Le militant de la démocratie, Djamel Zenati, est revenu dans un entretien accordé à Liberté dans son édition de ce dimanche, sur la situation politique en Algérie. Il a affirmé que « l’option présidentielle vise à sauver le système », tout en appelant le Hirak à préserver impérativement son unité ».
Estimant que, « la dynamique populaire n’est pas totalement à l’abri », Djamel Zenati a estimé que « le moindre relâchement peut avoir des conséquences incommensurables. »
« Le mouvement doit impérativement préserver son unité, sa détermination et développer des réflexes de vigilance afin de se prémunir contre toutes formes de manipulation et de propagande », a-t-il préconisé, en critiquant les médias publics et les chaînes privées qu’il a qualifiés de « mercenaires ».
« Les relais du pouvoir, anciens et nouveaux, agissent sans honte et sans relâche. Il suffit de suivre les médias publics et les chaînes privées mercenaires pour saisir l’ampleur de la contre-révolution. Toutefois, les plus néfastes sont les nouveaux convertis à la doctrine du salut par la matraque. Leur démarche est extrêmement vicieuse. Ils ne s’opposent pas frontalement au mouvement populaire. Ils procèdent par propagation d’idées et d’analyses de manière à susciter dans l’opinion un sentiment de bienveillance, voire d’admiration pour les maîtres de l’heure. Ils s’efforcent, à titre d’exemple, de fabriquer au chef d’état-major une image de sauveur », a-t-il dit.
« Certes, des figures emblématiques du système sont en prison et cela a été accueilli avec grande satisfaction par les citoyennes et citoyens. Toutefois, il faut éviter de se laisser distraire par des mesures spectaculaires sans le moindre effet sur la nature même du système », a-t-il conseillé, ajoutant qu' »en vérité, ces mesures sont dictées par des motivations totalement étrangères aux préoccupations du mouvement populaire ».
« Choisir librement un président ne changera donc rien à la situation »
S’exprimant sur une éventuelle tenue d’un scrutin présidentiel, Djamel Zenati a estimé que « choisir librement un président ne changera donc rien à la situation ».
Il a ajouté qu »‘il est par ailleurs insensé de croire qu’un président, quand bien même élu démocratiquement, puisse s’émanciper de la tutelle des décideurs sous l’empire de l’ordre actuel. Il ne faut jamais sous-estimer l’influence de l’architecture constitutionnelle ni réduire le poids des pratiques autoritaires ». Selon lui, « les conditions d’un libre choix sont loin d’être réunies ».
« Les quelques propositions faites par le chef de l’État intérimaire ne sont pas de nature à garantir quoi que ce soit. Bensalah n’a d’ailleurs aucune autorité. Il est l’exemple parfait de la vitrine. L’option présidentielle vise à sauver le système. Tout au plus servira-t-elle à rafistoler la façade. Elle est l’unique moyen par lequel les décideurs comptent reprendre en main la situation et peser sur les évolutions futures. Ce pour quoi ils insistent tant sur la tenue de cette élection », a-t-il expliqué.*
Pour Djamel Zenati, la conférence du forum national du dialogue, tenue le 6 juillet et dirigée par l’ancien ministre Abdelaziz Rahabi, « excepté les formations politiques de Djaballah et Sofiane Djilali et quelques personnalités présentes, le reste est une reconstitution à peine soft de l’ancienne alliance présidentielle », a-t-il dit.
« Pour pouvoir sauver le système, le chef d’état-major a besoin de réunir trois conditions : un climat propice, un procédé et un instrument politique. Le climat propice c’est la répression et les diverses tentatives de diversion. Le procédé c’est l’élection présidentielle. L’instrument politique va se construire à partir de la réserve des forces et personnalités gravitant à la périphérie du système auxquelles vont se joindre les courants proches de par la filiation idéologique », a-t-il expliqué.
Selon lui « l’objectif non avoué de cette rencontre est justement de donner un prolongement politique à l’offre du pouvoir. Leur démarche ne s’inscrit pas dans une rupture avec le système en place avec lequel, faut-il le souligner, ils partagent la même matrice idéologique. Leur critique ne va pas au-delà de la question du pouvoir. »
« Une transition sans les institutions de transition »
« Lors de la rencontre du 26 juin, j’ai soumis au débat l’idée d’une transition sans institutions de transition. Ce modèle original peut paraître à première vue invraisemblable. Je ne suis pas de cet avis. Pour moi, la démocratie est une incessante invention tant dans les idées que dans les faits. Mais les raisons à l’origine de cette proposition ne relèvent pas du seul souci d’innover. Elles renvoient à des contraintes intimement liées à notre réalité », a-t-il expliqué.
Selon lui « il y a en premier la rupture de confiance entre le pouvoir et la société. Les institutions de transition s’exposent à un risque réel, celui d’être absorbées par le pouvoir en place. En effet, les capacités de la dictature en matière d’infiltration, de manipulation et de corruption sont redoutables et toujours intactes. Ensuite vient la méfiance de la société envers les élites. La question des personnes devant conduire la transition est très problématique en raison de l’esprit dégagiste ambiant. Il y a enfin la difficulté de trouver un mécanisme de représentation incontestable ».
« Il ne faut pas oublier que la révolte populaire est aussi le résultat d’une crise de représentation. Le mouvement populaire est de nature horizontale et rejette toute forme de structuration. Aussi doit-il s’organiser en comités ou forums populaires autour des grandes tâches de la transition démocratique. L’ensemble des tâches minutieusement ordonnées correspond à la rupture progressive avec le système. La matérialisation des tâches fera l’objet de négociations successives et semi-directes entre le mouvement et le commandement militaire », a-t-dit, ajoutant que « cette démarche, je l’avoue, suppose un engagement total et continu et une forte capacité d’organisation et d’initiative. De toutes les façons, l’implication des citoyennes et citoyens est la seule garantie pour la réussite de la transition. Larbi Ben Mhidi ne disait-il pas à juste titre : « Jetez la révolution dans la rue et le peuple s’en emparera » ? Cela reste valable pour la transition », a-t-il estimé.