-t-il dit.
Enfin, Me Ait Larbi a appelé à la poursuit de la révolution pacifique pour que toutes les revendications du peuple soient concrétisées.